Davantage de conflits armés dans le monde

en 2024 que les années précédentes

Les illusionnistes des années 1990 annonçaient la fin de l'histoire et l'avènement d'un monde de paix sous le parapluie américain et grâce au commerce mondialisé. Le résultat est clair :

https://lignesdedefense.ouest-france.fr/triste-record-battu-61-conflits-armes-en-2024-repartis-entre-36-pays-contre-59-en-2023-dans-34-pays/

L'Ecole de guerre - Terre

et ses auditeurs civils

Savez-vous que l'Ecole de guerre - Terre accueille des auditeurs civils pour les sensibiliser aux questions militaires et de défense ? 

https://www.revueconflits.com/podcast-lecole-de-guerre-terre-et-les-auditeurs-civils/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=weda_bay_nickel_une_mine_strategique_au_coeur_des_enjeux_de_l_indonesie&utm_term=2025-06-04

Chirurgien de guerre, chercheur de paix

Jean Mayer

Ancien chirurgien militaire ayant participé à de nombreuses OPEX, mais aussi responsable régional et animateur d'un groupe de travail de l'IHEDN, Jean Mayer se lance ici dans un essai dont il reconnaît lui-même à la fois toute la difficulté et que la question a déjà fait l'objet de nombreux ouvrages : celle de la dialectique entre "guerre" et "paix" et comprendre ce qu'est la première pour assurer la seconde.

Pour présenter sa réflexion, il divise son ouvrage en deux grandes parties : "Récits et analyse historique", et "Guerre et paix. Analyse géopolitique". Dans la première, il s'appuie essentiellement sur son expérience personnelle de la guerre, de ses blessés et de ses morts, de l'Algérie où il arrive tout jeune enfant en 1954 et où son père commande le 1er régiment de chasseurs parachutistes, à ses séjour(s en Bosnie entre 1995 et 1997. Il nous propose ainsi un récit aussi dépassionné que possible de ses expériences et souvenirs personnels, qu'il étoffe et complète de références historiques et de retours en arrière. Le procédé est intéressant mais peut être dangereux, l'histoire servant alors à justifier les opinions de l'auteur. Nous passons ainsi, après l'Algérie, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon, puis dans le Pacifique sur le site d'expérimentation atomique de Mururoa (quelques lignes sur l'affaire des faux époux Turenge de la DGSE plutôt favorables). Il retrouve ensuite l'Afrique dans le cadre des opérations extérieures, à plusieurs reprises au Tchad, mais aussi au Togo et au Rwanda (une dizaine de pages sur le génocide et l'opération Amaryllis en 1994), avant de terminer son parcours opérationnel dans les Balkans. La seconde partie traite essentiellement de réflexions et analyses générales sur le phénomène "guerre" (guerres justes, guerres irrégulières, etc.) et des propositions émanant de divers horizons pour "construire la paix", du philosophe Kant (et son essai Vers la paix perpétuelle, au nom du droit plus que de la morale) au pacifiste Romain Rolland, mais aussi en prenant en compte les publications et prises de position plus récentes (à propos de l'Ukraine ou d'Israël). Au bilan, ce livre associant vécu personnel et réflexions de fond est très riche et tout à fait intéressant, même si l'on peut considérer qu'il y a une forme de naïveté (ceci dit avec éminemment de respect pour l'auteur) dans sa conclusion, selon laquelle "la paix doit venir du coeur de chacun des protagonistes" et "la mise en place de mécanismes de cohabitation pacifique, en trouvant la juste attitude entre arrogance et angélisme"... Soit, mais pour cela il faudrait être deux. Que faire si l'adversaire n'est pas sur cette ligne et au combat n'applique pas les mêmes règles ?...

La riche bibliographie finale (de Platon au général Lecointre) sera d'une grande utilité aux étudiants et chercheurs. Un ouvrage que l'on conservera avec soin dans sa bibliothèque.

Lavauzelle, Panazol, 2025, 462 pages, 29,- euros.

ISBN : 978-2-7025-1733-8.

Pour commander directement le livre : https://www.lavauzelle.com/defense/defense/1346-chirurgien-de-guerre-chercheur-de-paix-9782702517338.html

La tentation de l'empire

Jacques Goyens

La question des empires (de leurs places dans l'histoire, de leurs évolutions et de leurs disparitions, de leurs mémoires dans le temps long) hante depuis longtemps (toujours ?) les historiens. De la Pax Romana au Reich millénaire, les objets d'études sont nombreux, mais aucune analyse n'est définitive.

Philosophe, homme de lettres et historien, Jacques Goyens se lance à son tour dans l'aventure, un véritable défi en moins de 200 pages, tant le sujet est vaste et complexe. Il s'intéresse en particulier aux mécanismes qui conduisent à la création et au développement des empires, ainsi qu'à leur (inextinguible ?) soif de puissance. L'auteur divise son propos en deux grandes parties : la première, "Brève histoire des empires", brosse une immense fresque historique de l'ancienne Egypte à l'URSS/Russie, et la seconde, "Les corrélats", aborde la question de façon thématique. Les seize exemples historiques présentés dans la première partie le sont de façon factuelle,, en rappelant rapidement les campagnes et les conquêtes. Outre les plus grands empires connus (Rome, Charlemagne, Napoléon, etc.), nous retrouvons par exemple l'empire assyrien, l'empire médo-perse, le Saint empire romain germanique, la Double-Monarchie, la Russie des tsars, etc. Un résumé en quelques pages qui permet de faire rapidement un point de situation ou une première vérification. On regrette quelques rares erreurs ponctuelles (l'Alaska n'a pas été acquis par Washington en 1959, mais en 1867. En 1959 le territoire est devenu un Etat fédéré au sein des USA). La seconde partie est, du fait de son approche, tout aussi intéressante, même si l'auteur sacrifie au discours dominant sur le lien entre empire d'une part et guerres et domination d'autre part. En résumé, les empires seraient sinon la source, du moins la manifestation la plus brutale de tous les maux, comme avec le retour de la guerre en Europe depuis l'agression russe contre l'Ukraine : "Le XXIe siècle présente des signes inquiétants de tension internationale. Un nouveau conflit a éclaté aux portes de l'Europe. Les impérialistes de tout bord n'ont tiré aucune leçon des conflits de l'histoire. Ils sont du reste très enclins à la revisiter à leur manière". Qu'il s'agisse de questions militaires, politiques, diplomatiques, de propagande, de démographie, de droit, d'éthique ou de religion : les empires, c'est le mal. Un peu court à notre sens. Les dernières lignes sont sans équivoque : "Quoi qu'il en soit, la soif de pouvoir, l'extrême droite, le pouvoir absolu, voire la dictature continuent d'exercer une fascination sur les peuples". Un peu sommaire nous semble-t-il.

Un petit livre qui factuellement ne manque pas d'intérêt et que l'on conservera en prenant soin de distinguer les faits des commentaires.

'Academia', L'Harmattan, 2025, 193 pages. 19,50 euros.

ISBN : 978-2-8061-3796-8.

Pour commander directement le livre : https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/la-tentation-de-lempire/78318?srsltid=AfmBOooThX4ErjvTjGL7Ri0TJG1r85n_1nzXwyAXO5Vp1tUdfU1Qn6rN

Ce que la légende

nous apprend de l'histoire

Thierry Camous

C'est littéralement passionnant ! Dès la quatrième de couverture (que nous citons pour une fois), le ton est donné : "Car si la légende est avant tout ... un récit historique, il n'est pas une bonne méthode pour l'historien d'aujourd'hui de produire, comme on le voit de plus en plus souvent, une histoire tournant complètement voire intentionnellement le dos à la légende". Pour quiconque est pétri de culture classique et n'a pas oublié nos racines gréco-romaines, la démonstration de l'auteur est essentielle.

En s'appuyant sur les plus récentes découvertes de l'archéologie, mais aussi sur l'épigraphie, l'ethnologie, etc., dans une approche donc résolument pluridisciplinaire, Thierry Camous, fin connaisseur de l'histoire antique, reconstitue la réalité de huit faits parmi les plus célèbres et les plus significatifs des histoires grecque et romaine : Minos, le labyrinthe de Dédale et le Minotaure pour évoquer l'ancienne civilisation minoenne et la Crête ; la guerre de Troie, et même les guerres de Troie, en resituant les évènements entre pirates mycéniens et royaume vassal des Hittites ; le cas très particulier d'Héraclès (Hercule), le héros exemplaire aux nombreux successeurs voire héritiers... dont les Spartiates ; Enée et l'émergence des peuples latins, le survivant de la prise de Troie donnant au terme d'un interminable périple des origines troyennes et donc aussi prestigieuses qu'anciennes à Rome (cf. L'Eneide) ; Romulus et Rémus, les jumeaux nourris par la louve, qui seraient les fondateurs effectifs de la ville, le premier tuant le second lorsqu'il délimite la nouvelle cité sur le mont Palatin, l'enlèvement des Sabines et la pratique du mariage forcé, avec pour première conséquence la guerre entre les pères et les nouveaux maris, ce qui permet une analyse des formes de guerre aux premiers temps de Rome ; le viol de Lucrèce, sans doute l'épisode le moins connu, mais il marque un évènement fondamental avec le passage de la monarchie à la république pour le jeune et encore fragile état romain, avec la prédominance d'une aristocratie locale qui impose son mode d'organisation et de fonctionnement ; enfin, le dernier épisode pris en compte est celui de la prise de Rome par les Gaulois de Brennus (le fameux Vae Victis, Malheur aux vaincus), la ville étant pillée et rançonnée, qui permet de reconstituer la réalité et l'importance de ces guerres gauloises (la "catastrophe gauloise" des Anciens), tout en mettant en cause la puissante gens (famille) Fabia et en valeur à l'époque la capacité de résilience de l'Etat romain. En conclusion, "la légende procède par le tri, la sélection, mais jamais par l'effacement radical ... La légende ne supprime jamais totalement l'histoire et la transpose sur le plan du discours symbolique hautement révélateur et auquel l'historien doit être particulièrement sensible". 

Oui, "la légende est ce qui mérite d'être lu et en l'occurrence chanté et entendu", ajoutons retenu. Pour chaque épisode traité, l'auteur reconstitue le contexte, rappelle le récit mythique, présente les thèses en présence, expose les éléments objectifs qui plaident en faveur de telle ou telle thèse. Répétons-le : un volume indispensable pour tous ceux qui s'intéressent aux sources de nos principes, de notre culture, de notre civilisation.

Les Belles Lettres, Paris, 2025, 327 pages. 26,90 euros.

ISBN : 978-2-251-45720-8.

Pour commander directement le livre : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251457208/ce-que-la-legende-nous-apprend-de-l-histoire