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21 juillet 2016 4 21 /07 /juillet /2016 06:00

La naissance de la CIA

L'aigle et le vautour, 1945-1961

François David

Historien spécialisé sur les relations transatlantiques et la guerre froide, François David nous invite à nous plonger dans la naissance et les premières années de l'un des services de renseignement les plus célèbres : la Central Intelligence Agency.

Dans ce passionnant ouvrage organisé en deux grandes parties ("La CIA, la communauté du renseignement et la fondation d'un renseignement national", et "Guerre secrète et stratégie mondiale. Le résistible essor d'un service Action"), François David dresse, à partir d'un important corpus de références (près d'une vingtaine de pages de sources et bibliographie), une histoire extrêmement complète des quelques quinze premières années de la puissante centrale américaine. Après avoir rappelé les conditions difficiles de sa naissance, sur les ruines de l'OSS de la Seconde guerre mondiale, dans un environnement intérieur de grande opposition entre les différentes branches des administrations américaines et alors que la guerre froide devient aigue, il détaille l'émiettement des différents services et leur incapacité "à tracer des perspectives claires sur le long terme". Les deux notions de coordination de l'action et de production de synthèses pertinentes sont au coeur des débats internes qui voient, au début des années 1950, le général Walter Bedell Smith réorganiser profondément les structures, les doter de moyens financiers et humains nouveaux, avec la participation des plus éminents universitaires. François David nous donne ici une description extrêmement précise des organismes mis sur pied, de leurs missions et de leurs premiers travaux. On note l'intérêt de la revue Studies in Intelligence, née en 1955 : "Le renseignement a développé une méthodologie identifiable. Il a mis au point un vocabulaire. Il a nourri un cadre théorique et doctrinal. Il applique des techniques sophistiquées et raffinées. Il dispose maintenant d'une politique des ressources humaines. Ce qui lui manque maintenant, c'est un corpus bibliographique. Le plus grand service que ce corpus puisse rendre sera d'accumuler en permanence nos nouvelles idées et nos retours d'expériences". Le processus de réalisation des études est expliqué, les responsabilités des uns et des autres pesées, et même la mise au point d'une sorte de "démarche qualité" pour valider a postériori les travaux. Après l'étude du travail d'analyse et de synthèse, la difficile évaluation historique de l'action clandestine (de la guerre psychologique à l'action brutale des branches "Action", de la propagande à l'assassinat ciblé) donne l'occasion à François David de revenir sur plusieurs définitions délicates. Il multiplie les sources et les notes infrapaginales, y compris sur "les opérations anticommunistes en France et en italie". C'est désormais la guerre secrète comprise dans une interprétation très large, "des actions clandestines, de la manipulation et de l'intoxication de l'adversaire aux raids paramilitaires". C'est aussi l'un des paradoxe de la démocratie américaine : les actions les plus secrètes sont (théoriquement, ou initialement) encadrées par une série de protocoles administratifs et financiers gouvernementaux au plus haut niveau et (en principe) validées par les instances politiques. Le réalisme, ou une certaine forme de confiance dans les idéaux américains, prime : "Pendant longtemps, nous nous sommes principalement préoccupés de savoir si le monde nous aimait. C'est un non-sens. Nous devons inspirer le respect et la confiance chaque fois que possible et, sinon, provoquer la crainte. Dans le cas contraire, nous ne battrons jamais ces gens (les communistes) ... A moins d'aller chercher ces types sur leur terrain, nous ne vaincrons jamais". Désormais, la CIA doit pouvoir faire "tout ce que les forces armées ne veulent pas, ne savent pas ou ne peuvent pas officiellement faire". Les questions politiques, et en particulier de politique intérieure, sont au coeur des deux chapitres qui suivent (parfois un peu ardus mais passionnants), consacrés à la coordination interministérielle et au contrôle politique de la CIA et l'ouvrage se termine sur le récit et les enseignements de deux opérations emblématiques de l'époque : le coup d'Etat contre Soekarno en Indonésie et l'affaire de la baie des Cochons. François David en tire des conclusions parfois peu élogieuses ou favorables aux services américains en terme d'efficacité, mais pointe aussi les responsabilités de ceux, politiques, qui sont au pouvoir au même moment et souligne les contradictions entre idéaux politiques et moraux officiellement affichés et procédés pragmatiquement mis en oeuvre (mais sans parfois s'en donner réellement les moyens...).

Par la densité de sa documentation et la capacité de l'auteur à évoquer des questions de fond à partir de cas concrets, un volume absolument indispensable pour quiconque s'intéresse non seulement à l'histoire de la CIA, mais aussi aux principes même d'organisation et de fonctionnement des services secrets au plan large.

Nouveau Monde éditions, Paris, 2016, 462 pages, 24,- euros.

ISBN : 978-2-36942-400-0.

Services secrets
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21 mars 2016 1 21 /03 /mars /2016 06:00

NSA

National Security Agency

Claude Delesse

Le livre commence par les premières divulgations d'Edward Snowden en 2013, puis nous présente un tableau aussi complet que possible de l'histoire et des activités de la NSA.

Le plan est thématique. La première partie nous raconte l'histoire de l'organisation depuis sa création pendant la Seconde guerre mondiale, du développement de ses capacités techniques et au fil des conflits successifs (Corée, Vietnam, Amérique centrale, Irak, Afghanistan). La seconde entre (autant que possible) dans le détail de son fonctionnement et de son l'organisation, avec ses principaux responsables connus, ses textes de référence, son déploiement territorial planétaire, "l'affaire Echelon" et ses partenariats anglo-saxons et une orientation croissante vers les questions industrielles et privées. La troisième partie, sous le titre "Dérives et paranoÏas", nous parle des ambitions qui se font jour après les événements de 2001 dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme", au nom de laquelle les dirigeants de la NSA, couverts par les responsables politiques au plus haut niveau, bénéficient de financements toujours accrus et s'affranchissent de (presque) tout cadre légal et réglementaire, au nom de l'efficacité et de la protection du secret. La quatrième enfin ratisse largement dans le champ des relations internationales discrètes, voires troubles, qu'il s'agisse des alliés traditionnels de la NSA, des rapports plus ambigus avec Israël et la France, de l'espionnage économique au bénéfice des seuls intérêts américains et de tout l'immense domaine du cyber, où l'agence est pionnière. En conclusion, une ouverture sur les adversaires de la NSA (Chine, Iran, Corée du Nord) et sur le renforcement des moyens israéliens et français. Puisque "les USA s'arrogent le droit d'espionner sans retenue pour assurer l'ambition démesurée de répandre leurs valeurs à l'échelle de la planète", étroitement liée à des sociétés privées "motivées par le patriotisme comme par l'appât du gain", la NSA fait fantasmer dans les rédactions.

Pour reprendre la formule gaulliste, "un pays digne de ce nom n'a pas d'amis mais des alliés", ce qui n'est pas tout-à-fait la même chose. Connaître une telle organisation est donc important et lire ce livre ne l'est pas moins.

Tallandier, Paris, 2016, 512pages. 23,90 euros.

ISBN : 979-10-210-0863-2.

La grande agence américaine
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8 octobre 2015 4 08 /10 /octobre /2015 06:00

Guerre des services spéciaux en Afrique du Nord

Olivier Lahaie

Spécialiste reconnu des questions de renseignement militaire, Olivier Lahaie nous raconte (après les mémoires du général Dupont, de la Grande Guerre, ici) la vie, ou plutôt une partie de la vie, du général Chrétien, à travers l'entre-deux-guerres et surtout la Seconde guerre mondiale.

L'auteur retrace de manière originale la carrière de cet officier général, en travaillant à partir des souvenirs dactylographiés de Jean Chrétien, conservés à Vincennes et très largement cités, et en les complètant avec d'autres archives et témoignages. La première partie nous présente donc les années 1920-1930, avec un focus particulier sur la proximité du général avec la Cagoule, tandis que les deux suivantes traitent des années 1940-1944, durant lesquelles Jean Chrétien exerce des responsabilités très politiques à Alger où il a été affecté en décembre 1940. Son poste d'observation est alors exceptionnel, puisqu'il prend en charge les services de contre-espionnage. On en apprend ainsi beaucoup sur les bureaux des "menées antinationales" et leurs actions à l'égard des Allemands et des Italiens, sur Weygand en Afrique du Nord, sur la perception de l'opération Torch et les suites du débarquement américain, sur les ambiguités de Darlan, sur la création du CFLN puis les combats de la libération. Au fil des pages et des chapitres, tous les personnages importants de l'époque, célèbres ou moins connus, passent à tout de rôle, leur rôle ponctuel est précisé, leur portrait tracé, autant d'éléments qui complètent très utilement notre connaissance de la période et des événements cahotiques qui s'y succèdent.

Un volume particulièrement intéressant, qui apporte des informations complémentaires (ou parfois corrige) par rapport aux témoignages déjà publiés et qui passionnera aussi bien ceux qui souhaitent en connaître plus sur la France des années noires que ceux qui privilégient les questions de contre-espionnage au sens large.

Histoire & Collections, Paris, 2015, 229 pages, 22,- euros.

ISBN : 978-2-35250-314-9.

Alger, nid d'espions
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7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 06:00

La véritable histoire de

l'Orchestre Rouge

Guillaume Bourgeois

Une ample étude qui démonte en quelque sorte ce que l'auteur considère visiblement comme une légende de la Seconde guerre mondiale : l'histoire du réseau soviétique de l'Orchestre Rouge.

Soyons totalement honnêtes : le parcours est compliqué, et entre les agents doubles ou triples, les inévitables pseudonymes et archives plus ou moins complètes, une part reste laissée à l'interprétation. Il n'empêche. Guillaume Bourgeois nous explique tout "simplement" que le célébrissime Orchestre Rouge, l'extraordinnaire organisation de renseignement de Staline à l'Ouest n'aurait été qu'une reconstruction ultérieure. Non seulement Léopold Trepper a réussi l'exploit de transformer un mensonge en légende "assimilée en tant que fragment d'histoire", mais il a été "faible et lâche" face à la Gestapo, et sa biographie compte "des passages entièrement imaginaires". Un monde s'écroule ! Le livre est construit en sept grandes parties chronologiques, qui nous entraînent des origines de Trepper à la création du réseau entre la France et la Belgique, à la réalité de son action, au piège tendu par les Allemands et au retournement du chef de réseau. Puis, ce sont les arrestations rapides, (on note cependant des contradictions dans les témoignages des officiers allemands) et le démentèlement de l'appareil clandestin du PCF (avec toujours une accumulation de pseudos qui exige parfois de revenir en arrière pour se souvenir de "qui est qui"), en particulier celui de ses opérateurs radio. Rentré à Moscou aux premiers jours de l'année 1945 après avoir échappé à la vigilance de la résistance, il est interrogé par le GRU et disparaît provisoirement. Il réapparaît au milieu des années 1950 pour construire sa légende, désormais "compatible" avec le régime soviétique post-Staline.

Dans l'équivalent d'une dernière partie, l'auteur présente les sources sur lesquelles il a travaillé : russes, allemandes, britanniques, américaines, françaises : "la profusion et la nouveauté des sources incitaient à nous livrer à une déconstruction presque complète de l'histoire dite de l'Orchestre rouge et à la rectifier en suivant les méthodes traditionnelles de critique des documents, de respect de la chronologie et de la logique des faits". C'est quand même le dernier point qui, ponctuellement, pose question,l'interprétation même "logique" compensant toujours difficilement le manque de documents sur ce type d'étude. Un délicat travail de puzzle, car il est vrai que durant cette période et dans ce milieu, la priorité n'était pas de constituer des archives d'une part et que ce livre est tiré d'une HDR, ce qui est une référence. En tout état de cause, un ouvrage à connaître absolument par tous ceux qui s'intéressent aux questions d'espionnage et à l'histoire de la Seconde guerre mondiale.

Nouveau Monde éditions, Paris, 2015, 582 pages, 24,- euros.

ISBN : 978-2-36942-067-5.

Remise en cause
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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 06:00

J'étais l'agent de Staline

Walter Krivitsky

Voici la réédition d'un livre assez exceptionnel. Juif polonais entré en bolchevisme comme on entre en religion dès 1917, Walter Krivitsky devient à partir du milieu des années 1930 l'un des principaux agents de Staline en Europe de l'Ouest, et il est au premier rang des opérations du Komintern jusqu'à la fin de 1938. Ce livre de souvenirs est publié aux Etats-Unis en 1939 et l'auteur est mystérieusement retrouvé mort dans une chambre d'hôtel  en 1941.

Dans son introduction, Walter Krivitsky explique pourquoi il a fait défection, revient sur les liens entre l'Allemagne, de Weimar puis nazie, et l'Union soviétique (son récit donne parfois ici l'impression d'être partial, ou partiel, par méconnaissance de certains événements intérieurs). Le livre est divisé en huit chapitres chronothématiques, allant des généralités (chap. 1 et 2) à des sujets particuliers : "La fin de lInternationale communiste", "La main de Staline en Espagne", "Staline fabrique des dollars", "Le Guépéou", "Pourquoi Staline fit fusiller ses généraux", etc. Il faudrait plusieurs pages pour présenter tous les exemples, tous les arguments, que l'auteur donne sur les manoeuvres et manipulations de Staline et les basses oeuvres du Guépéou, mais soyez persuadés que chaque chapitre se "dévore" littéralement. Le récit est vif, les dialogues restitués (reconstitués ?) passionnants, les dessous de l'action du Komintern et les choix politiques de Staline souvent dévoilés (quelques perles, comme la création d'une entreprise "privée" dans l'URSS des années 1930 pour l'exportation d'armes et munitions !). Bien sûr, chacun remettra aussi ce texte dans son contexte et replacera l'auteur dans la situation qui était matériellement la sienne lorsqu'il l'a écrit. Tout part et revient à Staline, véritable 'deus ex machina' malfaisant, ce qui est sans doute en grande partie vrai, mais est ici absolument systématique : à propos de la fabrication de faux billets de 100 $ : "Le fait est que Staline créa et dirigea cette entreprise de contrefaction" ; à propos de la guerre civile espagnole et des brigades internationales : "L'URSS envoya en Espagne, comme soldats, des détachements de communistes étrangers, hors-la-loi dans leurs pays, et qui s'étaient réfugiés en Russie. Staline était heureux de s'en débarasser" ; à propos des grandes purges dans l'Armée rouge : "Staline savait qu'il n'amènerait jamais Toukhatchevski, Gamarnik, Yakir, Ouborevitch et les autres chefs, à cet état d'obéissance passive qu'il exigeait de tout son entourage" ; etc. A chaque page, la personnalité de Staline est centrale et sa responsabilité absolue. Si le livre est (semble) globalement honnête, le fond du dossier est visiblement à charge. "Amoureux déçu" de l'URSS révolutionnaire, Walter Krivitsky dit sans aucun doute sur la majorité des points la vérité. Sur quelques autres, le doute est permis.

A lire, à conserver, et au hasard d'autres ouvrages à vérifier, autant que possible.

Nouveau Monde éditions, Paris, 2015, 263 pages, 19,90 euros.

ISBN : 978-2-36942-198-6.

Premier grand transfuge
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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 06:00

Renseignement et éthique

Le moindre mal nécessaire

Patrick Klaousen et Thierry Pichevin (Dir.)

Un livre ambitieux, car il s'attaque à un sujet sur lequel (presque par nature) chacun a une opinion bien tranchée, qui oppose généralement les deux termes du titre. Et en se plaçant à la fois sur les plans de l'efficacité, de la morale et des règles de droit, les auteurs ne se facilitent pas le travail.

Affirmant dès l'introduction que dans les pays européens "les missions, méthodes, et moyens mis en oeuvre par les services de renseignement sont étroitement encadrés par le droit national de leurs Etats respectifs", les auteurs s'interrogent sur la "place pour le questionnement éthique dans la conduite de l'activité des services de renseignement". Ils n'hésitent d'ailleurs pas à répondre : "assurément oui". Après une assez longue introduction qui pose les définitions, le livre est organisé en trois grandes parties thématiques : "L'éthique dans le traitement de la source (HUMINT)", "La torture, ou le traitement de la source au mépris de l'éthique" et "L'éthique et la gouvernance des services de renseignement". Au fil des chapitres, au confluent de l'histoire opérationnelle, des règles de droit et des questions morales, les auteurs abordent tous les sujets liés au recrutement et au traitement d'un agent (dont le mensonge, les manipulations, l'argent versé, etc., avec des focus sur les domaines diplomatiques et économiques ; s'interrogent sur le recours à la torture dont il retrace l'historique et les échecs ; précisent le dispositif légal (avec ses limites et parfois son incohérence) qui entoure l'action de ces services, y compris les autorités dites "indépendantes", allant jusqu'à aborder le thème récent de la "reconversion" des agents dans le secteur privé ou la question des limites éventuelles à l'emploi de matériels techniques sophistiqués (mais interdits). Illustré par de nombreuses références au passé, accompagné par une bibliographie de référence à la fin de chaque partie, complété par de nombreuses notes de bas de page, le livre est tout à fait intéressant, même si certaines pages sont parfois un peu "techniques". Un mal nécessaire ou un obstacle à l'efficacité ? Les auteurs font visiblement preuve d'optimisme. La réalité correspond-t-elle à cette analyse ? 

Editions Lavauzelle, Panazol, 2014, 332 pages, 24 euros.

ISBN : 978-2-7025-1620-1.

Contradiction apparente ?
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29 septembre 2014 1 29 /09 /septembre /2014 05:50

Kim Philby

L'espion qui trahissait ses amis

Ben Macintyre

Bien connu pour ses publications antérieures (cf. Les espions du débarquement), dans un style agréable et avec visiblement une excellente connaissance du dossier, Ben Macintyre nous propose aujourd'hui un ouvrage à la fois important et atypique. Il s'intéresse (après plusieurs autres) au célèbre espion britannique Kim Philby, mais le fait sous l'angle de l'histoire d'une amitié.

Il précise honnêtement dans l'avant-propos que que la modestie des sources fiables l'a obligé à faire des choix : "le contenu des pages qui suivent n'est pas une science exacte , mais se rapproche le plus de l'histoire telle qu'elle m'est apparue". L'histoire commence en 1939 avec Nicholas Elliott et la description d'un environnement et d'un réseau particulier (celui d'une partie de l'establishment britannique) dans lequel va essentiellement évoluer ensuite son ami Philby. Des premiers jours de la Seconde guerre mondiale à la guerre froide, nous suivons ainsi Philby non seulement dans ses actions mais aussi dans son milieu, au ministère des Affaires étrangères, avec ses camarades, pendant la Seconde guerre mondiale puis ensuite au début de la guerre "froide", nous voyons les services britanniques avoir des soupçons, le MI5 s'opposer au MI6 et tenter d'identifier le traître, les doutes de nombreux responsables ("Philby ne pouvait pas être un traître"), les désaccords entre les deux services de renseignement (qui correspondent aussi à une différence de constitution sociologique et d'état d'esprit général), les amis qui restent et ceux qui s'éloignent, les difficultés quotidiennes du héros déchu, les officiers traitants soviétiques et les malheurs de sa femme. Un ultime poste à Beyrouth comme "journaliste", simple étape finalement dans la descente aux enfers. Au passage, une audacieuse opération imaginée par Elliott à l'occasion de la visite en Grande Bretagne de Khrouchtchev à la fin des années 1950. Et une dernière rencontre entre Elliott et Philby, tendue, avant une exfiltration dans l'urgence vers l'Union soviétique, où il va mourrir quelques années plus tard.

Un récit parfois haletant, souvent surprenant, toujours intéressant et d'une lecture aisée. Une approche originale du "maître-espion".

Ixelles éditions, Paris, 2014, 399 pages. 23,90 euros.

ISBN : 978-2-87515-227-5.

Maître-espion
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24 mai 2014 6 24 /05 /mai /2014 06:25

Les services secrets israéliens

Eric Denécé et David Elkaïm

Partant du constat que le renseignement est "l'assurance-vie de l'Etat hébreu", les deux auteurs dressent un complet extrêmement complet de l'organisation et des missions de la communauté du renseignement israélien.

Ils s'intéressent ainsi tour-à-tour au Shin Beth (sécurité intérieure et contre-espionnage, ministère de la Sécurité publique), à Aman (renseignement militaire), au Mossad (renseignement et action à l'étranger, relève du Premier ministre), à Sayeret (unité de reconnaissance et d'action spéciale du chef d'état-major de l'armée), au Shabak (service action agissant dans les pays voisins), ou à l'unité 8200 (interception des communications adverses, surveillance d'internet et cyberguerre). Après avoir présenté la situation stratégique d'Israël et les menaces qui pèsent sur le pays, ils reprennent l'historique des principales formations dont ils décrivent l'organisation générale, les modalités de recrutement, la formation, etc. Ils multiplient également les exemples d'opérations conduites au fil du temps (au Liban et dans l'ensemble du Moyen-Orient en particulier), dont un pourcentage important dans la période 1980-2000. Ils expliquent et justifient l'action de ces services (armement syrien, attentats du Hezbollah, etc.), dont ils soulignent cependant quelques "dérives" et les "états d'âme" au cours des dernières années. Les dernières parties sont essentiellement consacrées à la lutte contre les Iraniens et leur programme nucléaire.

Le livre est solide, soigneusement référencé et se lit avec aisance : "Les héros des guerres futures d'Israël ne seront pas des équipages de chars Merkava, des fantassins couverts de poussière ou des pilotes survolant le Proche-Orient à Mach 2. Ce seront d'abord les geeks technophiles et les pirates informatiques de l'Unité 8200, bombardant leur patron d'idées, lançant le développement de nouveaux logiciels et de nouveaux systèmes électroniques". Mais l'environnement est tel que, pour reprendre les derniers mots de l'ouvrage, "le Shin Beth, Aman et le Mossad ont de belles années devant eux"...

Tallandier, Paris, 2014, 396 pages. 21,50 euros.

ISBN : 979-10-210-0163-3.

Le Mossad et les autres
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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 06:25

Le grand sacrifice

Daniel Hervouët

Il ne s'agit absolument pas d'un livre d'histoire, mais d'un pur roman. Toutefois, il est rédigé par un contrôleur général, spécialiste des questions de renseignement, et, si l'histoire en tant que telle peut paraître compliquée, ou si les traits de quelques personnages semblent caricaturaux, Entre agents secrets, analystes, petits malfrats, hackers, terroristes, un maëlström de violence dans un cadre espace-temps limité (Paris et proche banlieue -même si on évoque aussi l'extrême-Orient et le Moyen-Orient- pendant une dizaine de jours) et sur fond de crise moyen-orientale.  A un rythme élevé,  se succèdent les coups pervers et les coups de billard (par les bandes). Finalement, l'affaire (on vous laisse le soin de découvrir le scénario du thriller) se termine au palais de l'Elysée, sur la satisfaction d'un président après une déclaration diplomatique de pure forme à l'ONU, faisant dire à l'un des héros : "Je ne crois pas un mot de son discours. Il endort nos politiques qui ne demandent que ça. Daladier et Chamberlain à Munich ! Encore une minute monsieur le bourreau". Au fil des pages, quelques éléments à décrypter sur le fonctionnement des hautes sphères de l'Etat. Rien d'exceptionnel cependant, on sait bien que certaines valeurs sont incompatibles...

A lire tranquillement aux beaux jours, un verre à la main, à l'ombre d'une tonnelle.

Editions du Rocher, Monaco, 2014, 391 pages. 23,90 euros.

ISBN : 978-2-268-07604-1.

Roman
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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 06:20

Des services secrets pour la France

Du Dépôt de la Guerre à la DGSE (1856-2013)

Gérald Arboit

Voici une mise en perspective de plus de 150 ans d'histoire des services de renseignement français.

C'est à partir de la guerre de Crimée que s'élabore une réflexion d'ensemble qui donnera ensuite naissance aux services de renseignement français sous leur forme moderne et le premier chapitre s'attache à décrire la situation initiale, telle qu'elle existe au milieu du XIXe s. Puis, en 10 chapitres chronologiques, Gérald Arboit reconstitue et détaille toute l'histoire et les évolutions de ces services jusqu'aux plus récentes. Les amateurs y découvriront le rôle important de la section des statistiques du Dépôt de la guerre, puis, après la guerre de 1870-1871, des historiens et géographes de l'état-major. Le colonel, puis général, Lewal donne à cette époque une impulsion décisive au service naissant. Dès l'origine, l'auteur souligne les questions (néfastes mais récurrentes) de politisation et d'implication diplomatique, le développement du rôle des attachés militaires et leur statut particulier, la place des autres ministères, tout en évaluant la pertinence du travail effectué, mais aussi les insuffisances. Les grandes ruptures ou les grands événements historiques (affaire Dreyfus, la Grande Guerre, la Seconde guerre mondiale, les guerres coloniales, la guerre froide, le terrorisme) scandent ensuite tout le récit et nous connaissons ainsi non seulement les réussites mais aussi les échecs, les adaptations nécessaires, les dérives qui jalonnent l'histoire des services, et la concurrence entre organismes différents qui devraient pourtant coopérer. On observe aussi cette vieille réalité : quelle que soit l'efficacité des services, encore faut-il que les chefs opérationnels acceptent les conclusions que présentent les chefs des S.R. ...

Tout est scrupuleusement référencé et l'on apprécie le nombre et la qualité des notes de bas de page. Une excellent analyse historique des services français, un travail de fond indispensable à tous ceux qui s'intéressent à ces questions.

CNRS Editions, Paris, 2014, 444 pages, 25 euros.
ISBN : 978-2-271-07886-5.

Histoire des services français
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Qui Suis-Je ?

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  • : Guerres et conflits XIXe-XXIe s. se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la « dictature des commémorations », nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.
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Cafés historiques de La Chouette

Prochaine séance : pour la rentrée de septembre. Le programme complet sera très prochainement mis en ligne.

Publications personnelles

Livres

 

doumenc-copie-1.jpgLa Direction des Services automobiles des armées et la motorisation des armées françaises (1914-1918), vues à travers l’action du commandant Doumenc

Lavauzelle, Panazol, 2004.

A partir de ma thèse de doctorat, la première étude d’ensemble sur la motorisation des armées pendant la Première Guerre mondiale, sous l’angle du service automobile du GQG, dans les domaines de l’organisation, de la gestion et de l’emploi, des ‘Taxis de la Marne’ aux offensives de l’automne 1918, en passant par la ‘Voie sacrée’ et la Somme.

 

La mobilisation industrielle, ‘premier front’ de la Grande Guerre ? mobil indus

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2005 (préface du professeur Jean-Jacques Becker).

En 302 pages (+ 42 pages d’annexes et de bibliographie), toute l’évolution industrielle de l’intérieur pendant la Première Guerre mondiale. Afin de produire toujours davantage pour les armées en campagne, l’organisation complète de la nation, dans tous les secteurs économiques et industriels. Accompagné de nombreux tableaux de synthèse.

 

colonies-allemandes.jpgLa conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2006 (préface du professeur Jacques Frémeaux).

Au début de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand est de création récente. Sans continuité territoriale, les différents territoires ultramarins du Reich sont difficilement défendables. De sa constitution à la fin du XIXe siècle à sa dévolution après le traité de Versailles, toutes les étapes de sa conquête entre 1914 et 1918 (388 pages, + 11 pages d’annexes, 15 pages de bibliographie, index et cartes).

 

 caire damasDu Caire à Damas. Français et Anglais au Proche-Orient (1914-1919)

 14/18 Editions, Saint-Cloud, 2008 (préface du professeur Jean-Charles Jauffret).

Du premier au dernier jour de la Grande Guerre, bien que la priorité soit accordée au front de France, Paris entretient en Orient plusieurs missions qui participent, avec les nombreux contingents britanniques, aux opérations du Sinaï, d’Arabie, de Palestine et de Syrie. Mais, dans ce cadre géographique, les oppositions diplomatiques entre ‘alliés’ sont au moins aussi importantes que les campagnes militaires elles-mêmes.

 

hte silesieHaute-Silésie (1920-1922). Laboratoire des ‘leçons oubliées’ de l’armée française et perceptions nationales

‘Etudes académiques », Riveneuve Editions, Paris, 2009.

Première étude d’ensemble en français sur la question, à partir du volume de mon habilitation à diriger des recherches. Le récit détaillé de la première opération civilo-militaire moderne d’interposition entre des factions en lutte (Allemands et Polonais) conduite par une coalition internationale (France, Grande-Bretagne, Italie), à partir des archives françaises et étrangères et de la presse de l’époque (381 pages + 53 pages d’annexes, index et bibliographie).

 

cdt armee allde Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général von Falkenhayn 

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Le texte original de l’édition française de 1921 des mémoires de l’ancien chef d’état-major général allemand, accompagné d’un dispositif complet de notes infrapaginales permettant de situer les lieux, de rappeler la carrière des personnages cités et surtout de comparer ses affirmations avec les documents d’archives et les témoignages des autres acteurs (339 pages + 34 pages d’annexes, cartes et index).

 

chrono commChronologie commentée de la Première Guerre mondiale

Perrin, Paris, 2011.

La Grande Guerre au jour le jour entre juin 1914 et juin 1919, dans tous les domaines (militaire, mais aussi politique, diplomatique, économique, financier, social, culturel) et sur tous les fronts. Environ 15.000 événements sur 607 pages (+ 36 pages de bibliographie et d’index).

 

 Les secrets de la Grande Guerrecouverture secrets

Librairie Vuibert, Paris, 2012.

Un volume grand public permettant, à partir d’une vingtaine de situations personnelles ou d’exemples concrets, de remettre en lumière quelques épisodes peu connus de la Première Guerre mondiale, de la question du « pantalon rouge » en août 1914 à l’acceptation de l’armistice par von Lettow-Vorbeck en Afrique orientale, après la fin des hostilités sur le théâtre ouest-européen.

 

Couverture de l'ouvrage 'Mon commandement en Orient'Mon commandement en Orient, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général Sarrail

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2012

Le texte intégral de l'édition originale, passé au crible des archives publiques, des fonds privés et des témoignages des acteurs. Le récit fait par Sarrail de son temps de commandement à Salonique (1915-1917) apparaît véritablement comme un exemple presque caricatural de mémoires d'autojustification a posteriori

 

 

Coordination et direction d’ouvrages

 

Destins d’exception. Les parrains de promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

SHAT, Vincennes, 2002.

Présentation (très largement illustrée, 139 pages) des 58 parrains qui ont donné leur nom à des promotions de Saint-Cyr, entre la promotion « du Prince Impérial » (1857-1858) et la promotion « chef d’escadrons Raffalli » (1998-2001).

 

fflLa France Libre. L’épopée des Français Libres au combat, 1940-1945

SHAT, Vincennes et LBM, Paris, 2004.

Album illustré présentant en 191 pages l’histoire et les parcours (individuels et collectifs) des volontaires de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.

 

marque courageLa marque du courage

SHD, Vincennes et LBM, Paris, 2005.

Album illustré présentant en 189 pages l’histoire des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire, à travers une succession de portraits, de la Première Guerre mondiale à la Bosnie en 1995. L’album comporte en annexe une étude sur la symbolique, les fourragères et la liste des unités d’active décorées.

 

  90e anniversaire de la Croix de guerre90-ANS-CROIX-DE-GUERRE.jpg

SHD, Vincennes, 2006.

Actes de la journée d’études tenue au Musée de l’Armée le 16 novembre 2005. Douze contributions d’officiers historiens et d’universitaires, français et étrangers, de la naissance de la Croix de guerre à sa perception dans la société française, en passant les décorations alliées similaires et ses évolutions ultérieures.

 

france grèceLes relations militaires franco-grecques. De la Restauration à la Seconde guerre mondiale 

SHD,Vincennes, 2007.

Durant cette période, les relations militaires franco-grecques ont été particulièrement intenses, portées à la fois par les sentiments philhellènes qui se développent dans l’hexagone (la France est l’une des ‘Puissances protectrices’ dès la renaissance du pays) et par la volonté de ne pas céder d’influence aux Anglais, aux Allemands ou aux Italiens. La campagne de Morée en 1828, l’intervention en Crète en 1897, les opérations en Russie du Sud  en 1919 constituent quelques uns des onze chapitres de ce volume, complété par un inventaire exhaustif des fonds conservés à Vincennes.

 

verdunLes 300 jours de Verdun

Editions Italiques, Triel-sur-Seine, 2006 (Jean-Pierre Turbergue, Dir.).

Exceptionnel album de 550 pages, très richement illustré, réalisé en partenariat entre les éditions Italiques et le Service historique de la Défense. Toutes les opérations sur le front de Verdun en 1916 au jour le jour.

 

DICO-14-18.jpgDictionnaire de la Grande Guerre

(avec François Cochet), 'Bouquins', R. Laffont, 2008.

Une cinquantaine de contributeurs parmi les meilleurs spécialistes de la Grande Guerre, 1.100 pages, 2.500 entrées : toute la Première Guerre mondiale de A à Z, les hommes, les lieux, les matériels, les opérations, les règlements, les doctrines, etc.

 

fochFerdinand Foch (1851-1929). Apprenez à penser

(avec François Cochet), 14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Actes du colloque international tenu à l’Ecole militaire les 6 et 7 novembre 2008. Vingt-quatre communications balayant tous les aspects de la carrière du maréchal Foch, de sa formation à son héritage dans les armées alliées par des historiens, civils et militaires, de neuf nations (461 pages + 16 pages de bibliographie).

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