Une bataille rangée exemplaire

Auray, 1364

Un combat pour la Bretagne

Laurence Moal

Un livre et un album à la fois.

Dans ce beau volume de plus de 200 pages, abondamment et richement illustré, Laurence Moal nous présente la bataille d'Auray, grande bataille de la guerre de succession de Bretagne et "bataille rangée exemplaire" du Moyen-Âge, non seulement dans son déroulement mais aussi dans son contexte et dans ses conséquences. De superbes reproductions de gravures et illustrations anciennes accompagnent le récit, organisé en quatre grandes parties : "Pourquoi une bataille rangée à Auray en 1364 ?" (dont le cadre de la guerre entre Montfort et Blois avec interactions françaises et anglaises), "Auray, 29 septembre 1364 : une bataille rangée exemplaire" (y compris les différentes armes, leur utilisation, avantages et inconvénients), "Qui est le vrai vainqueur de la bataille d'Auray ? Vérité historique, certitudes mémorielles" (analyse critique des différentes versions, conséquences diplomatiques, représentations iconographiques ultérieures), et "Entre souvenir et mémoire" (échos au long des XVIIIe et XIXe siècles jusqu'au XXe, la "fête nationale bretonne" dans l'entre-deux-guerresetc.). En conclusion, l'auteure cite Xavier Grall : "Les hommes sont comme des arbres : ils ont besoin de racines. Retranchés de leur terre, de leurs familles, de leur ciel, ils ne se reconnaissent plus eux-mêmes", tout en précisant à juste titre qu'il faut "pouvoir valoriser la différence sans déraper vers la folklorisation, explorer le passé en ne basculant pas dans le repli identitaire".

Plus de vingt pages et nombreuses et riches entrées complètent ce beau livre, qui fera sans nul doute le plaisir, sinon le bonheur, de tous les amateurs d'histoire du Moyen-Âge en général et de la Bretagne en particulier.

Presses Universitaires de Rennes, 2012, 227 pages, 30 euros.
ISBN : 978-2-7535-2107-0.

Comments

[Sarindar]

Après la défaite d'Auray et la mort de Charles de Blois, Jeanne de Penthievre ne s'avoua pas immédiatement vaincue et tenta de défendre les couleurs de son parti en soutenant les droits de son fils Henri sur le duché de Bretagne ; elle n'avait plus les moyens de sa politique, et Charles V, se montrant réaliste, accepta de recevoir un semblant d'hommage de la part de Jean IV de Montfort avec qui il signa le traité de Guerande en 1365. Néanmoins, l'alliance entre la Bretagne et l'Angleterre ne se rompit pas facilement, et il fallut parfois intervenir militairement, comme en 1373 quand Du Guesclin fit une démonstration de force en Bretagne avec l'appui de la majorité des nobles bretons, écœurés de voir leur duc se rapprocher de trop des Anglais, et cette promenade militaire permit aux troupes françaises de contraindre Jean de Montfort au départ avec ses amis d'Outre-Manche, pour un temps au moins. Il reviendra en 1375, mais en 1378, Charles V tentera d'entreprendre une procédure de confiscation du duché. Ce faisant, Charles V ne réussit qu'à se brouiller avec la noblesse bretonne qui fait revenir d'Angleterre Jean IV de Montfort en 1379. Mais de nouveau, le duc déçoit les Bretons en raison de sa trop grande proximité avec les Anglais. En 1381, Jean IV sera contraint de rendre une seconde fois hommage au roi de France. Et cela continua ainsi, ce qui montre que la bataille d'Auray n'avait qu'à moitié réglé les choses, et que le maintien de Jean IV sur le trône ducal n'empêcha pas la France de se mêler toujours plus des affaires bretonnes. Et l'on sait comment cela devait se terminer vers la fin du XVeme s., avec le mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII puis avec Louis XII.
Francois Sarindar

[Sarindar]

De cette bataille qui vit la mort de Charles de Blois et le triomphe de Jean de Montfort, il reste surtout dans nos mémoires le comportement héroïque de Bertrand du Guesclin qui, fait prisonnier, devra payer rançon pour recouvrer sa liberté (situation qui se reproduira pour lui lors d'une autre guerre de succession, celle du royaume de Castille, au cours de laquelle il sera capturé au terme de la désastreuse bataille de Najera, un échec que le guerrier breton vengera lors du siège de Montiel). En Bretagne, c'est Jeanne de Penthievre qui relèvera le gant après la défaite d'Auray et reprendra le flambeau de son époux Charles de Blois et elle trouvera bientôt sur sa route une autre femme, Jeanne de Montfort, l'épouse de Jean, qui parfois se jettera elle-même, armes entre les mains, dans la mêlée.
Rendu prudent par les déboires des Blois-Penthievre, le roi de France, Charles V, qui soutenait jusqu'ici ce parti, tentera de se rapprocher du clan des Montfort pour éviter un basculement complet de la Bretagne dans l'alliance avec les Anglais.
Auray fut vraiment un grand événement au cœur de la Guerre de Cent ans car il s'accompagna d'un changement de stratégie de la part des Valois (cela se poursuivra jusque sous Charles VII, la neutralité de la Bretagne, sinon l'alliance avec elle contre les Anglais, étant un but constamment poursuivi ; quand Charles VII aura fait taire sa querelle avec Arthur de Richemont, frère du duc de Bretagne, il pourra faire des miracles, car cet homme était aussi connétable de France ; la France aura eu ainsi trois connétables bretons en la personne de Du Gusclin, d'Olivier de Clisson et d'Arthur de Richemont, permanence qui indique une préoccupation de la part du roi de France, surtout qu'à partir de Charles VI il fallut empêcher les ducs de Bretagne et de Bourgogne de s'entendre avec les Anglais contre la France des Valois).
N'oublions pas ces épisodes du passé. Ils sont des pages de notre histoire. Le livre qui est ici présenté est particulièrement intéressant parce qu'il ne nous fait pas prendre parti et se contente de nous rappeler les faits, de manière dépassionnée. Et c'est bien ce qu'il faut.
Francois Sarindar

[REMY]

Merci pour tous ces détails !