Journal de campagne

Verdun (juin-juillet 1916)

La montagne de Reims (mai-juin 1918)

César Méléra

Deux périodes de la Grande Guerre sont relatées dans ce petit volume : celle des combats de Verdun lors des dernières  grandes attaques allemandes de 1916, et celle de la défense de Reims contre l'offensive du Friedensturm en 1918.

L'auteur, aujourd'hui bien oublié, jeune aventurier et écrivain lors de la déclaration de guerre, effectue l'essentiel de la campagne avec les coloniaux, est plusieurs fois blessé et accède à l'épaulette, tient son journal presque jour par jour, parfois heure par heure. Le propos est sobre, phrases courtes et rapides constats de ce qu'il observe. S'il reconnait toutes les misères des poilus dont il partage le sort et toutes les horreurs d'une guerre qu'il vit au quotiden en première ligne, à la suite d'un acte de volontariat, s'il décrit ce qu'il en voit sans faux-fuyants ni excès, il ne doute pas : "Nous avons été choisis entre toute l'armée de Verdun pour rétablir une situation désespérée. De l'orgueil et de la rage à la fois chez beaucoup. Le balancement de l'auto endort ... Vu des quantités de biffins qui nous regardent ahuris passer en chantant. Ils ont l'air suffoqués" (6 juin1916, 19h00) ; et n'hésite pas à exprimer sa conception du commandement, acceptée par ce qu'il partage la même vie que les autres : "S'il n'y a pas de poigne, rien ne marche" (11 juin, matin). La description saccadée, presque en style télégraphique, des épisodes les plus meurtriers, permet aussi de retrouver le rythme des événements : "Fais passer demander ordres. Rien, les hommes terrés sous les obus. Attends dix minutes. Y vais. Faire commencer une tranchée descendant vers la vallée de la Mort. Travaillé comme des enragés. Pas de casse. Pris la veille. Gayol tué d'une balle en plein coeur : il a de la chance" (13 juin). Puis le secteur se calme très provisoirement : "Remonté la crête d'Esnes et remplacé nos vieilles connaissances du 8e de tirailleurs à la Rascasse. Habituelles engueulades amicales. On est chez soi, là, au moins. Monotonie de la réserve de secteur. On entend, on voit un peu, et beaucoup de travail.C'est de là que l'histoire se fait. Corvées habituelles. Mauvaises nouvelles de l'est de 304. Naturellement les tirailleurs montent, et à nous ce soir" (11 juillet, matin). Un peu plus brève, la description du séjour en ligne dans le secteur de la montagne de Reims en 1918 est de la même eau. La description du sacrifice des régiments qui se battent au coude à coude pour arrêter l'offensive allemande est significative dans sa sobriété et donne une idée des pertes et du désordre des premières lignes dans les combats : "Dans le petit jour, nous ne faisons guère belle figure. Nous sommes là 120 peut-être, tant du 7e que du 23e et du 21e. Le 22e s'est rallié, il est à droite. Toujours pas de nouvelles de la 9e compagnie dont, parait-il, une quarantaine d'hommes sous la conduite de l'adjudant Vinot seraient avec le 3e d'Afrique. ùPour le moment, nous sommes 83 du 3e bataillon. De notre pauvre mitraille, il reste une pièce, les autres hors d'usage ou détruites sur place, faute de munitions pour s'en servir, puis de moyens de transport. Des ordres viennent encore : le bataillon sera cité à l'armée et toutes les récompenses demandées accordées" (31 mai).

Un petit volume attachant qui donne (encore) une autre perception des combats de première ligne.

Le Livre d'Histoire, Paris, 2014, 123 pages, 18 euros.

ISBN : 978-2-7586-0798-4.

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