Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 06:15

Rescapés d'Auschwitz

Alain Vincenot

Alors que les derniers survivants disparaissent peu-à-peu, Alain Vincenot est allé recueillir leurs témoignages.

Il s'agit pour lui de faire comprendre "la faim, la soif, le froid, l'épuisement, les coups, cette mort différée à laquelle étaient condamnés ceux que les SS avaient recrutés pour un travail d'esclaves, les marquant comme du bétail" en faisant connaître les récits des survivants : "il y a urgence". Après avoir rappelé (sur la base de nombreuses citations) ce que furent "L'usine à tuer", "L'obsession antisémite d'Hitler" et "La Shoah en France", l'auteur raconte ensuite avec des mots simples et touchants les parcours dans les camps de concentration de neuf survivants arrêtés en France, les horribles conditions de survie et la mort toujours présente, mais prend aussi soin de rappeler, en quelques lignes, en conclusion de chaque chapitre les conditions de "reconstruction" personnelle et familiale de chacun après la guerre : une reprise de scolarité, un mariage, la création d'une entreprise, et bien plus tard la naissance de petits-enfants et arrières-petits-enfants : "Ma revanche sur Hitler" conclue Sarah Lichtsztejn-Montard, tatouage A7142.

On peut peut-être regretter l'absence d'une conclusion d'ensemble, de synthèse, mais finalement qu'aurait-elle apporté à cette succession de témoignages ? On apprécie par contre les quelques annexes judicieusement choisies et le glossaire ("Le vocabulaire des camps") qui terminent le livre. Un retour parfois cru sur une réalité. La parole des victimes avant qu'elles ne disparaissent.

Editions de l'Archipel, Paris, 2014, 263 pages. 19,95 euros.

ISBN : 978-2-8098-1611-2.

Derniers témoignages
Partager cet article
Repost0
14 janvier 2015 3 14 /01 /janvier /2015 06:00

Adolf Eichmann

Comment un homme ordinaire devient un meurtrier de masse

David Cesarani

Parue pour la première fois en France en 2010, cette biographie du "fonctionnaire en chef" de l'extermination des juifs dans l'Allemagne nazie doit être lue.

Son procès en Israël après son enlèvement par le Mossad en Argentine a constitué en 1961 l'un des derniers grands événements des procès des criminels de guerre allemands, et chacun sait vaguement qu'il fut l'un des principaux organisateurs de la "solution finale". Avec ce volume, il est possible de retrouver l'ensemble de la vie et surtout de la "carrière" d'Eichmann. Le chapitre 1 brosse rapidement en une vingtaine de pages le tableau de sa jeunesse, de son milieu familial et de son début d'activité professionnelle. National-socialiste autrichien, il se met dès 1933 au service du régime allemand et, après avoir commencé "sa carrière dans un bureau traitant d'affaires de faible importance au sein d'une agence de second rang, encore quelque peu marginale au sein du parti nazi", progresse rapidement et méthodiquement jusqu'aux plus hauts échelons : "On saisit la mesure de l'énergie et de l'esprit d'entreprise d'Eichmann lorsqu'on sait qu'afin de mieux exécuter ses tâches, il tenta d'apprendre les langues juives". Favorable à l'émigration massive -et forcée- hors des territoires allemands (vers la Palestine ?), il use de tous les moyens pour la favoriser, y compris l'émigration clandestine réprimée par les Britanniques, puissance mandataire. La transition vers l'extermination de masse se fait en 1941 avec les guerre contre l'URSS et, la généralisation de la solution finale à l'Europe se fait à partir de la Pologne et des territoires russes occupés. Désormais "administrateur du génocide", Eichmann tient plusieurs discours (de nombreux extraits de ses déclarations lors de son procès sont cités), parlant d'expulsion, de solution politique ou territoriale, mais se rallie sans problème à l'extermination de masse : il est désormais au "point nodal du génocide", à un poste non politique mais "opérationnel". Son action à l'échelle européenne, à travers les territoires "alliés" ou occupés est longuement décrite. En 1945, après une brève tentative pour organiser une ultime forme de résistance aux Alliés dans les Alpes ("Comme Eichmann connaissait bien les montagnes, il pensait qu'il pourrait survivre avec sa bande"). Mais l'aventure ne dure pas et il "fit alors ce que tous les autres membres de la SS faisaient. D'une manière, comme à son habitude, torturée et autodisculpante qui touchait à l'absurde, il raconta : J'ai disparu, au sens où je n'ai pas crié sur tous les tous qui j'étais".

David Cesarani décrit ensuite dans le détail les modalités de fuite du responsable du RSHA, à travers l'Allemagne, via l'Italie en direction de l'Argentine, les conditions de vie qui sont les siennes en Amérique latine, ses problèmes financiers et ses difficultés d'emploi. Il raconte également la traque de Wiesenthal et des services israéliens pour le retrouver (parmi d'autres) et le déroulement de son enlèvement (mais Eichmann signe en mai 1960 une attestation donnant son accord), puis le détail de son procès, qui sera en fait celui plus largement de la solution finale. Le dernier chapitre est consacré aux années qui suivent son exécution -jusqu'à la fin du XXe siècle-, la production littéraire, les biographies, les recherches sur l'extermination des juifs.

Très documenté, toujours référencé, le livre reste indiscutablement une référence.

Coll. 'Texto', Tallandier, Paris, 2014, 557 pages, 12 euros.

ISBN : 979-10-210-0718-5.

Fonctionnaire de l'extermination
Partager cet article
Repost0
11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 05:50

Portés disparus

Claude Raoul-Duval, Philippe Béraud

Destins croisés, 1940-1943

Patrick Collet

Après avoir publié l'an dernier un premier livre en l'honneur de Jacques-Henri Schloesing, itinéraire d'un Français libre, Patrick Collet nous propose aujourd'hui une double biographie, ou plutôt croise les parcours de deux pilotes des FAFL.

La première partie est essentiellement consacrée à Claude Raoul-Duval, la seconde à Philippe Béraud, mais tout se termine, ou commence, le 17 avril 1943 lorsque les deux pilotes manquent à l'appel au retour d'une mission au-dessus de la Normandie. Claude Raoul-Duval, au terme d'un parcours aussi périlleux que rocambolesque décrit dans le détail au long de la première partie, reprendra sa place au sein du groupe "Alsace" et termine la guerre chevalier de la Légion d'honneur et compagnon de la Libération. Philippe Béraud, lui, est mort ce jour-là, et la partie qui lui est consacrée est constituée par les lettres échangées à partir de février 1941 avec une Française installée au Royaume-Uni, Jeanne Moorsom, correspondance qui permet de retrouver le quotidien et l'entrainement, puis les engagements des pilotes des FAFL. Un dernière page revient rapidement sur la carrière du pilote allemand qui les a abattu, lui-même tué en mission quatre mois plus tard. Plusieurs belles et riches annexes complètent le volume, dont il faut souligner qu'il est parfaitement bien illustré à partir de documents très variés.

Globalement, ce volume qui nous donne à connaître, de fait, toute la guerre de deux pilotes, sous deux formes différentes, est extrêmement agréable à lire et permet de mieux comprendre, par des témoignages ou par des courriers, ces quelques jeunes hommes qui choisirent de tout abandonner pour rejoindre Londres. Un volume vivement recommandé. 

Heimdal, Bayeux, 2014, 223 pages, 36 euros.

ISBN : 9782840484158

FAFL
Partager cet article
Repost0
7 janvier 2015 3 07 /01 /janvier /2015 06:15

Les éminences grises du nazisme

Gérard Chauvy

Si le grand public connait les noms de quelques dignitaires du régime nazi, comme Himmler ou Goering, bien d'autres représentants de l'élite allemande ont apporté leur soutien au Führer, en particulier pendant la phase d'ascension vers le pouvoir. Gérard Chauvy présente ici dix portraits d'hommes "de second rang" qui jouèrent parfois un rôle essentiel dans leur domaine.

Le premier est Dietrich Eckart, auteur et journaliste antisémite bavarois du début du XXe siècle, mythomane proche de la société de Thulé et de certains cercles radicaux de l'émigration russe, qui sera l'un des inspirateurs et le premier rédacteur en chef du journal du parti. Le second est l'un des anciens camarades de guerre d'Hitler, le sous-officier Max Amann, qui deviendra le gestionnaire du parti (avec le titre de secrétaire général) et le directeur de sa maison d'édition, puis le véritable "magnat" de l'ensemble de la presse national-socialiste. Le troisième est un authentique baron héritier d'une ancienne famille de financiers, "principal banquier privé de la Ruhr", qui assure à partir de la fin des années 1920 une aisance financière au parti nazi et lui ouvre bien des portes dans les milieux capitalistes, y compris en Angleterre et aux Etats-Unis. Vient ensuite un militaire, Walter von Reichenau, proche du général von Blomberg, "officier moderne qui ne connaissait ni préjugés, ni sentiments", qui aida Hitler tout en tentant de l'influencer, devient l'un des personnages clefs du ministère de la Guerre, contribua à abattre Röhm et les SA et finira Feld-maréchal sur le front de l'Est. Le personnage suivant est une femme, Inge Viermetz, qui devient secrétaire de l'organisation Lebensborn en 1938 et joue après le début de la guerre un rôle important dans la "germanisation" des enfants des territoires occupés (il s'agit de l'un des portraits les moins en phase avec le titre du livre puisqu'elle est renvoyée pour irrégularités en 1943 et n'accèdera jamais à des responsabilités nationales, mais il fallait sans doute une femme). Un médecin, Karl Brandt, est le personnage suivant, chirurgien doué qui devient "médecin d'escorte" du Führer, développe le programme nazi d'euthanasie et termine sa carrière comme médecin-général de la SS. Un haut magistrat complète ensuite le tableau, Charles Roland Friesler, qui fut d'abord avocat du parti dans les années 1920 avant de devenir secrétaire d'Etat après la prise du pouvoir en 1933 puis l'un des concepteurs du nouveau "droit" national-socialiste ("Le droit national-socialiste prend moins souci de la précision absolue des prescriptions de la loi que de la justice réelle, toujours facile à établir en tenant compte des saines impressions populaires" !). Comme président du "tribunal du peuple", il condamnera les quelques civils et militaires qui tenteront de résister au régime, et des milliers d'autres accusés de trahison. Oswald Pohl est le suivant, ancien intendant de la marine devenu trésorier de la SS puis responsable de sa direction économique et administrative, et à ce titre en charge de la "rentabilisation" des camps de concentration à partir de 1942. Un médecin encore avec Ernst Robert Grawitz, entré dans la SS en 1932 et qui devient en 1937 président de la Croix-Rouge allemande et conseiller d'Himmler, alignant la vénérable institution caritative sur la politique nazie, partisan des expérimentations humaines et qui fait comme Hitler le choix de se suicider en 1945. La série se termine avec Otto Dietrich, chef du service de presse du Führer, journaliste dans des périodiques nationalistes dans les années 1920, qui facilite les rencontres avec le milieu des grands industriels et devient président de la Ligue allemande de la presse à partir de 1933. 

Un panel impressionnant de personnages d'envergures différentes, mais souvent aussi de véritables fonctionnaires du régime, chacun dans leur domaine. Si l'intérêt personnel, voire le plus simple appât du gain, n'est pas absent de leur engagement, ils raisonnent pour la plupart d'abord comme de bons et laborieux subordonnés et  permettent à Hitler de couvrir tous les domaines de la société et de la vie publique.

Ixelles éditions, Paris, 2014, 350 pages. 22,90 euros.

ISBN : 978-2-87515-235-0.

Compagnons de route d'Hitler
Partager cet article
Repost0
1 janvier 2015 4 01 /01 /janvier /2015 06:45

Les armes secrètes du IIIe Reich

Laurent Tirone

Un ouvrage plus sérieux que le titre et l'image de couverture pourraient le laisser supposer. En fait, l'auteur nous dresse la tableau d'une douzaine d'années de recherche militaro-industrielles en Allemagne.

Dans un récit chronothématique, après une introduction qui fait le lien entre les interdictions du traité de Versailles et la politique de contournement de la république de Weimar, Laurent Tirone divise son livre en quatre parties principales : "Les grands programmes d'armement (1933-1939)", "Les années victorieuses (1939-1942)", "La fin des illusions (1943)" et "L'accélération des programmes de recherche (1944-1945)". Au long du texte, il fait l'aller-retour entre les décisions politiques et les besoins exprimés par les armées d'une part, les travaux des chercheurs et les réalisations des entreprises d'autre part, mais aussi précise les conséquences tactiques de l'emploi des matériels en fonction de leurs caractéristiques. Au sein de chaque partie, les présentations sont faites par armée et grands programmes (la Heer, la Kriegsmarine, la Luftwaffe, les fusées, l'arme atomique), et au sein de chaque chapitre par programme majeur ou type de matériels. Laurent Tirone souligne que les principaux programmes n'ont pas été conduits à leur terme, parfois par décision d'Hitler dans un premier temps, parfois par suffisance des dirigeants nazis et des militaires qui s'illusionnent après les premières victoires relativement faciles, parfois aussi parce que les contraintes techniques ne pouvaient pas être résolues avec la technologie disponible. Les réalisations les plus modernes (blindés, aviation, arme sous-marine, V1 et V2) arrivent trop tard et en nombre insuffisant pour inverser la conclusion de la guerre. Soumise au blocus et pressée sur tous les fronts, l'Allemagne n'avait en fait aucune possibilité de remporter la victoire. Il n'en demeure pas moins que certaines réalisations, comme le sous-marin "Typ XXI", sont particulièrement en avance sur leur temps mais n'auront pas le temps d'être déclarés opérationnels ; ou que d'autres, comme les missiles ou les avions à réaction qui causent de réels soucis aux Alliés dans les derniers mois et dernières semaines de guerre, sont trop peu nombreux. Les dernières pages, qui traitent rapidement de la récupération des savants nazis par les vainqueurs, laissent subsister un doute (mesuré) sur d'hypothétiques "soucoupes volantes nazies" (p. 289-290). C'est l'un des rares points inutiles et irritants du volume. 

Un livre qui mérite d'être lu car il remet les événements dans leur contexte et relativise bien des affirmations excessives, sout le double angle de la production industrielle et de l'emploi opérationnel des matériels. On remarque que la bibliographie ne comporte presque que des titres récents (entre 1997 et 2013, parfois des rééditions), parmi lesquels les volumes sont de qualité diverse. Un index complète le tout, et un petit cahier photos apporte quelques illustrations.

Ixelles éditions, Paris, 2014, 318 pages. 22,90 euros.

ISBN : 978-2-87515-236-7.

Technique et idéologie
Partager cet article
Repost0
26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 07:15

Les services secrets et la Shoah

David Bankier (Dir.)

Que savaient les dirigeants alliés de la réalité de la politique allemande d'extermination des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, et dans quelle mesure cette connaissance a-t-elle ou non exercé une influence sur la conduite des opérations ? Telle est la question à laquelle veut répondre ce livre, actes d'un colloque tenu à New-York et publié d'abord aux Etats-Unis.

Treize contributions d'historiens essentiellement américains (mais on note la présence de Sébastien Laurent avec une communication sur "Les services secrets militaires français et le génocide, 1940-1945 : omission, aveuglement ou échec ?") labourent en profondeur ce chantier de recherche avec des articles très variés. Après une intervention liminaire de Gerhard L. Weinberg sur "La Shoah et les documents secrets", on relève en particulier parmi les sujet les moins connus "Comment les renseignements Ultra et Magic sur la Shoah furent diffusés aux Etats-Unis pendant la Seconde guerre mondiale ?" (Robert Hanyok), "Istanbul 1942-1945 : les réseaux Kollek-Avriel et Berman-Ofner" (Tuvia Friling), "Le meilleur service de renseignement d'Europe ? Les renseignements du Vatican et la solution finale" (David Alvarez), "Une Rezidentura (résidence) du NKVD dans le ghetto de Varsovie, 1941-1942" (Piotr Wrobel). Au bilan, à Londres comme à Washington, et en dépit des mesures de protection du secret déployées par les Allemands, on a su assez rapidement ce qu'il advenait des juifs d'Europe et, au fur et à mesure des mois, des informations complémentaires sont venues confirmer les premiers éléments encore vagues ou approximatifs. Pourtant, l'ampleur même du crime n'était sans doute pas appréciée dans toutes ses dimensions. Et aucune mesure d'envergure n'a été prise au plan militaire pour tenter de s'y opposer, ou de le faire cesser plus rapidement. Des explications très pragmatiques peuvent être avancées, sans que cela ne puisse satisfaire naturellement les survivants et les ayant-droits des victimes.

Au-delà des réactions émotionnelles et des condamnations morales, un livre qui passionnera tous ceux qui s'intéressent aux rapports entre les mondes du renseignement, de la prise de décision politique et de l'action militaire.

Nouveau Monde éditions Poche, Paris, 2014, 478 pages, 9 euros.
ISBN : 978-2-36583-981-5.

Les Alliés et la Shoah
Partager cet article
Repost0
22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 07:30

Les gendarmes dans la bataille de Normandie

(Collectif)

Publication de la région de gendarmerie de Basse-Normandie dans le cadre du 70e anniversaire de la bataille de Normandie, en partenariat avec le Service historique de la Défense et la Délégation au patrimoine culturel de la gendarmerie.

Cette brochure institutionnelles de 120 pages présente le rôle et la place de la gendarmerie entre le débarquement de Normandie et la fin de la bataille de Falaise, à travers une série de portraits contextualisés. Les premières pages laissent un sentiment de gêne, car il faut bien expliquer que la gendarmerie en tant qu'institution a été en de nombreuses circonstances jusqu'au printemps 1944 l'auxiliaire de l'occupant, la seule et dernière force (maigrement) armée à la disposition des autorités vichystes, même si quelques gendarmes à titre individuels sont engagés très tôt dans la résistance. Le corps du volume offre l'intérêt de remettre en lumière des missions "de principe" au bénéfice des populations de la région traversée par la guerre, souvent oubliées ; et de rappeler quelques belles actions se terminant parfois par la mort. Les biographies sommaires des gendarmes qui se sont alors distingués figurent en marge, et les annexes recensent tous les gendarmes qui se sont illustrés durant cette période ainsi que les actions de résistance qui doivent leur être attribuées. Un angle d'approche peu courant.

 

Situation difficile pour les gendarmes
Partager cet article
Repost0
21 décembre 2014 7 21 /12 /décembre /2014 07:15

Hitler et la France

Jean-Paul Cointet

Une approche originale des relations entre le Reich allemand et la France de Vichy, et au-delà une analyse (et une présentation) de la façon dont Hitler, personnellement, envisageait la situation future du vaincu.

"Cette politique fut le reflet d'idées fixes et d'obsessions arrêtées bien avant 1940", et se traduisit par "une double volonté de neutralisation et d'exploitation". Pour appuyer sa démonstration, Jean-Paul Cointet commence par citer le testament politique du Führer, qui fait directement référence à Mein Kampf : "J'ai écrit il y a vingt-cinq ans ce que je pensais. La France demeure l'ennemi éternel du peuple allemand" et le livre s'ouvre sur deux premiers chapitres (une centaine de pages) qui s'efforcent d'identifier et de préciser les bases intellectuelles de cette hostilité quasiment viscérale. L'auteur s'intéresse ensuite aux conditions de la défaite française de 1940, aux débats qui entourent la préparation de l'armistice et aux premiers pas de la politique de collaboration, avec une question : "Montoire, journée des dupes ou jeu d'illusions ?". Avec le renvoi de Laval (épisode du retour des cendres de l'Aiglon) et l'arrivée de Darlan s'ouvre une nouvelle période, marquée par la conviction que l'Angleterre a perdu la guerre et qu'une accélération du processus de collaboration est indispensable ("Il est de notre devoir de faire découler de la défaite de la France la victoire de l'Europe"). Désormais, Hitler peut tout exiger : les autorités de Vichy anticipent même ses demandes dans tous les domaines, humains et financiers, agricoles et industriels, réduisant la France (occupée ou -provisoirement- "libre") à l'état de territoire soumis au pillage. Parmi les nombreux chiffres fournis, certains sont impressionnants : "A la date de décembre 1941, 55% de l'aluminium, 90% du ciment, 70% des produits de l'industrie mécanique française, 90% de ceux de l'industrie électrique, 45% de ceux du cuir sont passés en Allemagne"... Dans le domaine automobile, 77% de la production française, et 100% dans le domaine aéronautique, sont destinés à l'Allemagne. Une contribution non négligeable à l'effort de guerre du Reich. Bref, la France ne tient plus qu'une "place utilitaire", mais dans ce domaine importante et les demandes allemandes ne cessent de croître après le retour de Laval. Le dernier chapitre s'intéresse à la fiction d'un "gouvernement" français maintenu, en exil à Sigmaringen, où s'affrontent les derniers adeptes de la collaboration sur fond de détestations personnelles.

Un livre très intéressant, qui fourmille d'informations et de chiffres, et qu'il sera très utile de croiser avec d'autres publications sur la période de l'Occupation. Une lecture indispensable pour quiconque s'intéresse au sujet.

Perrin, Paris, 2014, 431 pages. 23,90 euros.
ISBN : 978-2-262-03963-9.

Vision hitlérienne de la France
Partager cet article
Repost0
20 décembre 2014 6 20 /12 /décembre /2014 06:00

Collaborations et épurations dans la Vienne

1940-1948

Jean-Marie Augustin

Solide et sans doute quasiment complet. Avec ce volume, consacré à un département rural à première vue sans particularité significative, Jean-Marie Augustin apporte une indiscutable plus-value à notre connaissance des années noires et de la Libération.

Dans une fresque particulièrement bien documentée à l'échelle du département, l'auteur aborde successivement les débuts et les formes de la collaboration individuelle, auxquelles la notoriété personnelle et la figure tutélaire de Pétain doivent beaucoup ; puis les relais de la collaboration officielle, des administrations préfectorale et municipales aux forces de maintien de l'ordre et aux organisations vichystes ;  enfin les partis, la presse et les responsables locaux pétainistes. Il consacre en particulier un chapitre aux "Vichysto-résistants", parmi lesquels de nombreux "notables, maréchalistes ou pétainistes, (qui) font des actes de résistance". Les passages d'un milieu à l'autre semblent assez nombreux, même si "la présence dans le maquis de certains individus connus pour leur activité passée au sein de la collaboration, crée la surprise, quand ce n'est pas de l'indignation". Après ces trois premières parties consacrées à la période 1940-1944, Jean-Marie Augustin consacre la dernière à l'épuration sous ses différentes formes, des règlements de compte plus ou moins spontanés au retour de procédures judiciaires plus classiques et enfin au processus d'amnistie. Il détaille en particulier le déroulement de certains procès et les peines prononcées à l'issue et s'intéresse aussi à la dévolution des titres de la presse locale. Comme il le souligne dans sa conclusion, la "collaboration" est multiforme et prête plus ou moins à conséquences : "Beaucoup de collaborateurs ont pris pour acquis que l'Allemagne allait gagner la guerre et se sont adapté au nouveau système par souci de réalisme"... Piètre image des fortes convictions hautement proclamées quelques années plus tard, souvent par les mêmes. Quelques tableaux statistiques, graphiques et cartes complètent utilement les chapitres qui bénéficient d'un abondant appareil de notes, tandis que l'indication précise des sources consultées, une bibliographie très complète et un index terminent le volume.

Un ton posé, une argumentation toujours référencée, un travail important pour quiconque s'intéresse à la situation intérieure française durant ces années de guerre et d'immédiat après-guerre.

Geste éditions, La Crèche, 2014, 384 pages, 24 euros.

ISBN : 978-2-36766-229-5.

Histoire régionale
Partager cet article
Repost0
16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 06:00

Lettres de la Wehrmacht

Marie Moutier

Si les correspondances publiées de soldats de la Grande Guerre sont fort nombreuses, l'édition en France de lettres de soldats allemands de la Seconde guerre mondiale est relativement peu fréquente, et ce livre constitute donc une intéressante nouveauté.

Comme pour bien d'autres conflits, ces courriers personnels témoignent de l'humanité profonde des hommes engagés dans le conflit, de leur souci de leur famille, de leurs peurs, des évolutions générales de moral aussi : il n'y a rien d'étonnant à ce que les soldats de la Wehrmacht victorieuse de 1941 témoignent d'une moral de vainqueurs, tandis que ceux de 1944 ou 1945, parfois les mêmes, ne souhaitent que la fin de la guerre. Finalement, hors les différences qui tiennent au théâtre d'opérations ou aux matériels, ces correspondances ne sont pas fondamentalement différentes sur le fond de celles de la Grande Guerre. Les auteurs ont fait le choix de classer ces courriers chronologiquement et par thèmes. Il y a ainsi trois grandes parties : "Les seigneurs de la guerre (1939-1941)", "De fer et de sang (1942-1943)", et "Crime et châtiment (1944-1945", comprenant chacune autour de 35 thèmes illustrés par une ou deux correspondance(s). On apprécie la grande diversité des périodes et territoires, de l'extrême Nord européen à la Crète en passant par la France, l'Afrique du Nord et la Russie bien sûr (inérêt pour les considérations climatiques et topographiques qui influent sur les opérations), et le fait que chaque lettre soit précédée de quelques lignes qui présentent l'auteur et son parcours militaire. On y apprend au passage que certains soldats de la Wehrmacht n'ignorent rien des massacres perpétrés en Europe orientale et ont parfaitement connaissance des crimes de la SS (dont ils parlent à leurs familles). Au-delà des considérations militaires, il y a bien sûr tous les aspects liés à la vie familiale, aux sentiments personnels et aux changements d'humeur au fil des semaines et des mois. Et l'espoir chevillé au corps : "Ces immenses pertes que nous réservent les bombes ennemies, nous saurons les surmonter bientôt ; si la guerre se termine par une victoire de l'Allemagne. Quand je serai de nouveau près de vous, nous reconstruirons tout ensemble, peut-être même que nous aurons un plus beau foyer qu'avant. Si nous restons sains et saufs tous les deux, la chance nous sourira de nouveau", le 1er janvier 1945.

Une approche "par le bas" de l'armée allemande de la Seconde guerre mondiale.

Perrin, Paris, 2014, 338 pages, 22 euros.

ISBN : 978-2-262-04339-1.

Courriers de soldats
Partager cet article
Repost0

Qui Suis-Je ?

  • : Guerres-et-conflits
  • : Guerres et conflits XIXe-XXIe s. se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la « dictature des commémorations », nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.
  • Contact

  • guerres-et-conflits
  • L'actualité de la presse, de l'édition et de la recherche en histoire

Partenariat

CHOUETTE

Communauté TB (1)

Recherche

Pour nous joindre

guerres-et-conflits@orange.fr

Cafés historiques de La Chouette

Prochaine séance : pour la rentrée de septembre. Le programme complet sera très prochainement mis en ligne.

Publications personnelles

Livres

 

doumenc-copie-1.jpgLa Direction des Services automobiles des armées et la motorisation des armées françaises (1914-1918), vues à travers l’action du commandant Doumenc

Lavauzelle, Panazol, 2004.

A partir de ma thèse de doctorat, la première étude d’ensemble sur la motorisation des armées pendant la Première Guerre mondiale, sous l’angle du service automobile du GQG, dans les domaines de l’organisation, de la gestion et de l’emploi, des ‘Taxis de la Marne’ aux offensives de l’automne 1918, en passant par la ‘Voie sacrée’ et la Somme.

 

La mobilisation industrielle, ‘premier front’ de la Grande Guerre ? mobil indus

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2005 (préface du professeur Jean-Jacques Becker).

En 302 pages (+ 42 pages d’annexes et de bibliographie), toute l’évolution industrielle de l’intérieur pendant la Première Guerre mondiale. Afin de produire toujours davantage pour les armées en campagne, l’organisation complète de la nation, dans tous les secteurs économiques et industriels. Accompagné de nombreux tableaux de synthèse.

 

colonies-allemandes.jpgLa conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2006 (préface du professeur Jacques Frémeaux).

Au début de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand est de création récente. Sans continuité territoriale, les différents territoires ultramarins du Reich sont difficilement défendables. De sa constitution à la fin du XIXe siècle à sa dévolution après le traité de Versailles, toutes les étapes de sa conquête entre 1914 et 1918 (388 pages, + 11 pages d’annexes, 15 pages de bibliographie, index et cartes).

 

 caire damasDu Caire à Damas. Français et Anglais au Proche-Orient (1914-1919)

 14/18 Editions, Saint-Cloud, 2008 (préface du professeur Jean-Charles Jauffret).

Du premier au dernier jour de la Grande Guerre, bien que la priorité soit accordée au front de France, Paris entretient en Orient plusieurs missions qui participent, avec les nombreux contingents britanniques, aux opérations du Sinaï, d’Arabie, de Palestine et de Syrie. Mais, dans ce cadre géographique, les oppositions diplomatiques entre ‘alliés’ sont au moins aussi importantes que les campagnes militaires elles-mêmes.

 

hte silesieHaute-Silésie (1920-1922). Laboratoire des ‘leçons oubliées’ de l’armée française et perceptions nationales

‘Etudes académiques », Riveneuve Editions, Paris, 2009.

Première étude d’ensemble en français sur la question, à partir du volume de mon habilitation à diriger des recherches. Le récit détaillé de la première opération civilo-militaire moderne d’interposition entre des factions en lutte (Allemands et Polonais) conduite par une coalition internationale (France, Grande-Bretagne, Italie), à partir des archives françaises et étrangères et de la presse de l’époque (381 pages + 53 pages d’annexes, index et bibliographie).

 

cdt armee allde Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général von Falkenhayn 

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Le texte original de l’édition française de 1921 des mémoires de l’ancien chef d’état-major général allemand, accompagné d’un dispositif complet de notes infrapaginales permettant de situer les lieux, de rappeler la carrière des personnages cités et surtout de comparer ses affirmations avec les documents d’archives et les témoignages des autres acteurs (339 pages + 34 pages d’annexes, cartes et index).

 

chrono commChronologie commentée de la Première Guerre mondiale

Perrin, Paris, 2011.

La Grande Guerre au jour le jour entre juin 1914 et juin 1919, dans tous les domaines (militaire, mais aussi politique, diplomatique, économique, financier, social, culturel) et sur tous les fronts. Environ 15.000 événements sur 607 pages (+ 36 pages de bibliographie et d’index).

 

 Les secrets de la Grande Guerrecouverture secrets

Librairie Vuibert, Paris, 2012.

Un volume grand public permettant, à partir d’une vingtaine de situations personnelles ou d’exemples concrets, de remettre en lumière quelques épisodes peu connus de la Première Guerre mondiale, de la question du « pantalon rouge » en août 1914 à l’acceptation de l’armistice par von Lettow-Vorbeck en Afrique orientale, après la fin des hostilités sur le théâtre ouest-européen.

 

Couverture de l'ouvrage 'Mon commandement en Orient'Mon commandement en Orient, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général Sarrail

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2012

Le texte intégral de l'édition originale, passé au crible des archives publiques, des fonds privés et des témoignages des acteurs. Le récit fait par Sarrail de son temps de commandement à Salonique (1915-1917) apparaît véritablement comme un exemple presque caricatural de mémoires d'autojustification a posteriori

 

 

Coordination et direction d’ouvrages

 

Destins d’exception. Les parrains de promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

SHAT, Vincennes, 2002.

Présentation (très largement illustrée, 139 pages) des 58 parrains qui ont donné leur nom à des promotions de Saint-Cyr, entre la promotion « du Prince Impérial » (1857-1858) et la promotion « chef d’escadrons Raffalli » (1998-2001).

 

fflLa France Libre. L’épopée des Français Libres au combat, 1940-1945

SHAT, Vincennes et LBM, Paris, 2004.

Album illustré présentant en 191 pages l’histoire et les parcours (individuels et collectifs) des volontaires de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.

 

marque courageLa marque du courage

SHD, Vincennes et LBM, Paris, 2005.

Album illustré présentant en 189 pages l’histoire des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire, à travers une succession de portraits, de la Première Guerre mondiale à la Bosnie en 1995. L’album comporte en annexe une étude sur la symbolique, les fourragères et la liste des unités d’active décorées.

 

  90e anniversaire de la Croix de guerre90-ANS-CROIX-DE-GUERRE.jpg

SHD, Vincennes, 2006.

Actes de la journée d’études tenue au Musée de l’Armée le 16 novembre 2005. Douze contributions d’officiers historiens et d’universitaires, français et étrangers, de la naissance de la Croix de guerre à sa perception dans la société française, en passant les décorations alliées similaires et ses évolutions ultérieures.

 

france grèceLes relations militaires franco-grecques. De la Restauration à la Seconde guerre mondiale 

SHD,Vincennes, 2007.

Durant cette période, les relations militaires franco-grecques ont été particulièrement intenses, portées à la fois par les sentiments philhellènes qui se développent dans l’hexagone (la France est l’une des ‘Puissances protectrices’ dès la renaissance du pays) et par la volonté de ne pas céder d’influence aux Anglais, aux Allemands ou aux Italiens. La campagne de Morée en 1828, l’intervention en Crète en 1897, les opérations en Russie du Sud  en 1919 constituent quelques uns des onze chapitres de ce volume, complété par un inventaire exhaustif des fonds conservés à Vincennes.

 

verdunLes 300 jours de Verdun

Editions Italiques, Triel-sur-Seine, 2006 (Jean-Pierre Turbergue, Dir.).

Exceptionnel album de 550 pages, très richement illustré, réalisé en partenariat entre les éditions Italiques et le Service historique de la Défense. Toutes les opérations sur le front de Verdun en 1916 au jour le jour.

 

DICO-14-18.jpgDictionnaire de la Grande Guerre

(avec François Cochet), 'Bouquins', R. Laffont, 2008.

Une cinquantaine de contributeurs parmi les meilleurs spécialistes de la Grande Guerre, 1.100 pages, 2.500 entrées : toute la Première Guerre mondiale de A à Z, les hommes, les lieux, les matériels, les opérations, les règlements, les doctrines, etc.

 

fochFerdinand Foch (1851-1929). Apprenez à penser

(avec François Cochet), 14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Actes du colloque international tenu à l’Ecole militaire les 6 et 7 novembre 2008. Vingt-quatre communications balayant tous les aspects de la carrière du maréchal Foch, de sa formation à son héritage dans les armées alliées par des historiens, civils et militaires, de neuf nations (461 pages + 16 pages de bibliographie).

Sur la toile