L'épopée d'un parachutiste en France occupée
Edgar Tupët-Thomé
Voici le récit des cinq années de guerre d'un authentique compagnon de la Libération.
Pourtant, rien ne semble prédisposer le jeune Edgar Tupët, séminariste déçu et boy-scout, sous-officier sous contrat de courte durée au 8e zouaves au début de la « Drôle de guerre », à devenir un héros : « En dix-huit mois, je n’ai jamais eu l’occasion de voir une grenade réelle et encore moins, bien sûr, d’apprendre à m’en servir ». Fait prisonnier avec ses camarades du Groupe d’armées du Nord sur une plage de Dunkerque,il s’évade dès le 10 juin et parvient à rejoindre ses Ardennes natales, puis l’Aisne, Paris, le Loiret, la région de Cholet, Clermont-Ferrand où il rencontre par hasard Roger Wybot, « qui deviendra un des responsables les plus marquants et les plus efficaces de notre contre-espionnage ». Son destin change : il entre en résistance, devient « engagé volontaire de la France Libre » puis rejoint l’Angleterre en passant par l’Espagne et le Portugal. Son parcours sera désormais celui d’un commando et d’un parachutiste : « Je ne regrette pas d’avoir eu vingt ans en 1940 ».
Pendant deux ans, le temps se partage entre de longues phases de formation, des missions ponctuelles et l'attente (cette attente si commune du soldat et que l'observateur extérieur comprend parfois mal), avant une succession ininterrompue d’actions très dures d’août 1944 à avril 1945. Dans un premier temps, après de longues semaines d’instruction, affecté au BCRA, il est parachuté sur la France occupée pour apporter à son ancien réseau de l’argent et une radio. Arrêté mais finalement par chance non inquiété, il retourne à Londres. C’est ensuite la traversée de l’Atlantique, un transit par les Etats-Unis et le Canada pour atteindre Saint-Pierre et Miquelon avec la mission d'y recruter un « commando franco-américain », mais il n’y a pas de ressource humaine disponible. On pense alors à engager des franco-canadiens, mais il n’y a pas de volontaires. En février 1942, après deux mois d’espoirs déçus et alors qu’il se prépare à rentrer en Angleterre, il est « affecté au bataillon des Antilles » (créé en fait aux Etats-Unis) pour prendre le commandement d’une compagnie. Edgar Tupët quitte cette unité à l’été 1943 pour se retrouver à Camberley, « où un bataillon de parachutiste est, parait-il, en formation », puis c’est le stage de saut à Ringway. A l’issue de sa formation, comme plusieurs de ses camarades, il aspire ardemment à reprendre très vite le combat, mais « De Gaulle s’oppose parait-il à ce que des Français soient intégrés dans des unités britanniques, et les tractations franco-anglaises n’en finissent pas entre incapables des deux bords ». A Noël 1943, c’est le transfert en Ecosse, au sein du 2e « régiment », de Bourgoin, puis du 3e, de Château-Jobert (en fait des bataillons); mais toujours l’attente jusqu’au printemps 1944, qui voit le transfert pour le sud-est de l’Angleterre et toujours (toujours, toujours), la poursuite de l’instruction… jusqu’au 3 août et au parachutage (tant attendu) sur la Bretagne. Avec la résistance locale, il prend d’assaut la Kommandantur de Doualas, harcèle les Allemands, multiplie les prisonniers, poursuit les combats en direction de Landerneau et finit par faire sa jonction avec les Américains presque trois semaines plus tard. Après un très bref retour en Angleterre, c’est à nouveau la parachutage sur les arrières de l’armée allemande, dans l’Est de la France cette fois, les coups de main, le rattachement provisoire à la 45e DIUS, le franchissement de la Moselle à la fin du mois de septembre puis une permission à l’arrière, en territoire libéré : « La vie de l’arrière, en France, est pour nous incompréhensible et désolante : l’égoïsme cynique ou inconscient, l’avachissement général n’ont vraiment rien de commun avec nos aspirations ». Nouveau passage par l’Angleterre, pour intégrer de jeunes recrues, puis largage au début du mois d’avril 1945 sur la Hollande, pour tenir un pont sur le canal d’Assen, un dernier combat, et enfin la liaison avec les avant-gardes canadiennes : quelques jours de détente à Nimègue et « nous devons nous retrouver le 8 mai 1945 au Fort Neuf de Vincennes pour rentrer à Londres où on nous prépare une nouvelle mission. Le 8 mai, l’Allemagne capitule. Evidemment, personne ou presque n’est au rendez-vous de Vincennes ! ».
Ces souvenirs, rédigés bien après les événements mais « oubliés » pendant une trentaine d’années, n’avaient jamais été publiés. Ils confirment des éléments cités ou évoqués dans d’autres ouvrages, tout en apportant une touche profondément humaine. Les amateurs de la période de la Seconde guerre mondiale et ceux qui s’intéressent à l’histoire des troupes aéroportées y trouveront un vrai témoignage, sans fard, dans un style direct parfois proche de l’expression orale. Un livre attachant.
Atlante éditions, Saint-Cloud, 2011, 250 pages, 22 euros.
ISBN : 978-2-912671-35-3.