Histoire de la cavalerie
Frédéric Chauviré
Il est de ces ouvrages dont on se rend compte de leur extrême qualité dès les premières pages, Histoire de la Cavalerie est de ceux-ci. Il est écrit d'une main de maître par Frédéric Chauviré, chargé de cours à Rennes II et ancien élève de Jean-Pierre Bois (qui, à juste titre, ne tarit pas d'éloges pour son protégé), dont le sujet de thèse doctorale était « La charge de cavalerie ». Divisé en quatre parties (« De l'Antiquité à l'irruption du feu », « L'empreinte de Gustave Adolphe », « La renaissance de la cavalerie » et « Le Choc et le Feu, une dialectique fondamentale »), le livre nous retrace l'histoire de l'arme noble durant l'ère moderne, des guerres d'Italie jusqu'à la Guerre de Sept Ans, en se permettant de nous en montrer les origines antiques et les ruptures brutales du XIXe et XXe siècle. L'ouvrage se concentre principalement sur la cavalerie française, mais porte aussi son regarde sur les cavaleries étrangères, notamment suédoise et prussienne.
L'ouvrage, issu de ce travail universitaire, s'attache à montrer l'histoire de la cavalerie à travers les mutations de la doctrine d'emploi, en s'appuyant sur de nombreux penseurs militaires, grands capitaines et chroniqueurs qui ont traversé l'époque moderne, tels que La Noue, Tavannes, Turenne, Maurice de Saxe ou encore Frédéric II. L'auteur met aussi en valeur le cavalier et les évolutions de son équipement, de son entraînement, de son encadrement et même de sa façon de combattre. Mais plus qu'une histoire de la cavalerie, ce livre est également une histoire de la charge de cavalerie. La grande force de Frédéric Chauviré, c'est qu'outre ses brillantes analyses historiques, il propose au lecteur de lui faire véritablement (re)vivre ce que fut une charge à différentes époques. Quand on lit ces lignes, on est avec les reîtres qui pratiquent la caracole, avec les cavaliers prussiens qui chargent au galop et sabre au clair. Les batailles ne sont pas en reste et l'auteur livre de brillantes analyses sur Marignan, Ivry, Rocroi ou Rossbach pour ne citer que les plus célèbres.
Grâce à un sens aigu de la pédagogie et à une qualité d'écriture des plus assurées, l'auteur parvient à faire comprendre, même aux plus néophytes, toutes les révolutions, ou plutôt les évolutions, ainsi que leur portée. Il démonte aussi un certain nombre de mythes qui entourent la cavalerie et la charge. On apprend pourquoi le choc, même s'il gardait toute sa puissance, était tombé en désuétude avec l'apparition des armes à feu, et pourquoi la caracole, malgré une efficacité tactique fort contestable, reste une référence pendant un siècle. La charge ne revient en grâce que sous l'impulsion des grands capitaines suédois et prussiens que sont Gustave Adolphe, Charles XII et Frédéric II pour connaître son apogée durant l'époque de la Révolution et de l'Empire. La dernière partie, « Le Choc et le Feu, une dialectique fondamentale », nous semble être une réussite majeure de l'ouvrage. L'auteur y livre une analyse quasi-anthropologique de la charge, en décrivant les mécanismes psychologiques provoqués par cet acte, le comportement des cavaliers durant la mêlée, puis poursuit sur le lent déclin de la cavalerie au XIXe et XXe siècle et le retour de la domination du feu sur le choc dans la cavalerie. L'analyse de la synergie entre feu et choc, qui parfois devient conflit, est prégnante tout au long du livre et forme un véritable fil rouge sur les presque quatre siècles d'histoire parcourus.
Nous sommes incontestablement ici en présence d'un ouvrage de référence, destiné, espérons-le, à un brillant avenir. Il est complété par une bibliographie bien fournie, qui propose des pistes de lecture supplémentaires bienvenues. En guise de conclusion, nous reprendrons les mots parfaitement choisis par Jean-Pierre Bois à propos de l'ouvrage : « Le livre que propose Frédéric Chauviré est un beau livre. Mieux : c'est un livre qui sera lu. ».
Thierry Barroca
Perrin, Paris, 2013, 382 pages, 24 euros.
ISBN : 978-2-262-03976-9.