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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 08:00

Aurigny :

typologie d'une déportation

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Benoit Luc, auteur du livre Otages d'Hitler que nous recensions il y a quelques jours, s'est intéressé pendant sa scolarité en Master aux déportés français sur l'île anglo-normande d'Aurigny pendant la Seconde guerre mondiale. Il nous semble intéressant de donner un écho supplémentaire à ce chapitre très peu connu de l'histoire du conflit, s'agissant de prisonniers retenus dans quatre camps allemands installés ... en territoire britannique.

Son livre sur ce thème (Les déportés de France vers Aurigny, paru en 2010 chez Eurocibles) étant semble-t-il épuisé, nous vous renvoyons vers l'article de synthèse extrêmement documenté qu'il a publié sur ce même sujet ("Aurigny : typologie d'une déportation") dans le numéro 60 (mars 2009, pp. 1 à 11) de Mémoire vivante, revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation.

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 07:00

Atlas des empires coloniaux

XIXe - XXe siècles

Jean-François Klein, Pierre Singaravélou et Marie-Albane de Suremain

 9782746713260-atlas-empires-coloniaux.jpg

Chacun connaît la belle et utile collection d'atlas des éditions Autrement. Voici un nouveau volume qui réussit, une nouvelle fois, un véritable exploit de synthèse en moins de 100 pages, 130 cartes et graphiques et un texte d'accompagnement de qualité.

En quatre grands chapitres ("Continuités et mutations des empires au XIXe siècle", "Des impérialismes triomphants, XIXe - Première Guerre mondiale", "Interactions et tensions aux colonies : l'entre-deux-guerres" et "Circulations et réseaux impériaux"), les auteurs abordent tous les empires sous toutes leurs facettes, jusqu'aux missions religieuses européennes, aux évolutions démographiques comparées, aux loges maçonniques en Algérie ou aux premiers parcs naturels dans l'Afrique Orientale allemande de 1913 ! On retrouve aussi la chronologie de l'expansion américaine dans l'arc caraïbe et le Pacifique ou la constitution de l'empire territorial japonais après 1868. Sont également traités le "Grand jeu" russo-britannique en Asie centrale, l'évolution des échanges commerciaux entre la France, le Royaume-Uni et les empires respectifs, la part des troupes coloniales dans les armées de chaque métropole ou le détail du statut administratif de chaque territoire.

Un exemple de claire synthèse. Absolument indispensable.

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 09:50

Stratégie maritime

(droit, histoire, géopolitique, etc.)

PRIX-MARINE.jpg

Les étudiants ayant terminé un master ou un dostorat sur un thème lié à la stratégie maritime peuvent soumettre leurs mémoires (3 prix différents de 1.500 euros) et thèses (1 prix de 5.000 euros) au jury du prix "Amiral Daveluy 2012".

Renseignements et dossier :

Centre d'études supérieures de la Marine, Ecole militaire, 1 place Joffre,, case n° 8, 75700 Paris SP 07.

Tel : 01 44 42 56 72

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 09:40

Lieutenant-colonel Jeanpierre

Vies et mort d'un grand légionnaire

1912-1958

Daniel Sornat

JEANPIERRE.jpg

La maison d'édition spécialisée Indo-Editions ajoute ce mois-ci à son catalogue la biographie d'une figure emblématique de la Légion étrangère, celle du lieutenant-colonel Jeanpierre. Lui-même saint-cyrien de la promotion éponyme, l'auteur précise dans son introduction les sources qu'il a utilisé (archives officielles et privées comme témoignages), tout en reconnaissant que sa biographie pourrait ne pas être complète. De façon très classique, l'ouvrage s'ouvre sur deux chapitres introductifs ("Origine et jeunesse" et "L'entrée dans la carrière"), pour essayer de comprendre pourquoi le jeune Jeanpierre s'engage au 131e RI d'Orléans en décembre 1930, époque durant laquelle "les aspirations pacifiques de la majorité des populations européennes" s'expriment, en particulier en France. On peut ensuite diviser le livre en deux grandes parties : les chapîtres consacrés à la période qui s'étend de 1930 à 1945, moins connue, et ceux qui traitent des guerres d'Indochine et d'Algérie.

Jeanpierre renouvelle son contrat d'engagement jusqu'en 1935, année au cours de laquelle il est admis à l'Ecole de l'infanterie et des chars de combat, qui forme les officiers issus du corps des sous-officiers. Un an et demi plus tard, il quitte Saint-Maixent classé 5e de sa promotion, baptisée "Verdun", et fait le choix de servir au 1e régiment étranger d'infanterie (REI). Il ne quittera plus la Légion étrangère. Après l'Afrique du Nord, la Seconde guerre mondiale le trouve avec le II / 2e REI au Levant, où il apprend l'armistice de juin 1940 : "C'est un drame pour Jeanpierre ; il était jeune officier d'une armée réputée invincible, il se retrouve jeune officier d'une armée qui a été écrasée". Ce sont alors les longs mois d'une situation de plus en plus tendue entre Vichystes et Gaullistes (le "complot de septembre"), puis la campagne de juin 1941 avant l'armistice et le retour en métropole : "L'immense majorité des officiers de Légion refuse de rallier la France Libre". Jeanpierre dira plus tard : "Il y a quinze ans j'ai obéi en Syrie, je ne sais pas aujourd'hui si j'ai eu tort ou raison". On comprend le traumatisme que cette successioon d'événements a pu représenter pour toute une génération. Passé dans la Résistance après l'occupation de la "zone libre" en novembre 1942, il est arrêté par la Sicherheitspolizei à Orléans en janvier 1944 et déporté à Mauthausen, dont il est libéré en mai 1945. Promu capitaine avec effet rétroactif, il retrouve la Légion, à la tête du centre de recrutement de Kehl, et rejoint trois ans plus tard le 1er bataillon étranger parachutiste naissant comme adjoint du capitaine Segrétain et, dès l'unité formée, embarque pour l'Indochine.

La deuxième partie de sa carrière est mieux connue : le Delta tonkinois, Lang Son, les opérations qui se succèdent, "l'affaire de That Khé" puis le drame de la RC4, dont il est l'un des rares survivants. En charge de la formation des légionnaires au II/1er REI pendant quatre ans, il retrouve brièvement l'Indochine à la fin de l'année 1954, pour reconstituer le 1er BEP, disparu dans les combats de Dien Bien Phu, avec lequel dès février 1955 il rejoint l'Algérie. On sait son rôle et son oeuvre pendant plus de trois ans, dans les Aurès, à Alger, tirant les enseignements de chaque opération et systématisant les "nomadisations". Adjoint du REP, il débarque à Suez à l'automne 1956 pour se trouver engagé dès janvier 1957 dans la bataille d'Alger. Devenu chef de corps du régiment, il va tout faire pour développer l'emploi de l'hélicoptère dans la lutte contre l'ALN : "J'ai senti là une cassure dans l'histoire de la guerre d'Algérie ... La vitesse est tout". Il se distingue à la fin de l'année 1957 au commandement de la Zone opérationnelle de l'Est algérien, entre Biskra et Hassi-Messaoud ("Tout baser sur le renseignement. Exploitation immédiate de tout renseignement"), puis au printemps 1958 avec la responsabilité d'une partie du barrage sur la frontière algéro-tunisienne, avec une troupe particulièrement aguerrie : "Ce qui m'a le plus frappé lors de mes premières opérations au sein du REP, c'est la manoeuvre en silence. Pas d'éclat de voix, peu d'ordres, des commandements aux gestes, chacun sachant ce qu'il avait à faire". Les combats se poursuivent sans interruption jusqu'à ce 29 mai, où il décède, à l'âge de 46 ans et après 27 ans de service, dans la chute de son hélicoptère, probablement abattu par un tir ennemi : "Soleil est mort".

Relevons enfin que l'ouvrage est étoffé de nombreuses copies de documents, de cartes, d'organigrammes et de photos. Au total, une indispensable biographie d'un officier exceptionnel révélé dans l'adversité, pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Légion aussi bien qu'aux campagnes d'Indochine et d'Algérie, tout en allant bien au-delà.

 

Daniel Sornat a bien voulu répondre à quelques questions sur la biographie qu'il vient de faire paraître :

 

Question : On a le sentiment, après avoir lu votre livre, que deux périodes bien distinctes, séparées par la déportation, scandent la vie et la carrière du lieutenant-colonel Jeanpierre : avant la Seconde guerre mondiale, il apparaît comme un officier que rien ne distingue vraiment de ses camarades, après 1945 il semble atteindre une certaine "maturité" et se révéler. Qu'en pensez-vous ?

Réponse : Au cours de la période 1937-1962, ce sont les circonstances qui ont surtout révélé le soldat. Contrairement à la grande majorité des officiers de sa génération, Jeanpierre n'a pas eu la "chance" de faire la guerre avant juin 1941. Mais le début de sa carrière est plutôt prometteur. Sorti cinquième de Saint-Maixent dans la Légion, ses chefs n'hésitent pas à confier au jeune sous-lieutenant le commandement du Centre d'instruction d'Ain El Hadjar après seulement six mois de présence. Au Liban, il a la confiance de ses deux chefs de bataillon successifs. Quelques jours avant le début des hostilités, le commandant Robitaille le choisit comme officier de transmission, en quelque sorte comme adjoint, puisqu'il est le seul autre officier au PC du bataillon. Il se distingue pendant les combats de Merdjayoun, ce qui lui vaut d'attirer l'attention de son colonel. Nommé patron de la Légion, le colonel Barré le laisse en France, au SILE, l'organisme de recrutement plus que jamais vital pour la Légion. Ainsi Jeanpierre ne connaîtra pas, comme ses camarades qui ont rejoint l'Afrique du Nord, l'ivresse de la victoire des campagnes de la Libération, mais la Résistance et Mauthausen.

Deux étapes de sa vie terriblement formatrices. Dans la Résistance, il est pour la première fois son maître. Il arrive en quatre mois à mettre sur pied une petite compagnie et découvre l'importance du renseignement. Du camp de concentration, dit-il, "on en ressort très différent de ce qu'on a été auparavant". Il y approfondit sa connaissance des hommes : "Tout homme même exceptionnel pouvait avoir ses moments de faiblesse ... Tout homme médiocre pouvait un jour devenir un héros".

Question : Vous restez relativement discret sur l'appréciation et les jugements de fond que Jeanpierre porte sur le drame de la RC4 et les responsabilités engagées. Que pourriez-vous ajouter aux quelques lignes consacrées à ce sujet dans votre livre ?

Réponse : Le bataille de la RC4 était perdue avant d'être commencée. Je ne vois pas l'intérêt de réveiller des polémiques stériles, en particulier celles qui pourraient concerner les combattants sacrifiés dans les calcaires de Dong Khé. Pour ceux qui voudraient connaître en détail les tergiversations qui ont abouti au désastre de la RC4, je les invite à consulter mon livre Les Goumiers marocains dans la bataille, paru à L'Esprit du Livre Editions en 2009.

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Question : On a parfois murmuré que Jeanpierre était finalement peu économe de la vie de ses légionnaires. Que pensez-vous de cette affirmation ?

Réponse : Jeanpierre a toujours eu le souci d'éviter les pertes, et ce dès l'entraînement : "S'il y a un mort à l'instruction, cela en évitera vingt au combat". Il semble que les esprits aient été frappés à tord par les 102 morts et 289 blessés du 1er REP dans la bataile des Frontières. Si on compare ces chiffres aux pertes totales de la bataille, annoncées par le général et historien Jean Delmas, soit 273 tués et 800 blessés, les pertes du 1er REP représentent 40% des tués et 36% des blessés. Mais ces pertes doivent être appréciées en fonction du résultat obtenu. Le bilan du 1er REP (1535 rebelles tués, 112 mitrailleuses ou FM, 1535 armes saisies) représente la moitié du bilan total, soit 3244 rebelles tués, 213 mitrailleuses ou FM et 2616 armes saisies. Les pertes du 1er REP sont donc proportionnellement légèrement inférieures par rapport aux résultats obtenus.

Question : Officier issu du corps des sous-officiers, il a donné son nom à une promotion de Saint-Cyr, la vôtre. Quelles ont été, à l'époque, les raisons du choix, et en quoi l'exemplarité de ce parrain pourrait être "parlante" pour un élève-officier aujourd'hui ? 

Réponse : Le choix d'un parrain est souvent une question de circonstances et d'époque. Pour le lieutenant-colonel Jeanpierre, il est clair qu'il s'agissait d'honorer un héros qui venait de mourir pour que l'Algérie reste française.

 

Daniel Sornat, merci pour cette belle biographie et à très bientôt.

 

 

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 09:30

Les Européens

dans les guerres napoléoniennes

Nathalie Petiteau, Jean-Marc Ollivier et Sylvie Caucanas (Dir.)

  EUROPEENS-NAPOLEON.png

Edité par la maison Privat à Toulouse, ce volume permet de mettre à la disposition du public les actes du colloque international tenu à Carcassonne en juin 2010. La quinzaine de contributions est organisée en quatre parties ("Quels combattants pour quelles guerres ?", "Combattre et survivre au quotidien", "Les civils face aux militaires" et "Symboles, mythes et mémoires") qui permettent de s'intéresser à de nombreux aspects de cette question générale, sous un angle particulier toutefois. Dans son introduction, Rémy Cazals précise qu'il s'agit "[d']envisager l'impact de la guerre dans l'histoire sociale, politique, culturelle" et fait sur ce plan référence à ses travaux sur la Grande Guerre. Dans sa communication relative à la campagne de Russie ("De l'uniforme à l'accoutrement : une métaphore de la retraite"), Marie-Pierre Rey précise que ce colloque est "dévolus aux Européens dans les guerres napoléoniennes, vus d'en bas et au quotidien".

Pas de présentation de la Grande armée ou de la bataille des Vingt Nations donc, mais des "coups de projecteurs" très ponctuels sur des aspects particuliers de la vie des soldats et (peut-être surtout) des civils à l'occasion des campagnes militaires. Restant pratiquemejnt seul au plus près du titre de l'ouvrage, Antoine Desdoit et Jean-Marc Olivier évoquent dans leur communication "Les armées européennes de Jean-Baptiste Bernadotte", avec les difficultés de communication, de logistique et de commandement qui en découlent. La plupart des intervenants s'intéressent à des éléments de micro-histoire, parfois sur des sujets très originaux comme ces "Manuels d'apprentissage des langues française et russe", les Dolmetscher publiés en Allemagne ; mais on trouve aussi "La guerre de Calabre de 1806-1807" ou "Les soldats illyriens de l'armée napoléonienne (1809-1814)", sous l'angle de la "brutalisation" ou de la tentative de "gagner les coeurs et les esprits". Les questions telles que la désertion, l'insoumission, la captivité ou les violences de guerre sont fréquemment abordées par plusieurs auteurs qui, à leur tour, établissent à différentes reprises un lien entre les mémoires des campagnes impériales et la Grande Guerre.

Dans son intervention de clôture autour de "La mémoire des combats", Natalie Petiteau s'appuie également sur de nombreux témoignages des acteurs (français) de "l'épopée impériale" pour tenter de déterminer les éléments constitutifs de la mémoire militaire, mais aussi les traces des concurrences entre les différentes mémoires.

Un livre atypique donc, qui, s'il ne répond pas exactement à ce que l'on attend instinctivement du titre, est d'une grande richesse. Un livre presque ambigu également, par les aller-retour auxquels on assiste entre le Premier empire et la Première Guerre mondiale, parfois au risque de frôler l'anachronisme de vocabulaire. Mais surtout un livre dont les chapitres "pointillistes" apportent une multitude  d'informations détaillées sur des points particuliers.

A lire et à conserver. A utiliser en complément d'ouvrages traitant plus directement des questions militaires, auxuquels il apporte un éclairage utile.

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 09:10

Guerre et information

CAPITULATION-REIMS.jpg

En cette période anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale sur le continent européen, Philippe Chapleau raconte, sur son site Lignes de défense, pourquoi et comment l'agence de presse américaine Associated Press a présenté des excuses posthumes au journaliste Edward Kennedy, licencié en 1945 pour avoir annocé la capitulation de l'Allemagne à Reims, en dépit de la volonté opposée des Soviétiques qui voulaient attendre la cérémonie du lendemain à Berlin.

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 09:00

Churchill et hitler (suite)

Rencontre avec François Delpla

Churchill & Hitler

A la suite de la recension consacrée à son dernier livre, mise en ligne le 25 avril dernier, François Delpla nous a dressé un commentaire regrettant que nous ayons parlé de "rapprochements hâtifs". Il nous a semblé important de lui permettre d'expliquer sa méthode de travail et ses recherches. A partir d'exemples précis puisés dans le texte de son livre, il a bien voulu nous préciser sa démarche, son raisonnement et résumer en conclusion comment il comprend la recherche historique.

 

Question : A la lecture de votre dernier livre, on peut avoir l'impression que vous procédez parfois par "raccourcis" rapides, comme page 160 et suivante lorsque vous évoquez une lettre d'Albrecht Haushofer du 16 juillet 1939, dont on ne sait plus très bien quelques lignes plus loin si elle existe ou non ("D'après un livre de son fils (qui n'évoque pas sur ce point de document : peut-être a-t-il entendu son père conter l'anecdote") et dont semble-t-il, sauf erreur, la référence n'est pas indiquée : comment procédez-vous pour croiser vos sources et confirmer vos premières analyses ?

Réponse : La lettre existe, dans les archives de la famille Hamilton, et a été publiée en 1971 par le fils du duc de l'époque, mêlé à la préhistoire du vol de Hess : c'est l'ordre, allégué par le propre fils, de sa communication à Churchill, Chamberlain et Halifax successivement. C'est cet ordre, dis-je, qui me fait sourire, et me semble plus proche des bienséances de l'après-guerre que du protocole conservateur de 1939. Je souhaiterais alors qu'un document (un agenda du duc, par exemple) vienne à l'appui et, comme ce n'est pas le cas, je me dis qu'au mieux le père en a parlé au fils. En d'autres termes, l'anecdote de Churchill ceint de sa serviette et lisant cette lettre au sortir du bain, plus encore le propos du duc souhaitant qu'il succède à Chamberlain, m'inspirent non point des déductions hâtives mais un profond scepticisme ; c'est là un scène convenue et attendue, fortement suspecte comme telle mais heureusement pas très importante. J'aurais pu en effet être encore plus clair en précisant que la lettre figurait dans les pages indiquées du livre.

churchill.png

Question : Page 238, vous évoquez le goût prononcé de Churchill pour l'alcool et vous le décrivez rapidement errant "en peignoir à la recherche d'un bain chaud" aux 'Muguet(s)'. Comment, alors, porter crédit aux récits ultérieurs ?

Réponse : Je fais preuve devant ses mémoires du doute le plus méthodique possible, non point tant en raison de son intempérance (j'aimerais avoir sa mémoire et sa présence en buvant le dixième de lui !) que des impératifs politiques qui lui font ménager Pierre ou Paul. D'une façon plus générale, je pratique devant tout document un doute méthodique et suis pris d'une frénésie de recoupement !

Question : Page 393, vous reconnaissez que "nous sommes très mal renseignés sur les approches que tente alors l'Allemagne en direction du Kremlin". Vous envisagez que "des archives essentielles" dorment sans doute en Russie ou en Suède. En l'absence de document(s), vous faites en particulier référence aux "propos de table transcrits par des secrétaires sur ordre de Martin Bormann". Est-ce sufffisant ?

Réponse : A l'impossible nul n'est tenu, mais je fais observer qu'au possible l'historien, en revanche, est absolument tenu. Le lecteur doit être aussi sévère avec lui qu'une mère de famille à l'ancienne quand un enfant laissait dans une assiette la moindre miette comestible. Ainsi, les propos de table de Hitler, miraculeusement préservés, sont une voie royale vers des secrets d'Etat que nous allons pouvoir, suivant les recoupements possibles, pénétrer plus ou moins précisément. Dans l'été 1941, ils présentent, quand il est question des Soviétiques, des variations qu'on peut et doit rapprocher des événements militaires (un recoupement non avec des documents, mais avec des actes et des événements), pour faire l'hypothèse que, plus le morceau se révèle dur à avaler, plus les ambitions se restreignent et le désir d'une paix de compromis grandit. Après, on trouve ou pas des recoupements textuels : il y en a un certain nombre. Mais le choix de prendre l'Ukraine avant Moscou, qui détermine de terribles disputes d'état-major autour du 20 août, est-il dicté, dans le cerveau de Hitler, par le souci de s'assurer ce territoire avant les pourparlers ? Cela reste une possibilité, sans plus, au stade actuel de mon information et de ma réflexion.

Question : Au-delà de ces quelques exemples, finalement, pour un sujet aussi complexe sur une période aussi controversée, comment voyez-vous le statut des documents de référence ? Les hiérarchisez-vous ? Considérez-vous qu'ils sont tous du même pied ? Pensez-vous que de nouvelles pièces puissent émerger dans les prochaines années ?

Réponse : Sur le dernier point, ô que oui ! J'ai souvenance d'un historien qui, interrogé de la même façon par une chaîne de radio il y a une vingtaine d'années à l'occasion d'une ouverture d'archives permettant de préciser un point quelconque, répondit qu'il n'attendait plus rien d'essentiel, concernant la Seconde guerre mondiale. C'est là une erreur révélatrice, procédant de l'idée que l'ouverture des archives allemandes dès Nuremberg, puis des anglaises et des américaines après 1970, avaient permis de faire le tour des questions importantes. Cette personne n'attendait rien du versant soviétique ... et là je lui donne plutôt raison -on n'a pas appris grand-chose- sur les questions essentielles, qui ne fût largement discernable grâce aux documents des autres pays. Mais il reste la pratique nazie du secret, passant notamment par la consigne de ne rien écrire, et, plus généralement, le style écrit et surtout oral de Hitler, rempli de formules sibyllines qu'il faudra encore scruter longtemps ; et le fait que petit à petit les ennemis de l'Allemagne, Britanniques avant tout, se sont adaptés et ont commencé à duper Hitler selon ses propres méthodes. Voyez, dans le livre, l'exemple du télégramme de Lequio (14 mars 1941, p. 351) : l'ambassadeur anglais à Madrid et vieux compagnon de Chamberlain, Samuel Hoare, raconte à un émissaire allemand qu'il forme un gouvernement pacifiste pour remplacer celui de Churchill et compte aboutir prochainement. Cette archive est, pour l'instant, unique, mais déjà très éloquente : puisque justement les très nombreux documents qui montrent comment Hoare exécutait sa mission ne disent jamais rien d'approchant, il est certain qu'il s'agit d'une intoxication et la structure du pouvoir britannique montre qu'elle ne peut venir que de Churchill. Ce document a été publié en recueil en 1986 et n'avait, jusqu'ici, été exploité par aucun historien digne de ce nom. Preuve qu'il dérange. Je confesse que c'est ce qui m'attire. Non point par souci de démolir ce qu'on croyait, je suis comme tout le monde, j'ai besoin de mon confort intellectuel, et plus je crois les questions tranchées, mieux je me porte. Mais en tant qu'historien, il est de mon devoir de chasser sur des terres nouvelles et d'aborder des questions justement pas tranchées, ou plus compliquées qu'on ne croyait.

 

Merci François Delpla d'avoir répondu aussi nettement et présenté sans fard vos recherches. Amis lecteurs, à vous la parole.

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 08:45

D'une Terreur à l'autre
Théories du complot et nostalgie de l'Empire

1815-1816

Laurent Nagy

Couverture-de-l-ouvrage--D-une-terreur-a-l-autre-.jpg

"Au printemps 1814 règne à Paris une cacophonie d'où jaillissent les idées les plus diverses" écrit l'auteur dans son introduction.

Laurent Nagy, dans son ouvrage, analyse de façon détaillée la croyance en un grand complot antiroyaliste qui, dans la France de 1815 et 1816, hante les milieux ultras. Cette certitude légitime, aux yeux de ceux qui adhèrent à la « réthorique conspirative », les représailles contre les républicains, les bonapartistes ou les opposants en général. L’action « ultraciste » se concrétise ainsi par la Terreur légale à la Chambre ou la répression sans pitié de conspirations parfois embryonnaires, montées en épingle par la police politique. Le sujet avait déjà été abordé dans un certain nombre d’études spécialisées traitant de la Restauration. Toutefois, Laurent Nagy ne se contente pas de souligner la similitude des procédés utilisés par les jacobins contre le « complot de l’Etranger » en 1793-1794 et ceux employés par les ultras en 1815-1816. Il s’efforce également, pour le plus grand intérêt du lecteur, de conceptualiser ces comportements extrêmes qui interviennent lors des périodes de très forte tension politique et finissent par disqualifier les partisans de la tendance dure, bientôt désavoués par les modérés qui forment le gros du courant d’opinion concerné.

Au final, D’une Terreur à l’autre se révèle un excellent ouvrage d’histoire politique qui offre un éclairage très pertinent sur les premiers mois de la Seconde Restauration.

Jean-François Brun

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 12:00

La bataille d'Orléans

Jeanne d'Arc et la guerre de Cent Ans  -  n° 1

JEANNE-d-ARC.jpg

Exceptionnellement, en ce dimanche, un "billet" sur un thème ne relevant pas de nos thématiques habituelles. Un fois n'est pas coutume, quittons nos horizons "contemporénistes" pour souhaiter longue vie à un nouveau magazine spécialisé, magnifiquement illustré, Jeanne d'Arc et la guerre de Cent Ans, dont la numéro 1 est en librairie à partir de cette semaine. L'essentiel de la pagination s'articule autour de la personnalité et de la vie de celle qui est devenue en 1922 sainte patronne de France. Y aura-t-il là matière à faire vivre un magazine dans la durée ? La question peut être légitimement posée, mais on remarque également deux articles sur des thèmes connexes : "Gilles de Rais" par Olivier Bouzy et "Les archers anglais" par Joël Meyniel.

Alors, un nouveau trimestriel spécialisé sur le Moyen-âge ?

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 07:50

Revue Défense Nationale

mai 2012  -  n° 750

Couverture-de-la-revue--Revue-Defense-Nationale-.jpg

Deux dossiers principaux au sommaire de ce numéro de mai de la RDN : "Europe et défense", avec sept articles qui abordent essentiellement les questions politiques et budgétaires, et "Défense et armement", avec six articles traitant aussi bien des aspects technologiques que financiers et juridiques.  On note également l'article "de tête", du chef d'escadrons de Chilly, sur un thème d'actualité, "Officier et candidat : et pourquoi pas". En prime, la qualité des textes et une grande diversité de signatures.

PS : Rappelons que jusqu'à la fin du mois de mai, un partenariat entre la RDN et Theatrum Belli permet de souscrire un abonnement à un tarif très intéressant.

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Qui Suis-Je ?

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  • : Guerres et conflits XIXe-XXIe s. se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la « dictature des commémorations », nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.
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Cafés historiques de La Chouette

Prochaine séance : pour la rentrée de septembre. Le programme complet sera très prochainement mis en ligne.

Publications personnelles

Livres

 

doumenc-copie-1.jpgLa Direction des Services automobiles des armées et la motorisation des armées françaises (1914-1918), vues à travers l’action du commandant Doumenc

Lavauzelle, Panazol, 2004.

A partir de ma thèse de doctorat, la première étude d’ensemble sur la motorisation des armées pendant la Première Guerre mondiale, sous l’angle du service automobile du GQG, dans les domaines de l’organisation, de la gestion et de l’emploi, des ‘Taxis de la Marne’ aux offensives de l’automne 1918, en passant par la ‘Voie sacrée’ et la Somme.

 

La mobilisation industrielle, ‘premier front’ de la Grande Guerre ? mobil indus

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2005 (préface du professeur Jean-Jacques Becker).

En 302 pages (+ 42 pages d’annexes et de bibliographie), toute l’évolution industrielle de l’intérieur pendant la Première Guerre mondiale. Afin de produire toujours davantage pour les armées en campagne, l’organisation complète de la nation, dans tous les secteurs économiques et industriels. Accompagné de nombreux tableaux de synthèse.

 

colonies-allemandes.jpgLa conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2006 (préface du professeur Jacques Frémeaux).

Au début de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand est de création récente. Sans continuité territoriale, les différents territoires ultramarins du Reich sont difficilement défendables. De sa constitution à la fin du XIXe siècle à sa dévolution après le traité de Versailles, toutes les étapes de sa conquête entre 1914 et 1918 (388 pages, + 11 pages d’annexes, 15 pages de bibliographie, index et cartes).

 

 caire damasDu Caire à Damas. Français et Anglais au Proche-Orient (1914-1919)

 14/18 Editions, Saint-Cloud, 2008 (préface du professeur Jean-Charles Jauffret).

Du premier au dernier jour de la Grande Guerre, bien que la priorité soit accordée au front de France, Paris entretient en Orient plusieurs missions qui participent, avec les nombreux contingents britanniques, aux opérations du Sinaï, d’Arabie, de Palestine et de Syrie. Mais, dans ce cadre géographique, les oppositions diplomatiques entre ‘alliés’ sont au moins aussi importantes que les campagnes militaires elles-mêmes.

 

hte silesieHaute-Silésie (1920-1922). Laboratoire des ‘leçons oubliées’ de l’armée française et perceptions nationales

‘Etudes académiques », Riveneuve Editions, Paris, 2009.

Première étude d’ensemble en français sur la question, à partir du volume de mon habilitation à diriger des recherches. Le récit détaillé de la première opération civilo-militaire moderne d’interposition entre des factions en lutte (Allemands et Polonais) conduite par une coalition internationale (France, Grande-Bretagne, Italie), à partir des archives françaises et étrangères et de la presse de l’époque (381 pages + 53 pages d’annexes, index et bibliographie).

 

cdt armee allde Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général von Falkenhayn 

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Le texte original de l’édition française de 1921 des mémoires de l’ancien chef d’état-major général allemand, accompagné d’un dispositif complet de notes infrapaginales permettant de situer les lieux, de rappeler la carrière des personnages cités et surtout de comparer ses affirmations avec les documents d’archives et les témoignages des autres acteurs (339 pages + 34 pages d’annexes, cartes et index).

 

chrono commChronologie commentée de la Première Guerre mondiale

Perrin, Paris, 2011.

La Grande Guerre au jour le jour entre juin 1914 et juin 1919, dans tous les domaines (militaire, mais aussi politique, diplomatique, économique, financier, social, culturel) et sur tous les fronts. Environ 15.000 événements sur 607 pages (+ 36 pages de bibliographie et d’index).

 

 Les secrets de la Grande Guerrecouverture secrets

Librairie Vuibert, Paris, 2012.

Un volume grand public permettant, à partir d’une vingtaine de situations personnelles ou d’exemples concrets, de remettre en lumière quelques épisodes peu connus de la Première Guerre mondiale, de la question du « pantalon rouge » en août 1914 à l’acceptation de l’armistice par von Lettow-Vorbeck en Afrique orientale, après la fin des hostilités sur le théâtre ouest-européen.

 

Couverture de l'ouvrage 'Mon commandement en Orient'Mon commandement en Orient, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général Sarrail

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2012

Le texte intégral de l'édition originale, passé au crible des archives publiques, des fonds privés et des témoignages des acteurs. Le récit fait par Sarrail de son temps de commandement à Salonique (1915-1917) apparaît véritablement comme un exemple presque caricatural de mémoires d'autojustification a posteriori

 

 

Coordination et direction d’ouvrages

 

Destins d’exception. Les parrains de promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

SHAT, Vincennes, 2002.

Présentation (très largement illustrée, 139 pages) des 58 parrains qui ont donné leur nom à des promotions de Saint-Cyr, entre la promotion « du Prince Impérial » (1857-1858) et la promotion « chef d’escadrons Raffalli » (1998-2001).

 

fflLa France Libre. L’épopée des Français Libres au combat, 1940-1945

SHAT, Vincennes et LBM, Paris, 2004.

Album illustré présentant en 191 pages l’histoire et les parcours (individuels et collectifs) des volontaires de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.

 

marque courageLa marque du courage

SHD, Vincennes et LBM, Paris, 2005.

Album illustré présentant en 189 pages l’histoire des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire, à travers une succession de portraits, de la Première Guerre mondiale à la Bosnie en 1995. L’album comporte en annexe une étude sur la symbolique, les fourragères et la liste des unités d’active décorées.

 

  90e anniversaire de la Croix de guerre90-ANS-CROIX-DE-GUERRE.jpg

SHD, Vincennes, 2006.

Actes de la journée d’études tenue au Musée de l’Armée le 16 novembre 2005. Douze contributions d’officiers historiens et d’universitaires, français et étrangers, de la naissance de la Croix de guerre à sa perception dans la société française, en passant les décorations alliées similaires et ses évolutions ultérieures.

 

france grèceLes relations militaires franco-grecques. De la Restauration à la Seconde guerre mondiale 

SHD,Vincennes, 2007.

Durant cette période, les relations militaires franco-grecques ont été particulièrement intenses, portées à la fois par les sentiments philhellènes qui se développent dans l’hexagone (la France est l’une des ‘Puissances protectrices’ dès la renaissance du pays) et par la volonté de ne pas céder d’influence aux Anglais, aux Allemands ou aux Italiens. La campagne de Morée en 1828, l’intervention en Crète en 1897, les opérations en Russie du Sud  en 1919 constituent quelques uns des onze chapitres de ce volume, complété par un inventaire exhaustif des fonds conservés à Vincennes.

 

verdunLes 300 jours de Verdun

Editions Italiques, Triel-sur-Seine, 2006 (Jean-Pierre Turbergue, Dir.).

Exceptionnel album de 550 pages, très richement illustré, réalisé en partenariat entre les éditions Italiques et le Service historique de la Défense. Toutes les opérations sur le front de Verdun en 1916 au jour le jour.

 

DICO-14-18.jpgDictionnaire de la Grande Guerre

(avec François Cochet), 'Bouquins', R. Laffont, 2008.

Une cinquantaine de contributeurs parmi les meilleurs spécialistes de la Grande Guerre, 1.100 pages, 2.500 entrées : toute la Première Guerre mondiale de A à Z, les hommes, les lieux, les matériels, les opérations, les règlements, les doctrines, etc.

 

fochFerdinand Foch (1851-1929). Apprenez à penser

(avec François Cochet), 14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Actes du colloque international tenu à l’Ecole militaire les 6 et 7 novembre 2008. Vingt-quatre communications balayant tous les aspects de la carrière du maréchal Foch, de sa formation à son héritage dans les armées alliées par des historiens, civils et militaires, de neuf nations (461 pages + 16 pages de bibliographie).

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