Histoire, guerres et conquêtes
Bernard Nantet
Le désert du Sahara fait l’objet de nombreux ouvrages récents destinés à satisfaire l’intérêt du grand public pour cette région en pleine actualité. Bernard Nantet, archéologue et journaliste spécialiste du continent africain, déjà auteur d’une Histoire du Sahara et des Sahariens, nous propose ici un libre destiné aux lecteurs désireux d’aborder l’histoire et les problématiques de cette région méconnue avec son nouveau livre, Le Sahara : histoire, guerres et conquêtes qui paraît aux éditions Tallandier. Il dresse un tableau général d’un immense territoire allant de Dakar à Khartoum et d’Alger à Ndjamena en passant par les célèbres Tombouctou ou Koufra.
Avec cet ouvrage à la visée avant tout vulgarisatrice, on est amené à parcourir 500 ans d’histoire de ce désert entouré de mystères. L’auteur découpe son livre en 8 parties chronologiques, toutes abordables indépendamment l’une de l’autre, allant du début XVe siècle jusqu’à l’intervention française au Mali en janvier 2013. Dès le premier chapitre, « Le Roi de l’Or », Bernard Nantet nous montre que l’attrait des Européens pour les nombreuses richesses, comme l’or ou le sel, de ce mythique désert est ancien. Dès le début du XVe, des navigateurs sous pavillon portugais ou espagnol viennent sillonner les côtes du Sahara occidental et établissent quelques comptoirs pour commercer avec les peuples du désert. Ces nombreux peuples font l’objet de la seconde partie, « Les peuples du Sahara », qui dresse un panorama des populations et tribus qui composent la mosaïque ethnique de ce grand désert et de la région sahélienne, comme les Touaregs, les Peuls, les Maures ou les Toubous, tout en nous racontant la période tumultueuse des XVIIe et XVIIIe siècles. Il n’oublie pas de mentionner l’installation de comptoirs européens toujours plus nombreux, agrandissant le nombre des acteurs présents dans la région.
Vient ensuite un temps plein de légendes et d’exploits du siècle suivant avec « Les explorateurs du Sahara ». Si l’auteur met en exergue les nombreuses expéditions infortunées qui se terminent souvent par une mort tragique, c’est pour mieux expliquer la prouesse de René Caillé, premier explorateur du Sahara à voyager de Saint-Louis du Sénégal jusqu’à Tombouctou (et surtout à en revenir !) en 1828, qui fait l’objet de plusieurs pages passionnantes. C’est le début d’une lente mais inexorable pénétration du désert par les puissances européennes qui n’ont de cesse de pousser toujours plus en avant pour « effacer le blanc des cartes ». Il nous montre par ailleurs les premières et timides formes de la colonisation qui annoncent un XIXe siècle guerrier.
Cette conquête du Sahara par les Européens, pilier central de l’ouvrage, est abordée par en trois parties, « La conquête du Sahara occidental », « La conquête du Sahara central » et « La conquête du Sahara oriental ». Si l’approche choisie semble géographique, l’auteur démontre vite qu’elle suit parfaitement la chronologie. Il porte principalement son attention sur la conquête française de ce grand désert, à juste titre puisque la France possède environ les deux tiers du Sahara lorsque la Première Guerre Mondiale éclate. On assiste donc aux actions célèbres de Faidherbe sur le Sénégal, au siège de Tombouctou, à la conquête du Tchad tout cela amenant à la crise de Fachoda. Cependant l’auteur n’oublie pas les colonisations britanniques et italiennes en nous donnant une image générale intéressante du Soudan anglo-égyptien et de la Libye italienne, dont les résistances ont été plus importantes que ce qu’on l’on imagine généralement. On remarque un ensemble de pages consacrées au rôle de l’Islam dans cette résistance à la conquête européenne, paragraphes qui révèlent des thématiques intéressantes au lecteur non-spécialiste.
L’avant-dernier chapitre, « La colonisation du Sahara », est consacré à l’action de la colonisation par les puissances européennes avec le souci de la délimitation des frontières, le développement des routes et des voies de communication du désert, l’exploitation de ses ressources et les dernières résistances à l’occupation coloniale comme celle de la confrérie des Senoussi. La Seconde Guerre mondiale et ses évènements cruciaux servent de tremplin à la dernière partie du livre.
« L’indépendance et après » nous propose un panorama des cinquante dernières années et des problèmes induits par une décolonisation souvent hâtive. La question du Sahara occidental et de son conflit avec le Maroc, l’instabilité de la Mauritanie, les Touaregs oubliés et divisés sont autant de questions qui reviennent dans l’actualité. Il aborde aussi les interventions françaises au Tchad et le rôle que joue l’ancienne métropole dans les affaires sahariennes. Bernard Nantet donne les origines de toutes ces actualités géopolitiques avec un bon esprit de synthèse (on reconnaît là le journaliste) qui n’est cependant pas présent dans tout le livre.
L’ouvrage souffre en effet de quelques défauts qui gênent le plaisir de la lecture. Trop porté sur des données factuelles ou des anecdotes, l’auteur semble se refuser parfois à présenter plus simplement des sujets qui auraient dû l’être. La partie sur les peuples du Sahara, par exemple, ne permet pas au lecteur de se faire une idée claire de la myriade d’ethnies qui constituent le visage du Sahara, de leurs différences et de leurs mentalités. On aurait aussi apprécié une cartographie plus développée pour aider le néophyte à concrétiser les connaissances que nous apporte la lecture du livre et à localiser lieux et peuples cités. Néanmoins, Le Sahara : histoire, guerres et conquêtes constitue un ouvrage de vulgarisation tout à fait intéressant sur la région, complété par une bonne bibliographie. Un livre à lire si l’on souhaite poursuivre par des lectures complémentaires.
Thierry Barroca
Tallandier, Paris, 2013, 399 pages. 22,90 euros.
ISBN : 979-10-210-0239-5.