Aymard de Foucauld (1824-1863)
De Saint-Cyr et Saumur à la campagne du Mexique
Emmanuel Dufour
Une nouvelle preuve que d'excellents ouvrages, de véritables pépites, sont à rechercher dans les catalogues des "petites" maisons d'édition. Cette biographie nous présente en effet la carrière d'un officier tout à fait digne et compétent mais que fort peu de choses, au final, distinguent de ses camarades. Elle offre par contre l'intérêt éminent de reconstituer avec précision sa carrière et son environnement sur une époque au sujet de laquelle les publications nouvelles sont particulièrement rares.
Emmanuel Dufour s'est attaché à reconstituer la vie d'Aymard de Foucauld de Malembert, né en 1824 et issu de la noblesse du Sud-ouest, au sein d'une famille finalement peu aisée et où le service des armes pour les hommes est la norme : "Partout où l'on se bat il doit y avoir un Foucauld tant qu'il y aura des Foucauld qui auront du coeur et de l'honneur". Saint-cyrien (promotion d'Isly), il fait le choix de servir dans la cavalerie et rejoint en 1845 un régiment de hussards dans l'hexagone. Il connait alors pendant plusieurs années une vie professionnelle et personnelle relativement monotone en métropole, multipliant les changements de garnisons dans toutes les régions de France, avec des obligations de service parfois bien peu prenantes qui lui permettent de s'adonner longuement à la chasse, et toujours en limite de difficultés financières, car les soldes sont modestes et sa famille ne peut lui être que d'un secours limité : "Je n'ai pas de sol, mais je suis riche de jeunesse, d'avenir et de bonne humeur". Après 12 ans de service métropolitain, il rejoint comme capitaine le 2e régiment de chasseurs d'Afrique en 1857, s'adapte rapidement à la vie de patrouilles dans la grande province oranaise, et c'est avec ce régiment qu'il participe à la campagne d'Italie en 1859. Il commande avec brio son escadron, mais voit son rôle essentiellement limité à quelques longues patrouilles, à des flanc-gardes. Bref, il est, avec ses hommes, "en réserve" et n'arrive généralement sur les champs de bataille que le lendemain ou le surlendemain des combats. Rentré (un peu déçu) en Algérie, il reprend ses activités antérieures dans l'ouest du territoire et participe à une grande offensive contre les tribus révoltés des confins algéro-marocains : une nouvelle fois, il entend le canon mais n'effectue principalement que de monotones escortes de convois sur les arrières. Durant toutes ces périodes, les obligations de service alternent avec les visites, les activités "mondaines" et le plaisir de la chasse : Aymard de Foucauld décrit longuement ces différentes obligations et ces loisirs, tout en restant préoccupé par son avenir de carrière.
En 1862 enfin, désigné pour la campagne du Mexique, il quitte Mers el-Kebir pour Vera Cruz, où il débarque le 23 mars, rejoint les hauts plateaux, participe à quelques engagements secondaires et arrive devant Puebla, une première fois attaquée par les Français au début du mois d'avril. Il connait alors, pendant une brève période, une succession d'engagements parfois très durs contre les troupes mexicaines (et ne se prive pas d'ailleurs de critiquer ses chefs directs dans ses lettres), est fait chevalier de la Légion d'honneur au feu mais attend toujours son avancement au grade supérieur. Il retrouve la région de Puebla, désormais fermement assiégée, est enfin promu chef d'escadron aux derniers jours du mois d'avril et meurt en chargeant à la tête de ses chasseurs le 5 mai, "le torse perforé par la lance d'un cavalier mexicain".
Plus qu'un récit des campagnes de son héros, qui finalement est souvent plus "spectateur" de la guerre "qu'acteur" pendant la plus grande partie de sa vie, c'est un véritable tableau de la société militaire (cavalerie légère) du temps que nous propose Emmanuel Dufour, dans sa vie quotidienne, ses espoirs et ses difficultés, ses ambitions et ses déceptions, à travers l'exploitation systématique de la correspondance assidue qu'Aymard de Foucauld adresse régulièrement à sa famille (tous les thèmes de la vie privée et publique sont abordés), complétée en tant que de besoin par le renfort d'autres sources (journaux, carnets et lettres d'autres soldats et officiers, JMO des unités, etc.). De ce point de vue, il s'agit indiscutablement d'un véritable apport à la connaissance historique et, à notre sens, tout amateur des questions militaires et sociales sous le Second empire se doit de connaître cette belle biographie.
La Louve éditions, Cahors, 2012, 414 pages, 27 euros.
ISBN : 978-2-916488-56-1.