La Première Armée française

De la Provence à l'Allemagne, 1944-1945

Claire Miot

Publié à partir de la thèse de l'auteure, cette très solide étude constitue indiscutablement un ouvrage de référence sur l'armée de Lattre, comme en témoigne par exemple les près de 40 pages de sources et bibliographie qui terminent le volume.

Avec Claire Miot, nous suivons cette Ière Armée française de sa constitution et son engagement dans le débarquement de Provence à l'occupation en Allemagne avec ses excès. Elle revient bien sûr sur "l'amalgame" entre les unités pour l'essentiel issues de l'armée d'Afrique et celles créées à partir de la résistance intérieure, tout en suivant les progrès de la libération, de la vallée du Rhône à la plaine d'Alsace en passant par les Vosges. L'auteure accompagne son récit de nombreuses considérations complémentaires sur l'environnement humain du combattant d'une part et sur les conditions politico-militaires des engagements de la Ière Armée. Elle reconstitue le contexte diplomatique et accompagne son récit, à tous les niveaux, de très nombreuses citations des témoins et acteurs des évènements. Elle souligne les difficultés de la création d'une nouvelle armée à partir d'éléments très disparates et met en relief le malaise qui existe dans certaines catégories de la population ou à l'arrière des lignes. On a toutefois le sentiment (c'est une impression diffuse au fil des pages) d'une critique assez systématique de l'encadrement métropolitain, en particulier dans ses rapports avec les soldats de l'empire colonial, ces derniers étant finalement presque des "victimes", ce qui semble excessif. De même, la contribution des Européens d'Afrique du Nord (en pourcentage de la population) n'est pas vraiment soulignée, la critique de la colonisation est récurrente et les premiers temps de l'occupation en Allemagne paraissent marqués par les viols (que l'on craint lors du débarquement à la suite de l'expérience du CEFI).

Un volume indispensable pour quiconque s'intéresse à la place de la France dans la Seconde guerre mondiale et aux années 1944-1945, que l'on considérera comme un outil de travail de référence pour sa large approche du sujet et ses très nombreuses références, en oubliant les commentaires accessoires.

Perrin, Paris, 2021, 456 pages, 26,- euros.

ISBN : 978-2-262-07192-9.

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Les vérités cachées de la France sous l'occupation

Dominique Lormier

Après Les vérités cachées de la Seconde guerre mondiale et celles de la défaite de 1940, Dominique Lormier s'attache à l'occupation de l'hexagone en dix grands chapitres.

Au fil des pages, il aborde des thèmes de nature très différente, successivement le "cas" Pétain (qui en mai 1940 "tente de redresser une situation déjà largement compromise" ? comment ?), la résistance dans l'armée d'armistice, les manipulations de la Résistance par les Britanniques, les collaborateurs français, les personnalités du monde des arts plus ou moins compromises, etc. On note, comme dernier chapitre, une forme de biographie de Jacques Chaban-Delmas, général de la France Libre à 29 sans avoir à proprement parler été militaire. Systématiquement, l'auteur présente un image très favorable de la France et des Français ("Si environ 300.000 Français ont collaboré de près ou de loin avec l'occupant pour diverses raisons, il convient de souligner qu'entre juillet 1940 et mai 1945, 1.425.000 d'entre eux ont lutté de manière échelonnée aux côtés des Alliés", d'où viennent ces chiffres ?), ce qui est souvent ponctuellement avéré, mais sans l'ampleur et le caractère systématique ici mis en avant. 

Comme d'habitude pour les ouvrages de Dominique Lormier, l'introduction annonce "des archives, des documents et des témoignages inédits", mais pas une seule de ces archives n'est référencée (simple mention "Archives militaires françaises" -ou allemandes, ou britanniques-, ce qui est un peu court) et les sources en fin de volume se contentent de lister une vingtaine de centres d'archives dans différents pays sans apporter la moindre précision. Bref, si le livre est effectivement intéressant et apporte sur quelques points d'utiles précisions, on regrette son caractère excessif dans l'engagement de l'auteur.

Editions du Rocher, Monaco, 2021, 461 pages. 19,90 euros.

ISBN : 978-2-268-10544-4.

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L'armée tiendra jusqu'au dernier !

L'armée allemande dans la poche de Colmar

Geoffrey Koenig

Ce livre est une version retravaillée d'un mémoire de master soutenu en 2018. Geoffrey Koenig s'intéresse dans le détail à la 19e armée allemande, encerclée entre Sélestat et Mulhouse à partir de novembre 1944.

L'Alsace étant intégrée au Reich à partir de 1940, il faut aux yeux d'Hitler la défendre comme un territoire allemand : jusqu'au dernier homme. Comme le précise l'auteur dans son introduction, il ne s'agit pas d'un récit des combats dans la poche de Colmar, par ailleurs bien documentés, mais d'une étude sur l'armée allemande qui y combat à l'hiver 1944 : "ses structures, ses hommes, le sens qu'elle donne aux affrontements". Avec cette particularité de la poche de Colmar : "Les soldats alliés (majoritairement français) combattent pour libérer les dernières parties du territoire national, tandis que les forces allemandes défendent ce qu'ils considèrent comme une province du Reich". Le livre est divisé en trois grands chapitres qui permettent de dresser un tableau très complet de cette 19e armée allemande. La première, "Une armée, des hommes : la cohésion et ses enjeux" étudie sa composition interne, son caractère hétérogène et l'engagement national-socialiste (souvent relatif) de ses hommes. La seconde, "L'armée en action", revient à la fois sur les choix tactiques (opérations Habicht et Sonnenwende) mais aussi le rôle de la propagande et les fondements du jusqu'au-boutisme nazi. La troisième enfin raconte "L'émiettement de l'armée", au niveau du soldat comme du fait des carences matérielles, et étudie les mécanismes de redditions et de désertions.

Si les restes de la 19e armée parviennent à franchir le Rhin en février 1945, son étude pendant cette période particulière est riche d'enseignements. On peut ne pas suivre toutes les conclusions et généralisations de l'auteur sur la nature profonde du régime nazi (c'est "une autre histoire"), mais cette analyse de l'armée ennemie en voie d'être défaite apporte bien des éléments à notre compréhension des évènements. En fin de volume, la reproduction d'une série de tracts (français et allemands) et d'insignes apporte également une plus-value. 

L'Harmattan, Paris, 2020, 258 pages, 27,- euros.

ISBN : 978-2-343-20541-1.

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Entre Hitler et Staline

Russes blancs et Soviétiques en Europe

durant la Seconde guerre mondiale

Nicolas Ross

Bien connu pour ses travaux sur la Russie et les russes blancs (ici, ici ou ici par exemple), Nicolas Ross termine en quelque sorte son cheminent depuis la chute du tsarisme en atteignant la Seconde guerre mondiale.

Les deux premiers chapitres posent le cadre général de l'étude en rappelant ce qu'est l'émigration russe blanche dans les années 1930 en Europe puis en mettant un coup de projecteur sur la situation des exilés russes en France à partir de la Drôle de guerre. Il suit ensuite chronologiquement l'évolution de la collaboration militaire russe avec les débats au sein de l'Union générale des combattants russes, puis la création et l'évolution de l'armée Vlassov, enfin la naissance de l'armée nationale populaire russe et celles de diverses petites unités. L'ensemble sur fond de grandes difficultés du côté russes, de réticences allemandes, et de "contre-mesures" soviétiques (infiltrations et incitations à la désertion). Un chapitre est consacré au cas particulier des Cosaques, jusqu'à leur livraison par les Britanniques aux Soviétiques, et un avant-dernier chapitre revient sur le cas particulier de "l'Union national-travailliste de la nouvelle génération" (NTSNP), dynamique mouvement politique essentiellement implanté en Europe de l'Est. Enfin, le livre se termine sur une ultime partie qui traite des Russes blancs engagés aux côtés des Alliés, à titre militaire comme dans la résistance, avec les débats liés à la poursuite d'un combat commun avec les Soviétiques. A la fin de chaque chapitre, les principaux points sont très pédagogiquement repris en quelques lignes, ce qui permet de mémoriser rapidement les aspects les plus importants. Le livre se termine sur les temps très difficiles vécus à partir de 1945, certains se laissant abuser par les promesses de Staline pour rentrer dans leur pays.

Un livre passionnant qui renforce encore la position des éditions des Syrtes sur ces sujets de l'histoire russe et européenne. Solidement référencé, parfaitement écrit, un ouvrage à considérer comme une référence.

Editions des Syrtes, Genève, 2021, 282 pages, 23,- euros.

ISBN : 9782940628773

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Herr Doktor

Un destin sans retour

Vivier et Denoël

Voici "l'histoire" d'un médecin strasbourgeois intégré dans l'armée allemande (dans la SS, c'est plus marquant) sur le front de l'Est et qui termine la guerre prisonnier des Soviétiques en route pour la Sibérie.

Le récit, compliqué à souhait, entre Paris Berlin, le Berghof et le front de l'Est, est purement de fiction, des conditions d'engagement à l'assassinat d'Hitler (rien de moins !) en passant par la rafle du Vel d'Hiv. Toute licence créatrice est bien sûr souhaitable, mais nous sommes ici dans le domaine de l'irréalisme absolu. Si le dessin est indiscutablement sympa, le reste est trop indigeste pour séduire l'amateur ayant une fibre d'historien.

Le volume, disponible en pré-commande auprès de l'éditeur, sera en librairie le mois prochain.

Editions Plein Vent, Monaco, 2021, 112 pages. 19,90 euros.

ISBN : 978-2-492-54700-3.

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