Recherche et influence ?

L'archéologue et le diplomate

Nicolas Grimal

On sait que les deux métiers sont souvent étroitement imbriqués (et faut-il revenir sur le rôle de nombreux officiers entre la fin du XIXe s. et l'entre-deux-guerres, en Indochine comme en Afrique du Nord ou au Levant par exemple), mais voici un petit volume qui en dresse à la fois l'historique récent et en pose aussi les résultats que les perspectives.

Archéologue (en particulier égyptologue) internationalement reconnu, Nicolas Grimal est depuis de longues années, par le biais de la Commission consultative des fouilles françaises, du ministère des Affaires étrangères, au coeur du dispositif de soutien aux recherches archéologiques sur tous les continents. On connait bien sûr l'importance de la présence scientifique et culturelle française en Egypte, au Liban, au Cambodge par exemple, mais la planisphère qui ouvre le volume en précisant tous les chantiers soutenus par la France dans le monde est particulièrement impressionnante (jusqu'à 2 en Alaska, 1 au Zimbabwe, 1 en Afghanistan,  1 en Corée du Nord, etc.). Si, pour le personnel sur place, les situations quotidiennes doivent parfois être difficiles, leur présence marque aussi l'importance du rayonnement intellectuel national,... et l'on ne peut oublier qu'à l'ère du "soft power" cette présence constitue un véritable atout. L'auteur divise son livre en quatre grandes parties : "Les premiers temps", "L'après-guerre : un contexte complexe", "Le nouvel ordre international", et "Quelles stratégies privilégier ?". La première revient sur l'évolution de l'archéologie française en contexte international (à partir de l'Egypte et de la Grèce essentiellement) depuis le XIXe s., sans négliger les affrontements franco-britanniques ou franco-allemands dans ce domaine. Les pages consacrées aux conséquences de la Grande Guerre sont à cet égard éclairantes. La seconde replace les chantiers archéologiques (notamment moyen-orientaux) dans le contexte politique et économique de l'entre-deux-guerres (c'est l'époque de la découverte de la tombe de Toutânkhamon) et aborde la question de l'instrumentalisation en politique (en particulier intérieure) des trouvailles effectuées sur le terrain, de leur éventuel transfert en Europe et de leurs manipulations selon des biais idéologiques. La troisième s'intéresse aux conséquences de la Seconde guerre mondiale, marquées pour la France par a volonté du général De Gaulle et la personnalité de Henri Seyrig. D'Afrique du Nord au Proche Orient se développe ainsi "un véritable réseau, appuyé sur celui de la diplomatie française, qui est ainsi constitué, fédérant également les opérations menées dans le cadre des institutions de recherche à l'étranger dépendant du ministère de l'Education nationale, et que le CNRS vient de rejoindre". Ces années sont également marquées par l'importance progressivement croissante des nouvelles technologies les plus pointues (ADN, numérique, LIDAR, drones, etc.) d'une part et l'internationalisation croissante des missions : "Ces dernières années, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a financé ou cofinancé en moyenne 160 missions sur les cinq continents". Et la dernière partie ouvre donc des pistes pour faire évoluer au mieux adapter et autant que possible conforter ce dispositif original, et pose notamment la question de la formation la plus approfondie possible, de l'acquisition des compétences les plus avancée  des jeunes, de la relève.

Un livre qui ouvre souvent sur des territoires en crise intérieure ou en guerre, mais où une poignée d'archéologues français maintient avec détermination une présence scientifique qui fait honneur au pays.  

Les Belles Lettres, Paris, 2025, 201 pages, 23,- euros.

ISBN : 978-2-251-45662-1.

Pour commander directement le livre : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251456621/l-archeologue-et-le-diplomate