Entretien avec Serge Barcellini
Mission "Histoire" du Conseil général de la Meuse
La nouvelle du lancement d'un projet de classement au patrimoine mondial de l'humanité des champs de bataille de la Grande Guerre avait surpris de nombreux amateurs. Après plusieurs mois de travail silencieux de l'équipe en charge du dossier, il nous a semblé opportun de demander à l'un de ses principaux porteurs de faire un point de situation.
Question : Lancé avec un certain faste, le dossier de classement au patrimoine international des champs de bataille de 1914-1918 semble aujourd'hui oublié. Pouvez-vous nous rappeler les motivations et les objectifs du projet ?
Réponse : Le dossier d'inscription des paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre poursuit son avancée. Il s'agit d'inscrire le tourisme de mémoire de la Grande Guerre dans une ambition mondiale. A cette fin, l'outil du tourisme mondial qu'est l'UNESCO constitue une indiscutable plus-value. Il s'agit également de donner une véritable profondeur au programme du centenaire, afin qu'il débouche sur une véritable politique mémorielle et ne s'arrête pas le 11 novembre 1918. Pour ce faire, une association regroupant les 13 départements du front français concernés a été créée, un partenariat proposé aux régions belges de Wallonie et de Flandre et une "stratégie technique" a été définie (type des dossiers, documents, etc.)
Question : Dans cet objectif, où en est le dossier aujourd'hui et que pensez-vous de son évolution ?
Réponse : Ce projet est exceptionnellement ambitieux pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il associe non seulement les 13 départements français, mais aussi 2 nations. Ensuite, son calendrier est chargé :
- 2012 : Inscription sur les listes des projets soutenus par les deux pays (pour la France, étude par les ministères de la Culture et de l'Environnement entre juin et décembre 2012 et inscription en fin d'année).
- 2013 : Rédaction des dossiers techniques.
2014 : Dépôt des dossiers à l'UNESCO. Les services de l'UNESCO disposent de dix-huit mois pour étudier les dossiers. Dès lors, deux réponses sont possibles : acceptation en juin 2016 et inscription des paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre au patrimoine mondial ; ou demande de compléments, retour des dossiers puis ré-étude à l'UNESCO pour un classement en juin 2018. La chronologie du dossier est donc parfaitement maîtrisée.
Question : D'autres dossiers sont concurrents, dont, semble-t-il, celui des plages du débarquement de Normandie. Ne pensez-vous pas que deux dossiers à caractère d'histoire militaire présentés simultanément puissent se nuire réciproquement, pour un résultat final peu satisfaisant ?
Réponse : La concurrence pour l'inscription sur la liste du patrimoine mondial est de toute façon très forte : pas moins de 35 dossiers sont en attente pour la France seulement. Mais le dossier "Grande Guerre" présente trois atouts exceptionnels : il est international (dès à présent franco-belge et ouvert en 2014 à de nouveaux comités sur d'autres fronts -Russie, Italie, Turquie-) ; il est conjoncturel, puisque la "fenêtre de tir" est celle du centenaire et qu'il nous faut impérativement obtenir le classement pour 2018 au plus tard ; il est mobilisateur, car des soldats de 54 nations actuelles ont combattu sur le front Ouest, et ces 54 nations soutiendront le dossier. Aucun autre projet ne lui est comparable.
Question : Quels sont vos soutiens institutionnels et pourquelle période de façon réaliste peut-on attendre une réponse ?
Réponse : Il existe en fait trois niveaux de soutien : en France, celui de l'Etat (ministères de la Culture, de l'Environnement, de la Défense) ; en Belgique les régions flamande et wallone sont totalement mobilisées ; mais surtout tous les pays qui ont eu des combattants sur le sol français et belge vont être mobilisés dès cette fin d'année. La chronologie générale est celle que j'indiquais il y a quelques instants, mais parallèlement, deux structures sont en création en 2012 : un comité scientifique international et un comité de parrainage international.
Question : Finalement, quel message souhaitez-vous faire passer ?
Réponse : Le centenaire de la Grande Guerre constitue un formidable pari. Soit, il ne sera qu'une addition d'initiatives (cérémonies, colloques, expositions, films, etc.) qui occuperont l'espace médiatique des Européens et des Américains avec une formidable chute d'intérêt dès 2015 et surtout fin 2018. Soit il inscrira définitivement la Grande Guerre comme le socle mémoriel partagé par le plus grand nombre de citoyens dans le monde. Pour cela, deux initiatives fortes sont à mener :
- La numérisation et la mise en ligne de toutes les fiches signalétiques de tous les combattants (8,5 millions rien que pour la France). Mise en ligne qui permettrait à une majorité de Français et de ressortissants d'autres anciens belligérants de redécouvrir ou d'approfondir leur histoire familiale de la Grande Guerre.
- L'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO des paysages et sites de la Grande Guerre, dossier sur lequel nous travaillons activement.
Ce sont les deux paris qui donnent un véritable sens au centenaire.
Serge Barcellini, merci pour ces réponses et à bientôt pour suivre avec vous les prochaines étapes du dossier.
Nota : la nouvelle carte Michelin des sites de la Grande Guerre en Meuse est désormais disponible. Pour renseignements et commandes, voir le site de la Mission Histoire du CG Meuse ici.