Colonisation

Histoire de la Compagnie algérienne

Roger Vétillard

Bien connu pour ces nombreux travaux de grande qualité et toujours particulièrement référencés sur l'histoire de l'Algérie (https://guerres-et-conflits.over-blog.com/2019/01/place-et-role-de-l-islam.html, https://guerres-et-conflits.over-blog.com/2020/05/guerre-d-algerie.html ou https://guerres-et-conflits.over-blog.com/2017/03/mysterieux-suicide.html par exemple), Roger Vétillard s'intéresse ici, après La Compagnie genevoise de Sétif, à la Compagnie algérienne et à son rôle dans la colonisation puis le développement de l'Algérie.

L'histoire de la société, à travers les dix chapitres de cette étude très fouillée mais pourtant facile à lire, au cours de laquelle on ne s'ennuie jamais car l'on passe en permanence des aspects strictement économiques et financiers à des questions politiques algériennes, métropolitaines voire internationales, commence avec la création (sous le nom de Société générale algérienne) et l'installation de la Compagnie sur ce territoire sous le Second empire. Napoléon III privilégie en effet l'appel à l'investissement privé : "Sa création reflète, en effet, la conception du régime bonapartiste qui, compte tenu de la faible importance de la colonisation par de petits exploitants européens, souhaite confier la mise en valeur des campagnes algériennes à de grandes compagnies concessionnaires, apte à la fois à fournir l'argent de l'équipement de base, à financer le recrutement en France de candidats à l'émigration, à assumer les frais des défrichements et plantations et à investir dans la recherche agronomique". La Société se développe certes dans le domaine agricole à partir de la cession par l'Etat de 100.000 hectares de terres domaniales, mais aussi dans celui des infrastructures (au départ pour favoriser le développement des cultures comme les réservoirs d'eau, mais aussi le secteur minier, l'immobilier, et bien sûr la banque et la finance, à partir de l'octroi de prêts aux petits propriétaires. Devenue Compagnie algérienne au début de la Troisième République, "elle va connaître une brillante carrière jusqu'aux années 1950" et participer à toutes les étapes de l'histoire de l'Afrique du Nord française grâce à ses filiales, et même plus loin puisqu'elle s'implante progressivement en Afrique noire, à Madagascar et au Levant. Les pages consacrées à cette aventure économique durant la première moitié du XXe siècle en Algérie-Maroc-Tunisie sont particulièrement intéressantes (toutes scrupuleusement référencées) sur deux points : l'histoire de la société elle-même, mais aussi plus largement celle des régions concernées (productions agricoles, productions minières, etc.). Après avoir traversé deux guerres mondiales, la Compagnie algérienne est devenue une puissance bancaire et financière, qui va progressivement disparaître, absorbée par d'autres groupes, notamment la Banque de l'Union Parisienne sous le nom de Compagnie française de crédit et de banque.

Le livre permet de s'interroger sur de très nombreuses questions liées à celle plus générale de la colonisation, et les chiffres apportés démontrent, une nouvelle fois, que la métropole a supporté la charge financière de l'outre-mer dans des proportions importantes, même si dans de nombreuses circonstances "l'Etat a cédé la main aux capitalistes". Enfin, le livre bénéficie d'une solide bibliographie finale. Un volume qui ne peut qu'être utile à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Algérie durant la période française. 

Maisonneuve & Larose / Hémisphères, Paris, 2025, 195 pages, 18,- euros.

ISBN : 9782377012152.

Pour commander directement le livre : https://www.hemisphereseditions.com/histoire-de-la-compagnie-algerienne