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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 08:10

 

La résistance en France et

  en Belgique occupées (1914-1918)

Robert Vandenbussche (Dir.)

linkResistance-belgique489.jpg

La vie quotidienne des populations civiles et les actions menées au profit des armées alliées dans les territoires occupés de France et de Belgique entre 1914 et 1918 sont généralement connus à travers quelques noms emblématiques. Cet ouvrage collectif, publié à l’initiative de l’université de Lille 3 (Institut de recherches historiques du Septentrion) apportent à l'ensemble des amateurs de nombreuses et précieuses informations par la diversité et la précision des contributions. Il se compose de onze textes particulièrement intéressants. On sait, en effet, que la situation des populations des départements du Nord et de Belgique fut particulièrement difficile durant la Grande Guerre d’une part, et que les réseaux de renseignement (le plus souvent activés par les Britanniques) ont joué dans ces régions un rôle considérable. En voici désormais sinon le détail, d'une moins une ample présentation.

Après que Robert Vandenbussche ait fixé de façon extrêmement précise le cadre de cette résistance, les différents intervenants abordent une série de thématiques civiles, militaires et ‘civilo-militaires’ : le monde du travail avec Michaël Amara (« L’exfiltration des ouvriers belges, au confluent de la guerre clandestine et de la mobilisation industrielle alliée ») ; celui de la presse avec Emmanuel Debruyne (« Véridiques, antiprussiens et patriotes : les journaux prohibés en pays occupé (1914-1918) ») et Fabrice Maerten (« La Première Guerre mondiale dans la presse clandestine de la Belgique occupée en 1940-1944 ») ; celui des réseaux avec Olivier Lahaie (« L’action des réseaux alliés de surveillance du trafic ferroviaire en Belgique et dans le Nord de la France (1914-1918) ») et Chantal Antier (« La guerre secrète des résistantes et espionnes françaises et belges en 1914-1918 ») ; celui des réactions de l’occupant avec Marianne Walle (« Le contre-espionnage allemand en Belgique et en France occupées ») ou les questions judiciaires avec Jan Van der Fraenen (« L’espion et son exécution : la répression allemande de l’espionnage pendant la Première Guerre mondiale ») et Vincent Suard (« L’espionnage au profit de l’Allemagne vu à travers les recours en grâce lors de condamnations à mort pour intelligence avec l’ennemi »). En guise de conclusion, Laurence van Ypersele présente en quelques pages une synthèse des connaissances sur le sujet en s’intéressant au cadre de l’occupation, aux relations entre occupés et occupants et aux réseaux clandestins : « Il apparait clairement que les expériences de l’occupation en Belgique et dans le Nord de la France ne diffèrent guère. C’est plutôt entre zones des étapes et zone du Gouvernement général que la différence se situe. Dès lors, le fossé qui existe entre les mémoires belge et française de cette occupation est encore plus impressionnant ».

Quelques annexes complètent ce volume, dont plusieurs lettres de résistants, condamnés et exécutés par les Allemands.

Un ouvrage particulièrement intéressant et utile qui intéressera tous les amateurs de la Grande Guerre.

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 08:00

Un officier du 15e corps

Carnets de route et lettres de guerre de Marcel Rostin

(1914-1916)

15e-ca-carnet492.jpg

Nous avons évoqué il y a quelques jours "l'affaire du 15e corps" en août 1914. Voici un livre non seulement complémentaire, mais qui va bien au-delà.

Officier issu du rang, Marcel Rostin est chef de section au 112e RI au début de la Grande Guerre. Originaire de l’Isère, il a fait le choix d’une carrière militaire et se trouve affecté dans un des régiments méridionaux de ce 15e corps dont on parlera tant quelques semaines plus tard. Son témoignage est donc intéressant à plus d’un titre : il n’est ni un conscrit, ni un saint-cyrien, mais un officier de troupe ; il n’est pas Provençal, mais connaît ses hommes et sait les défendre.

Jusqu’au lendemain de la bataille de la Marne (7 août - 13 septembre), le texte est celui des carnets que Marcel Rostin tient au fur et à mesure de la campagne, aussi souvent que possible. Il voit la guerre à son niveau, celui d’une section, voire d’une compagnie, mais son récit des combats de Dieuze à Xermaménil est éclairant : Quelle tuerie ! Quel enfer ! Notre belle infanterie amenée au pied de l’échafaud et le carnage s’acharnant sur elle » (20 août) ; « On recule, on marche, on marche sans arrêt. Les pieds sont en sang … Les ventres sont vides. Les forces sont à bout » (21 août) ; « Des figures emportées, beaucoup de blessures aux mains, du sang, du sang partout. Et toue mon énergie s’applique à maintenir le calme et l’ordre parmi mes hommes » (22 août) ; « Dans la retraite de Lunéville … des chasseurs de tous les bataillons fuyaient de toute la vitesse de leurs jambes, augmentant autour d’eux ce qui était presque une panique … La résignation et la force de caractère des blessés sont extraordinaires … On fait des trous et l’on passe la nuit dans des abris improvisés par mes soldats dont l’ingéniosité est admirable » (23 août) ; etc. Il participe à la bataille de la Marne au sein du 15e corps, désormais intégré à la IIIe Armée de Sarrail dans la région de Verdun. Ses écrits sont aussi nets : « Les routes sont encombrées de charrettes surchargées de braves gens qui fuient » (7 septembre) ; « J’ai horreur des bois et plus encore des villages qui sont notre perte … Ce pays merveilleux est néfaste … Nous sommes les victimes du bois et des villages, cibles idéales dont l’artillerie allemande tire le plus grand profit » (8 septembre) ; « Devant moi, à 200 mètres, des fantassins allemands sortent l’un après l’autre de la corne d’un bois. J’ordonne aux tireurs les mieux placés de les dégringoler proprement. Mes hommes se disputent pour occuper les meilleures places et le jeu de massacre commence » (Ibid.) ; « Les théories de blessés défilent ici continues, interminables, plus hideuses les unes que les autres » (9 septembre) ; puis est blessé : « On me radiographiera ce soir. Quelle guigne ! Moi qui croyais la guérison prochaine ! Moi qui croyais m’écarter peu de ma place d’honneur et me retrouver bientôt sur le champ de bataille » (12 septembre) ; etc.

Lorsqu'il retrouve sa place en régiment, à l’issue de sa convalescence, du 6 décembre 1914 au 1er juillet 1916, le texte est constitué par les lettres qu’il adresse à son oncle (117 en 19 mois), lui-même officier en retraite : les propos sont donc plus libres et les explications plus complètes que peuvent l’être la plupart des correspondances adressées par les poilus à leur épouse ou à leurs parents. Il appartient toujours à la IIIe Armée (Sarrail) et participe aux opérations en Argonne (bois de la Gruerie) : « Quelques officiers et mille hommes se sont sacrifiés dans la division, sans résultat … Vous dirais-je que le moral s’en ressent et que l’enthousiasme se meurt ? … Comprenez-vous quelle peut être l’existence d’un homme qui, là, à la barbe de l’ennemi, assume toute sa part de responsabilité ? Il faut avoir les nerfs solides. Et cela dure une éternité. Si le pays s’impatiente, que diront les soldats ? » (6 janvier 1915) ; « La joie de ne pas être déplacé et de rester au corps, c’est quelque chose dans les circonstances actuelles, vous en conviendrez … Changer de milieu, commander devant le danger à des inconnus, être déraciné alors que tant d’attaches vous tiennent enlacés à ceux qui vous sont chers, c’eût été bien pénible ! … Je suis en famille et quelle famille ! Ma chère compagnie ! Mes braves gens ! » (7 février). Trois semaines plus tard, il est au bois de Malancourt, attaqué au lance-flammes par les Allemands : « Les Boches ayant transformé, au moyen de goudron enflammé, leurs tranchées en brasier effroyable, la forêt flambait. Du repos, nous sommes vite venus à l’aide et nous avons un peu réparé le désordre. Des cadavres ! Des cadavres partout : Boches et Français, tout cela pêle-mêle. Quel cauchemar ! » (28 février) ; etc. Il évoque les dernières et infructueuses offensives de Sarrail avant que celui-ci ne soit relevé : « Les 20 et 21 juin seront pour ceux qui sortiront de la fournaise des dates à retenir … Marmites par milliers, obus asphyxiants, torpilles, fusillades et toute la lyre ! Nos tranchées n’existaient plus » (22 juin) ; « Les communiqués vous ont dit laconiquement nos épreuves, celui du 21 surtout, qui commence ainsi : ‘Aux lisières ouest de l’Argonne’ ; c’est bref, mais les événements sont plus substantiels, plus tragiques. Je suis las, très las, mais pas abattu. Notre régiment s’est sacrifié et si le Boche a fêlé notre ligne, il ne l’a pas percée » (24 juin) ; etc.

 

Il serait possible de multiplier les citations. A la différence de nombreux autres carnets et témoignages, les propos de Marcel Rostin sont adaptés à son niveau de responsabilité (il juge ce qu’il voit, commente ce qu’il fait) et très généralement pertinents. L’ouvrage est heureusement complété par plusieurs organigrammes et tableaux des dotations détaillés, de nombreuses photos et illustrations, souvent inédites, et un riche appareil de notes puisées aux meilleures sources. Un volume de référence pour quiconque s’intéresse aux combats de Lorraine et de la région de Verdun et à la vie des poilus à l’échelle d’une compagnie.

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 09:58

Se révolter au XXIe siècle

Ecole de guerre économique - Participatiuon & Progrès - EGEA - Polemos

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Ce deuxième colloque organisé autour d'EGEA à l'Ecole militaire le 14 mai (08h30 - 18h00) permettra de nombreuses études de cas, en confrontant les enseignements des révoltes traditionnelles qui subsistent, essentiellement en Asie et en Afrique (1ère partie, en matinée) et de nouvelles révoltes, parfois plus "sociétales" (2e partie l'après-midi).

Le programme complet est disponible ici.

Entrée libre, mais inscription obligatoire ici.

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 08:35

  Guerre et exterminations à l'Est

Hitler et la conquête de l'espace vital, 1933-1945

Christian Baechler

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Très bonne synthèse. Excellent spécialiste de l’Allemagne, dont il a enseigné l’histoire pendant de longues années et sur laquelle il a publié plusieurs ouvrages (on retient en particulier Gustave Sresemann (1878-1929) aux Presses universitaires de Strasbourg en 1996, L’Aigle et l’Ours. La politique russe de l’Allemane de Bismarck à Hitler chez Peter Lang en 2001 et un Guillaume II d’Allemagne chez Fayard en 2003), Christian Baechler propose aujourd’hui un livre de facture classique mais qui constitue une solide synthèse de référence. Le texte courant, sur 423 pages, est complété par 70 pages de notes et références, 10 pages d’orientation bibliographique, 8 pages d’index et quelques cartes.

Le volume est organisé en huit chapitres, qui permettent de balayer toutes les facettes de cette question, des fondements historiques des relations entre Allemands et Slaves (chap. I), où le mythe du Drang nach Osten tient une place particulière, à la connaissance par les simples citoyens du Reich des crimes perpétrés en Europe orientale (chap. VIII). L’auteur brosse le tableau de « La politique orientale d’Hitler » entre l’arrivée au pouvoir et le début de la guerre (chap. II) puis présente la situation en « Pologne, terrain d’expérimentation de la politique nazie » de 1939 à 1944 (chap III), en s’attachant à la politique de germanisation, aux quelques protestations dans l’armée, au statut du Gouvernement général, et fait suivre ce chapitre d’une analyse de « La préparation de l’opération Barbarossa et de la conquête de l’espace vital à l’Est » (chap. IV), dans laquelle il précise en particulier les directives données à la justice militaire et celle relatives au traitement des prisonniers de guerre, dont les commissaires politiques. La guerre en Russie et ses conséquences font l’objet des chapitres V à VII (« L’opération Barbarossa : l’échec du Blitzkrieg », « La restructuration de l’espace vital à l’Est » et « L’opération Barbarossa et la Solution finale »), au cours desquels sont traitées, outre les opérations militaires elles-mêmes, les conditions d’organisation et de mise en œuvre de la politique d’occupation, mais aussi les modalités de la lutte contre les partisans soviétiques restés sur les arrières de l’armée allemande, la question du traitement effectif des prisonniers de guerre, les responsabilités de la Wehrmacht dans les crimes contre les civils et les populations juives.

Pas d’originalité donc (par ailleurs difficile à obtenir sur un sujet aussi large au regard de la très volumineuse bibliographie publiée depuis quelques années), mais une profonde synthèse qui sera par exemple particulièrement utile aux étudiants. Dans sa conclusion, l’auteur revient sur les conditions antérieures (politiques, sociales, culturelles, etc.) qui pourraient expliquer le développement en Allemagne de l’idéologie nazie. Il « retrouve dans la politique d’Hitler, de 1939 à 1945, des aspects de la politique de réorganisation de l’Europe orientale de Ludendorff pendant la Première Guerre mondiale, y compris des projets de restructuration raciale par de larges transferts de population », mais Christian Baechler souligne néanmoins qu’il s’agit pour le IIIe Reich de « germaniser le sol », car la « simple » germanisation culturelle des habitants antérieurement pratiquée « signifierait à terme une fusion avec les populations locales au détriment de la pureté de la race germanique ». Il est désormais question « de réaliser l’utopie raciale et de créer un nouvel ordre européen sur une base raciale, dont on trouve les principaux éléments dans les diverses variantes du Plan général Est ».

Pour voir la vidéo de présentation :

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 08:30

Annonce CH-Blog-1-24.04.12

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 08:50

Pourquoi la guerre en Bosnie ?

Henry Jacolin

BOSNIE.jpg

Organisée par l'Association des officiers de réserve de la Marine nationale d'Île de France, cette conférence, prononcée par l'ancien ambassadeur de France en Bosnie de 1993 à 1995, se tiendra le jeudi 3 mai 2012 à partir de 18h00 en amphithéâtre Suffren de l'Ecole militaire.

Pour tout renseignement et contact : d.chmielewski@free.fr ou dlebrec@wanadoo.fr

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 08:40

Pour la France

Témoignage photographique

  AFGHANISTAN-FRANCE-m.jpg

Si le grand public prend conscience à l'occasion de tel ou tel drame que la mort peut frapper les soldats français engagés en Afghanistan, rares sont ceux qui se rendent compte que très régulièrement des blessés graves sont rapatriés en métropole dans l'indifférence générale.

A l'initiative de Philippe de Poulpiquet (grand reporter au Parisien - Aujourd'hui en France), Benjamin Gamary (de la BIM) et d'Anne-Cécile Juillet une initiative baptisée "Afghanistan-pourlafrance" a été lancée sur Facebook. Il s'agit d'effectuer collectivement un gros travail de reportage photographique afin de permettre d'ici 18 mois environ la réalisation d'un album, travail de mémoire visant à rendre hommage à ces tués et blessés ainsi qu'à leurs proches.

Pour mieux connaître le projet et s'y associer : http://www.philippedepoulpiquet.net/pour-la-france-philippe-de-poulpiquet

et sur facebook : https://www.facebook.com/Afghanistanpourlafrance

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 08:30

  Faux coupables

Surveillance, aveux et procès en Ukraine soviétique 

(1924-1934)

  Alain Blum et Yuri Shapoval

Ukraine488.jpg

Chacun a, peu ou prou, entendu parler des procès truqués de l'ère stalinienne, des purges et de la violence institutionalisée dans l'URSS de l'entre-deux-guerres. L’excellente collection « Mondes russes et est-européens » de CNRS Editions publie sur ce thème une nouvelle étude originale qui éclaire avec de multiples références puisées aux meilleures sources d’archives (dont celles des services de « sécurité ») la mise en œuvre de la politique intérieure stalinienne.

L’ouvrage s’appuie sur deux parcours individuels, les savants nationalistes ukrainiens Grusevskij et Efremov, qui participent au processus d’indépendance du pays en 1917. Le premier quitte la Russie bolchevique en 1919 pour quatre ans d’exil, dont il rentre pour devenir membre de l’Académie des sciences d’URSS, avant d’être arrêté, condamné et de décéder en 1934. Le second reste en Ukraine après la prise du pouvoir par les Bolcheviques et, bien que devenu vice-président de l’Académie nationale, sera arrêté en 1929, condamné en 1930 et meurt en détention. A partir de ces deux expériences, à la fois proches mais différentes, les auteurs reconstituent et restituent la politique stalinienne à l’égard des élites des nationalités « périphériques », l’ambiance de l’Ukraine de l’entre-deux-guerres, les méthodes des services tels la GPU, le processus de condamnation par une « justice » aux ordres. Le livre est divisé en cinq chapitres qui permettent de détailler par le menu l’ensemble de ces questions : « Les errements de l’émigration et les chemins de la soumission », « Adhérer, participer, collaborer, résister », « Passer à côté de l’histoire », « Surveiller » et « Quand un groupe d’amis devient un parti de comploteurs ». Certaines parties (chap. 3 : « Panique, rumeurs et ruptures de confiance » ; chap. 4 : « Les fonctionnaires de la surveillance » et « Jusqu’au bout, jusqu’à l’absurde » ; chap. 5 : « Acharnement et inertie », « Le statut de la preuve » et « Au cœur de l’aveu : la criminalisation du quotidien ») font presque, a postériori, froid dans le dos (« La première étape de la mise en scène et de la construction de la culpabilité, qui suit ce harcèlement, consiste à identifier, arrêter et interroger une personne peu importante, proche de celui qui est visé, qui va fournir le point d’appui à la suite de l’instruction en culpabilité »), tant la démonstration est aussi nette que référencée.

Les 194 pages de texte sont complétées par une longue liste de documents (publiés sur le site http://cercec.ehess.fr/fauxcoupables et dont certains sont reproduits en annexe), la liste des partis politiques cités et un index des noms (avec pour chacun une brève biographie).

Une plongée passionnante au cœur de la répression et des purges, mais aussi des clefs de compréhension pour mieux aborder l’évolution des territoires est-européens jusqu’à la Seconde guerre mondiale.

 

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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 14:56

Le front yougoslave pendant la Seconde guerre mondiale

  De la guerre de l'Axe à la guerre froide

Frédéric Le Moal

Yougoslavie496.jpg

Depuis la publication (2006) de sa thèse de doctorat, Frédéric Le Moal s’est spécialisé sur l’aire géographique qui s’étend des Alpes à l’archipel grec dans le cadre des deux guerres mondiales, avec pour centre de gravité les rives italienne et slave de la mer Adriatique. Il nous propose aujourd’hui une solide étude sur la Yougoslavie entre 1939 et 1945 (un théâtre d’opérations généralement traité en quelques lignes dans les principaux ouvrages sur la période), sans toutefois limiter son travail aux seules considérations militaires.

Les 50 premières pages permettent de poser le cadre, des pressions allemandes pour attirer le pays dans l’orbite du Reich à la brève campagne d’avril 1941 et au partage du territoire entre Italiens et Allemands. Les chapitres II et III traitent plus particulièrement de la (sur)vie des populations : les génocides juif (« La Serbie devient, selon la terminologie nazie, ‘judenfrei’ ») et serbe (« Cela se fait avec une brutalité, un sadisme et une sauvagerie qui n’épargne personne »), la place des Eglises, l’attitude particulière des Italiens, la situation des civils et l’organisation des groupes collaborationnistes (« La majorité des musulmans accueille avec ferveur, si ce n’est enthousiasme, la dissolution de la Yougoslavie et la création d’une Croatie indépendante »). Les chapitres IV et V reviennent sur des questions plus militaires : les résistances royaliste et communiste et l’opposition entre elles (« Entre les deux mouvements une lutte implacable commence »), les combats du Monténégro en 1941, la collaboration des Tchetniks et les opérations contre les Titistes (et même des conversations secrètes entre Tito et les Allemands en mars 1943) ; mais aussi dans les relations complexes que les résistances intérieures entretiennent avec les Alliés (« Dans la capitale britannique, une bataille fait rage entre les différents services autour de la question tchetnik »), au cours desquelles les communistes parviendront même à "intoxiquer" Churchill. Le dernier chapitre enfin, dans le cadre de « La victoire des Alliés, 1944-1945 », est centré autour de l’action de Tito, de la défaite militaire allemande et de la question de Trieste. Au bilan, le « front yougoslave [fut] l’un des plus sanglants de la Seconde guerre mondiale et un enjeu politique majeur ».

Très solidement charpenté, parfaitement référencé, le volume se termine sur une belle bibliographie et dispose d’un très utile index. Un livre intéressant, complet, bien écrit et qui mérite de figurer dans votre bibliothèque.

 

Frédéric Le Moal a bien voulu nous apporter quelques précisions complémentaires.

YOUGO-2.jpg 

Question : A quoi attribuez-vous la brièveté de la campagne d'avril 1941 et comment caractériseriez-vous l'armée yougoslave à la veille de l'offensive allemande ?

Réponse : Une dizaine de jours ont en effet suffi à l'armée allemande pour écraser son adversaire yougoslave. Les raisons ? Il y a tout d'abord l'écrasante supériorité de la Wehrmacht qui a acquis, quoi qu'on en dise, une très grande expérience du Blitzkrieg depuis la campagne de Pologne. Elle fait face à une armée yougoslave de 750.000 hommes environ, soit 7 armées rassemblées en 3 Groupes d'armées. Outre le sous-équipement, cette armée yougoslave est minée par des divisions ethniques extrêmement fortes. Pour résumer, seuls les Serbes sont motivés pour défendre un pays qu'ils dominent. Ce qui n'est pas le cas des autres peuples du royaume. Ensuite, les différentes armées ont été réparties le long de 1.500 kilomètres de frontières, dans une posture défensive défavorable. Enfin, la violence de l'attaque allemande, secondée par les Italiens, plonge le pays et l'armée dans un chaos terrifiant, qui n'est pas sans rappeler celui connu par la France peu avant.

Question : Que penser de l'Etat croate, généralement qualifié de "fantôche" ? A-t-il réellement soulevé un espoir au début et la désaffection des populations a-t-elle été plus ou moins rapide ?

Réponse : Il faut bien insister sur une réalité : le mouvement oustachi ne représente pas la majorité de la population croate. Celle-ci est certes très attachée à l'indépendance de son pays et perçoit, avec raison, la Yougoslavie comme une Serbie agrandie et dominatrice. Toutefois, c'est le courant modéré incarné par Vlado Macek, chef du Parti paysan croate, qui domine la vie politique. Pavelic et ses Oustachis constituent une minorité activiste, soutenue par l'Italie. Ils ne parviennent à s'emparer du pouvoir qu'à la faveur de l'invasion et de l'éclatement du pays voulu par l'Axe. Très vite, le soutien qu'apporte une population majoritairement catholique, ainsi que l'Eglise, s'étiole, face aux méthodes de gouvernement d'une violence inouïe des Oustachis. Etat fantôche certes, qui a essayé de sortir de l'étreinte italienne en se rapprochant des nazis et en jouant des rivalités entre Rome et Berlin pour dominer les Balkans.

YOUGO 1

Question : Au regard de la diversité des évaluations, qui semblent parfois très approximatives ou empreintes de considérations idéologiques, quel peut être selon vous, au terme de cette étude, le chiffre "approchant" des victimes civiles yougoslaves (Serbes, Croates, autres) de la guerre ?

Réponse : Il est en effet très difficile d'avoir des chiffres précis, et je m'avancerais avec d'infinies précautions car, comme vous le dites, les préoccupations idéologiques polluent, dès l'époque, le chiffrage des victimes. Il faut tout d'abord rappeler que l'espace yougoslave a été le théâtre de massacres de très grande ampleur. Deux génocides y ont été perpétrés, celui contre les Serbes (par les Oustachis) et celui contre les Juifs (par les Allemands, secondés par les Oustachis et dans une moindre mesure par des Serbes et des Musulmans). Pour le premier, le nombre de victimes varie entre 300 et 700.000 selon les estimations, les Serbes privilégiant le second chiffre. Quant aux Juifs, le bilan est effrayant. La communauté juive de Serbie est véritablement éradiquée (15.000 morts environ) comme celle de Bosnie-Herzégovine (10.000). La communauté de Croatie, malgré la protection des Italiens jusqu'en 1943, connaît un sort tout aussi terrible (26.000 morts). Seuls un peu plus de 12.500 Juifs survivent en Yougoslavie. Il faut y ajouter l'élimination des Tsiganes, les luttes interethniques et la guerre civile entre royalistes et communistes. Un bilan total de 1.700.000 morts entre 1941 et 1945 pour l'espace yougoslave. Un chiffre parlant ...

Question : La multiplication des massacres que nous venons d'évoquer a-t-elle eu des échos selon vous jusque dans les événements des années 1990 ?

Réponse : Oui, bien sûr. Les comptes ne sont jamais apurés dans les Balkans. Les horreurs commises par tous les camps en présence et la guerre civile sans pitié entre communistes et Tchetniks ont laissé des traces durables, des blessures jamais cicatrisées, des haines jamais apaisées. Elles se sont d'ailleurs ajoutées aux contentieux plus anciens, ceux de l'invasion turque, ceux de la Grande Guerre, etc. On se souvient que dans les années 90, les termes de Tchetniks et d'Oustachis sont ressortis des "oubliettes de l'histoire" et ont constitué d'efficaces anathèmes pour diaboliser l'adversaire. Il n'y a jamais eu de "nation" yougoslave et la Yougoslavie est restée un Etat artificiel, dont la survie dépendait de la stabilité de l'ordre international dans lequel il évoluait.

 

Frédéric Le Moal, encore bravo. Merci très vivement et à bientôt.

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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 08:20

Missions secrètes derrière le rideau de fer pendant la guerre froide

Les missions françaises à Berlin

général (2S) Magnificat

METIS

La prochaine conférence du cycle 2011/2012 du groupe METIS du Centre d'histoire de Sciences Po. se tiendra sur ce thème passionnant le 21 mai 2012. Une séance à ne pas rater !

Attention, changement d'adresse par rapport aux autres conférences :

elle aura lieu salle 11, 1er étage, 25 rue Saint Guillaume, 75007 Paris

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Qui Suis-Je ?

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  • : Guerres et conflits XIXe-XXIe s. se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la « dictature des commémorations », nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.
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Cafés historiques de La Chouette

Prochaine séance : pour la rentrée de septembre. Le programme complet sera très prochainement mis en ligne.

Publications personnelles

Livres

 

doumenc-copie-1.jpgLa Direction des Services automobiles des armées et la motorisation des armées françaises (1914-1918), vues à travers l’action du commandant Doumenc

Lavauzelle, Panazol, 2004.

A partir de ma thèse de doctorat, la première étude d’ensemble sur la motorisation des armées pendant la Première Guerre mondiale, sous l’angle du service automobile du GQG, dans les domaines de l’organisation, de la gestion et de l’emploi, des ‘Taxis de la Marne’ aux offensives de l’automne 1918, en passant par la ‘Voie sacrée’ et la Somme.

 

La mobilisation industrielle, ‘premier front’ de la Grande Guerre ? mobil indus

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2005 (préface du professeur Jean-Jacques Becker).

En 302 pages (+ 42 pages d’annexes et de bibliographie), toute l’évolution industrielle de l’intérieur pendant la Première Guerre mondiale. Afin de produire toujours davantage pour les armées en campagne, l’organisation complète de la nation, dans tous les secteurs économiques et industriels. Accompagné de nombreux tableaux de synthèse.

 

colonies-allemandes.jpgLa conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2006 (préface du professeur Jacques Frémeaux).

Au début de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand est de création récente. Sans continuité territoriale, les différents territoires ultramarins du Reich sont difficilement défendables. De sa constitution à la fin du XIXe siècle à sa dévolution après le traité de Versailles, toutes les étapes de sa conquête entre 1914 et 1918 (388 pages, + 11 pages d’annexes, 15 pages de bibliographie, index et cartes).

 

 caire damasDu Caire à Damas. Français et Anglais au Proche-Orient (1914-1919)

 14/18 Editions, Saint-Cloud, 2008 (préface du professeur Jean-Charles Jauffret).

Du premier au dernier jour de la Grande Guerre, bien que la priorité soit accordée au front de France, Paris entretient en Orient plusieurs missions qui participent, avec les nombreux contingents britanniques, aux opérations du Sinaï, d’Arabie, de Palestine et de Syrie. Mais, dans ce cadre géographique, les oppositions diplomatiques entre ‘alliés’ sont au moins aussi importantes que les campagnes militaires elles-mêmes.

 

hte silesieHaute-Silésie (1920-1922). Laboratoire des ‘leçons oubliées’ de l’armée française et perceptions nationales

‘Etudes académiques », Riveneuve Editions, Paris, 2009.

Première étude d’ensemble en français sur la question, à partir du volume de mon habilitation à diriger des recherches. Le récit détaillé de la première opération civilo-militaire moderne d’interposition entre des factions en lutte (Allemands et Polonais) conduite par une coalition internationale (France, Grande-Bretagne, Italie), à partir des archives françaises et étrangères et de la presse de l’époque (381 pages + 53 pages d’annexes, index et bibliographie).

 

cdt armee allde Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général von Falkenhayn 

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Le texte original de l’édition française de 1921 des mémoires de l’ancien chef d’état-major général allemand, accompagné d’un dispositif complet de notes infrapaginales permettant de situer les lieux, de rappeler la carrière des personnages cités et surtout de comparer ses affirmations avec les documents d’archives et les témoignages des autres acteurs (339 pages + 34 pages d’annexes, cartes et index).

 

chrono commChronologie commentée de la Première Guerre mondiale

Perrin, Paris, 2011.

La Grande Guerre au jour le jour entre juin 1914 et juin 1919, dans tous les domaines (militaire, mais aussi politique, diplomatique, économique, financier, social, culturel) et sur tous les fronts. Environ 15.000 événements sur 607 pages (+ 36 pages de bibliographie et d’index).

 

 Les secrets de la Grande Guerrecouverture secrets

Librairie Vuibert, Paris, 2012.

Un volume grand public permettant, à partir d’une vingtaine de situations personnelles ou d’exemples concrets, de remettre en lumière quelques épisodes peu connus de la Première Guerre mondiale, de la question du « pantalon rouge » en août 1914 à l’acceptation de l’armistice par von Lettow-Vorbeck en Afrique orientale, après la fin des hostilités sur le théâtre ouest-européen.

 

Couverture de l'ouvrage 'Mon commandement en Orient'Mon commandement en Orient, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général Sarrail

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2012

Le texte intégral de l'édition originale, passé au crible des archives publiques, des fonds privés et des témoignages des acteurs. Le récit fait par Sarrail de son temps de commandement à Salonique (1915-1917) apparaît véritablement comme un exemple presque caricatural de mémoires d'autojustification a posteriori

 

 

Coordination et direction d’ouvrages

 

Destins d’exception. Les parrains de promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

SHAT, Vincennes, 2002.

Présentation (très largement illustrée, 139 pages) des 58 parrains qui ont donné leur nom à des promotions de Saint-Cyr, entre la promotion « du Prince Impérial » (1857-1858) et la promotion « chef d’escadrons Raffalli » (1998-2001).

 

fflLa France Libre. L’épopée des Français Libres au combat, 1940-1945

SHAT, Vincennes et LBM, Paris, 2004.

Album illustré présentant en 191 pages l’histoire et les parcours (individuels et collectifs) des volontaires de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.

 

marque courageLa marque du courage

SHD, Vincennes et LBM, Paris, 2005.

Album illustré présentant en 189 pages l’histoire des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire, à travers une succession de portraits, de la Première Guerre mondiale à la Bosnie en 1995. L’album comporte en annexe une étude sur la symbolique, les fourragères et la liste des unités d’active décorées.

 

  90e anniversaire de la Croix de guerre90-ANS-CROIX-DE-GUERRE.jpg

SHD, Vincennes, 2006.

Actes de la journée d’études tenue au Musée de l’Armée le 16 novembre 2005. Douze contributions d’officiers historiens et d’universitaires, français et étrangers, de la naissance de la Croix de guerre à sa perception dans la société française, en passant les décorations alliées similaires et ses évolutions ultérieures.

 

france grèceLes relations militaires franco-grecques. De la Restauration à la Seconde guerre mondiale 

SHD,Vincennes, 2007.

Durant cette période, les relations militaires franco-grecques ont été particulièrement intenses, portées à la fois par les sentiments philhellènes qui se développent dans l’hexagone (la France est l’une des ‘Puissances protectrices’ dès la renaissance du pays) et par la volonté de ne pas céder d’influence aux Anglais, aux Allemands ou aux Italiens. La campagne de Morée en 1828, l’intervention en Crète en 1897, les opérations en Russie du Sud  en 1919 constituent quelques uns des onze chapitres de ce volume, complété par un inventaire exhaustif des fonds conservés à Vincennes.

 

verdunLes 300 jours de Verdun

Editions Italiques, Triel-sur-Seine, 2006 (Jean-Pierre Turbergue, Dir.).

Exceptionnel album de 550 pages, très richement illustré, réalisé en partenariat entre les éditions Italiques et le Service historique de la Défense. Toutes les opérations sur le front de Verdun en 1916 au jour le jour.

 

DICO-14-18.jpgDictionnaire de la Grande Guerre

(avec François Cochet), 'Bouquins', R. Laffont, 2008.

Une cinquantaine de contributeurs parmi les meilleurs spécialistes de la Grande Guerre, 1.100 pages, 2.500 entrées : toute la Première Guerre mondiale de A à Z, les hommes, les lieux, les matériels, les opérations, les règlements, les doctrines, etc.

 

fochFerdinand Foch (1851-1929). Apprenez à penser

(avec François Cochet), 14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Actes du colloque international tenu à l’Ecole militaire les 6 et 7 novembre 2008. Vingt-quatre communications balayant tous les aspects de la carrière du maréchal Foch, de sa formation à son héritage dans les armées alliées par des historiens, civils et militaires, de neuf nations (461 pages + 16 pages de bibliographie).

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