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4 juin 2016 6 04 /06 /juin /2016 06:00

La préparation du soldat à la guerre

par le capitaine J.F.C. Fuller

Olivier Entraygues

Indiscutable spécialiste français de la carrière et de la pensée du major-général Fuller, Olivier Entraygues poursuit ses travaux pour nous en faire découvrir la richesse et la complexité. Avec ce nouveau volume, il nous présente, remet en contexte et commente l'un des premiers écrits majeurs du théoricien britannique, consacré à la formation des soldats.

L'ouvrage se divise en deux grandes parties, la première ("L'avant-guerre comme matrice", sur une soixantaine de pages) étant consacré à resituer le parcours de Fuller au sein de l'armée anglaise au tournant des XIXe et XXe siècles et à expliquer le contexte dans lequel il fait ses propositions. La seconde est en fait constituée par le texte rédigé par le penseur anglais (Training Soldiers for War) complété (au moins au début) de nombreuses et utiles notes de bas de page. En une série de rapide chapitres thématiques, Fuller part du point d'observation le plus élevé ("Le moral", "La psychologie de l'esprit", etc.) pour arriver progressivement (logiquement) aux qualités foncières ("La confiance, "La discipline", "L'initiative"), puis aux modalités pratiques de cette formation ("Cours magistraux", "Entraînement physique", "Exercices", etc.). C'est donc un véritable vade-mecum de la formation des soldats et officiers qui nous est proposé, et il faut souligner que les conseils de Fuller sont souvent frappés du sceau du bon sens, de l'expérience, de la pertinence, du souci de l'efficacité. Le rôle de l'encadrement "de contact" est souligné à plusieurs reprises, ainsi que cette vérité bien connue des praticiens : "Pour être capable d'instruire un coldat, il faut au préalable le comprendre". L'exemplarité du comportement, la valeur du travail, la force de caractère, l'adhésion aux valeurs communes les plus nobles, sont fréquemment évoqués, et cette phrase exceptionnelle, qui n'est pas sans rappeler notre définition de la discipline intellectuelle : "L'initiative n'est rien d'autre qu'une forme d'obéissance au lieu d'en être la négation. Faire acte d'initiative, c'est obéir d'avance à l'ordre que l'on recevrait infailliblement si le chef était sur place au lieu d'être éloigné", c'est avoir compris les ordres reçus dans leur esprit au moins autant que dans la lettre.

Certaines prescriptions sont bien sûr connotées, puisque le texte a été rédigé au début du XXe siècle, mais l'ensemble mérite très largement d'être connu de tous ceux qui aujourd'hui ont une responsabilité d'encadrement et de formation. Un volume dont on pourrait dire qu'il est indispensable de le lire posément, de le mûrir et de le réfléchir.

Le Polémarque, Nancy, 2016, 242 pages, 15,- euros.

ISBN : 979-10-92525-06-9.

Importance majeure de la formation
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3 juin 2016 5 03 /06 /juin /2016 06:00

Médecin de guerre

de l'Afghanistan à Paris

Elie Paul Cohen

Le livre est d'autant plus intéressant qu'il a été écrit par un "médecin civil, fanatiquement antimilitariste, naïf et stupidement très idéaliste, qui, en 2009, s'est ironiquement retrouvé militaire dans l'armée française, à un âge improbable pour quelqu'un de normal". Une aventure humaine et personnelle atypique donc, mais au coeur des préoccupations et des difficultés de la lutte anti-Taliban en Afghanistan aussi bien que du rôle du Service de santé.

Elie Paul Cohen (issu d'une famille de juifs d'Algérie, pp. 30-37, à la double nationalité française et britannique) a presque cinquante ans quand il est recruté pour servir en détachement "seul Français au milieu de vingt-huit mille soldats anglophones, à Camp Bastion", afin de se "former aux méhodes anglo-saxonnes de prise en charge des polytraumatisés de guerre, et en ramener l'expérience au service de santé de notre armée". Après une rapide mais complète préparation à sa future mission (détaillée dans les chapitres 6 à 8), le tout nouveau médecin "militaire" débarque en Asie centrale, et son vol puis son arrivée sur le territoire sont l'occasion d'une assez longue introspection sur son parcours antérieur et son histoire, personnelle comme familiale. Le récit du séjour en Afghanistan commence ainsi à partir des pages 111/119 et s'ouvre sur l'arrivée à Kandahar. Elie Paul Cohen souligne à plusieurs reprises la nécessité de se prendre en charge lui-même à l'occasion d'une mission atypique, "plus politique que militaire", et souligne l'importance du "Système D" à la française. Une réalité décidemment récurrente... La description du camp anglo-américain et de son hôpital (réplique exacte de l'hôpital de York !) est très intéressante. La logistique y "est impressionnante, basée sur un principe essentiel : la vitesse d'exécution". L'auteur décrit ensuite le déroulement de sa mission, y compris des interventions sur le terrain ("La partie est difficile et demande une subtilité que les Texans ne cultivent pas toujours", selon l'un de ses interlocuteurs britanniques), et explique avec un vrai souci du détail la procédure suivie pour sauver les blessés dans le cadre du Damage Control Surgery : "Plus mon séjour à Camp Bastion avance, mieux je comprends le rôle que l'armée française m'a demandé de jouer. Je suis immergé dans un véritable laboratoire de médecine de guerre". Il souligne combien "la vie d'un combattant est précieuse" et les problèmes éthiques qui surgissent à l'occasion de ces "guerres sans front". Il termine en évoquant les réponses médicales aux attentats terroristes ultérieurs, inspirées de son rapport sur les innovations de l'armée britannique.

Un témoignage sur une expérience tout-à-fait originale, sans doute non directement comparable à d'autres séjours de personnels du SSA en Afghanistan, mais dense et riche.

Le Passeur éditeur, Paris, 2016, 239 pages. 17,90 euros.

ISBN : 978-2-36890-447-3.

Urgentiste en Afghanistan
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31 mai 2016 2 31 /05 /mai /2016 06:00

Petit abécédaire de la vie militaire

Hugues Vial

En trois volumes d'un peu moins de 200 pages, l'auteur nous propose de retrouver l'origine et le sens de certains mots qui ont été (et parfois sont encore) fréquemment en usage dans les armées. Comme le souligne le chef d'état-major de l'armée de Terre dans son introduction, il "offre au lecteur, qu'il soit expert ou novice de la chose militaire, l'assurance d'un excellent moment".

Institutions, grades, fonctions, cérémonial

De A comme "adjudant" (l'officier en second, celui qui aide), à Z comme "Zouave" (y compris pontificaux), ce volume nous invite à (re)découvrir l'origine et les évolutions d'un large panel de mots liés aux sujets institutionnels. Autant que possible, l'auteur nous en donne également l'étymologie. Si les origines latines sont nombreuses, on note la présence de nombreux mots d'origine italienne ou germanique (fin du Moyen-Âge et Renaissance en particulier), mais aussi nord-africaine, ce qui n'est pas surprenant au regard de notre histoire militaire. Plus étonnant, l'origine du mot "vaguemestre" : "Avant de désigner le préposé du service postal (début du XIXe siècle), le vaguemestre est au XVIIe siècle l'officier chargé de la circulation des convois militaires. Le terme vient du néerlandais 'wagenmeester', littéralement : maître des voitures". Hugues Vial en profite également, souvent, pour souligner les expressions dérivées ou argotiques propres à la vie interne de la communauté militaire : si "fayot vient du provençal faiol ou fayol (XVe siècle)", l'expression "la fin des haricots" est bien d'origine militaire pour marquer "l'épuisement des vivres".

Champ de bataille

Le principe retenu est bien sûr le même, de A comme "Abri" à V comme "Victoire". On y apprend par exemple que l'étymologie de "Tuer" est incertaine, que les Anglo-Saxons utilisent le "Walkie-Talkie" au lieu et place du "Talkie-Walkie" français, que la "Guitoune" prend son sens actuel sous le Second empire à partir de l'arabe "qaitun" (de même de "Chouf", venu de l'arabe "Choufa" pour désigner l'action du guetteur), ou qu'une "Echauffourée" "fait référence au travail du 'chaufournier', chargé d'alimenter et d'entretenir les fours à chaux", le sens militaire prenant celui de brièveté.

Armes, équipements et uniformes

De A comme "Affut" et "Alidade" à Z comme "Zinc", nous rentrons essentiellement avec ce volume dans le monde du matériel et de la technique, en passant par la boussole, la carabine, le dolman, la gourde, le havresac, etc. On y apprend par exemple que la "Fourragère" a d'évidence la même racine que le fourrage pour les chevaux ("La fourragère est au XVIe siècle une cordelette que portent à l'épaule les dragons autrichiens de façon à pouvoir constituer aisément une botte de foin ou de paille pour leur monture"), mais signifie aussi au XIe siècle "se livrer au pillage". Nous sommes alors loin du sens des XIXe et XXe siècles. De même, l'origine de "Musette", "le sac de toile où le soldat range indifféremment son casse-croûte, ses grenades ou son bâton de maréchal", est à rechercher "par analogie de taille et de forme" dans un instrument de musique du XVIIe siècle.

Au bilan, un ensemble plaisant et instructif. Il n'est bien sûr pas question de lire ces ouvrages de la première à la dernière ligne d'une traite et dans l'ordre, mais il faut prendre le temps de musarder d'un volume à l'autre, d'une page à l'autre, progressivement, au hasard des idées, des interrogations et des coups de coeur. On apprécie enfin l'index final qui, pour chaque volume, liste les mots présentés dans les trois tomes.

Editions Pierre de Taillac, Paris, 2016. 12,90 euros le volume.

ISBN : 978-2-36445-071-4, 978-2-36445-072-1, et 978-2-36445-070-7.

Vocabulaire
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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 06:00

Nos armées au temps de la Ve République

Général Michel Forget

Un véritable hommage aux armées françaises de la Ve République, en en brossant dans le détail le tableau depuis la fin de la guerre d'Algérie.

Le livre est divisé en trois grandes parties chrono-thématiques, les chapitres étant scandés par les présidences successives, ce qui correspond logiquement à la plus haute responsabilité du chef de l'Etat : "Nos armées au temps de la guerre froide" (De Gaulle à Mitterrand), "Vers la professionnalisation" (années 1990), "La crise : les armées dans la tourmente" (présidences Sarkozy et Hollande). Le bilan des années 1960 et des fondamentaux posés par le général De Gaulle est bien précisé, tout comme l'extraordinaire cohérence qui, durant de longues années, marquent la politique militaire de la France. La place et les idées principales des livres blanc successifs sont rappelés, ce qui replace toujours les évolutions étudiées dans le contexte géopolitique du moment. L'évolution atlantiste et otanienne de la politique du président Sarkozy est clairement sulignée, même si l'auteur n'émet que fort peu de critiques (les inconvénients sont cependant signalés pp. 110-113). La dernière partie, consacrée aux restrictions successives et permanentes des dernières années, est plus sévère, tout en soulignant la qualité intrinsèque individuelle et collective des armées, puisqu'elles parviennent néanmoins à remplir les missions fixées même si c'est de plus en plus difficile en raison d'un format insuffisant. Il accorde ici une place particulière à la dissuasion nucléaire, son importance mais aussi son coût. Michel Forget souligne en conclusion que la fin annoncée de la diminution (provisoire) des effectifs ne donne aucune raison de se réjouir, d'autant que la médiatisation de la menace terroriste peut cacher d'autres risques tout aussi crédibles (ou probables), et il souhaite que le soutien actuellement apporté par la population à ses armées ne se démentisse pas.

Le livre est d'autant plus intéressant que la bibliographie est relativement peu importante sur cette période des années 1960 au début du XXIe siècle. Un ouvrage qui apporte donc, avec le ton et la conviction de l'auteur, une véritable plus-value à la connaissance que peuvent en avoir ceux qui n'ont pas vécu ces transformations.

Economica, Paris, 2016, 196 pages, 27,- euros.

ISBN : 978-2-7178-6868-5.

Histoire récente de la Défense
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28 février 2016 7 28 /02 /février /2016 06:00

Nouveau site pour une nouvelle association

ARSHD

Créée au cours de l'année 2015, l'Association pour le rayonnement du Service historique de la Défense regroupe aussi bien des associations "fédérées" que des adhérents individuels. Il s'agit, pour tous ceux qui, sous un angle ou sous un autre, apprécient et utilisent les ressources et les services du SHD de promouvoir son rôle et ses actions.

Chercheurs, reconstituants, amateurs d'histoire au sens large, spécialistes des décorations, généalogistes, défenseurs du patrimoine, etc., tous sont persuadés de l'importance de la mission historique et mémorielle du SHD et de l'extrême qualité des ressources qu'il propose à nos concitoyens.

Sur le site de l'ARSHD, la présentation de tous les participants à ce jour, mais aussi et surtout la mise à jour permanente de la page d'accueil et d'actualité pour faire connaître toutes les initiatives prises au château de Vincennes : conférences, expositions, mise à disposition d'inventaires, publications, conditions de consultation, animations historiques diverses, etc.

Un complément bénévole à l'action du Service :

N'hésitez jamais à participer, à relayer, à diffuser l'information,

à faire connaître les nouveautés !

Pour accéder directement au site : ici.

Pour adhérer à l'ARSHD : ici.

Actualités - SHD
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27 février 2016 6 27 /02 /février /2016 06:00

Quelques jours de pause !

Guerres-et-conflits publie quotidiennement, sans interruption, depuis des mois... Mais je dois rendre un manuscrit dans 10 jours et il me reste de l'ordre de 180 à 200.000 signes à écrire... Je dois donc consacrer absolument tout le temps disponible à la finalisation de ce texte. Reprise des présentations de nouveaux ouvrages (avec quelques belles et agréables surprises) dès le mardi 8 mars au matin. Merci de faire suivre l'info.

Par contre, la page FB dédiée

https://www.facebook.com/Guerres-et-Conflits-XIXe-XXIe-s-407256039354632/ (ici)

poursuit avec une absolue régularité ses mises en ligne quotidiennes

sur toute l'actualité de l'histoire

Pause !
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24 février 2016 3 24 /02 /février /2016 06:00

Extension du domaine de la guerre

Pierre Servent

Voilà un essai qui "colle" à l'actualité, tout en s'efforçant de prendre du recul. Journaliste, réserviste, communicant, Pierre Servent a publié plusieurs ouvrages de nature différente sur des thèmes politiques ou militaires (dont un récent Von Manstein, ici) et nous propose ainsi une sorte de bilan, ou de panorama des difficultés stratégiques auxquelles nous sommes confrontés.

Le constat de départ, dans l'avant-propos, est simple : "Daech est l'enfant naturel de Bush fils, de son équipe de faucons obscurantistes et de leur désastreuse politique en Mésopotamie. Ils ont ouvert avec inconscience la boite de Pandore. Maintenant, il faut assumer et lutter contre un cancer à propagation rapide qui finirait presque par faire passer al-Qaida pour une maladie bénigne". La formule est un peu brutale, mais elle est complétée par les différents paragraphes qui suivent, avec en particulier ce mot : "Nos sociétés sophistiquées et empressées réapprennent le temps long. Pour reprendre l'expression imagée du général Didier Castre, sous-chef d'état-major en charge des opérations: "Il faut abandonner les chronomètres et revenir aux calendriers décennaux", et il évoque une nouvelle "guerre de Trente ans". Et quelques chiffres significatifs, dont celui-ci : "En janvier 2015, pour venir à bout de seulement trois terroristes -dix-sept morts à leur actif-, il a fallu mettre en ligne trois cents soldats d'élite de la gendarmerie et de la police et plus d'un millier d'hommes et de femmes en appui... C'est l'équivalent de deux régiments actuels... Deux régiments pour trois terroristes non spécialistes du combat urbain". La guerre est donc bien de retour, et il n'est pas certain que nous y soyons prêts. En trois grandes parties, Pierre Servent présente d'abord rapidement les difficultés stratégiques auxquelles nous sommes confrontés (crise économique et financière, Sahel, Ukraine, Levant), puis il s'intéresse ensuite au fondamentalismes qui nous entourent, le musulman certes, mais aussi le messianisme américain (et ses oeillières), contexte dans lequel la politique identitaire grand-russe de Poutine n'est pas, pour le moins, un facteur d'apaisement : "En 2015, les avions de combat russes sont bénis par les popes orthodoxes avant leur départ pour la Syrie". De même, le "sultan" Erdogan semble de plus en plus à la recherche "des mânes de l'ancienne puissance ottomane", tandis que l'Iran et Israël s'agitent aux portes de la Syrie, où les minorités s'auto-organisent. L'auteur s'intéresse ensuite longuement à la construction d'un "Etat islamique" à cheval sur l'Irak et la Syrie, à sa nature de "proto-Etat", à ses revenus, ses forces, ses objectifs, sa propagande. Dans une troisième partie enfin, Pierre Servent aborde les différentes facettes du dossier, qui font "le bel avenir de la guerre" et les menaces qui pèsent sur la paix mondiale (et européenne en particulier), dont l'Algérie et la Chine. Deux thématiques sont alors développées : les guerres spéciales et invisibles (forces spéciales et qualité des individus, technologie, obsession de la réactivité, etc.) et la guerre des valeurs ("Cette poussée salafiste est alimentée depuis longtemps par le wahhabisme des Saoudiens") face au prosélytisme obscurantiste des monarchies pétrolières et aux "revendications identitaires de combat". La fin du livre est plus conforme au discours général sur les relations avec les musulmans, avec ce constat sur "Mère Thérésa en uniforme", la figure du soldat dans "une société compassionnelle et lacrymale" : "Plus l'armée était adulée dans les sondages, plus elle était inconnue des Français"... Pierre Servent renoue pour conclure avec l'idée d'un service national, dont un mois strictement militaire essentiellement encadré par des réservistes, et envisage l'hypothèse de la création d'une garde nationale, "relevant du ministère de la Défense, (qui) pourrait soulager les effectifs de l'armée engagés dans les opérations de type Sentinelle". Le débat est ouvert.

Un essai qui suscite autant de réflexions que d'objections ou de questions, puisqu'il est centré sur le coeur de nos difficultés actuelles. Un texte qu'il faut lire tranquillement pour aborder l'une après l'autre les différentes pistes proposées.

Robert Laffont, Paris, 2016, 304 pages. 19,50 euros.
ISBN : 978-2-221-19122-4

Toujours plus de guerres, différentes
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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 06:00

L'armée au féminin

Ces femmes qui font l'armée française du XXIe siècle

Jean-Marc Tanguy

Journaliste spécialisé sur les questions de défense bien connu de tous les amateurs et auteurs de nombreux ouvrages, Jean-Marc Tanguy nous propose un nouveau volume consacré à la féminisation des armées.

Nouvel ouvrage sur la féminisation donc, un sujet toujours présenté comme original ou atypique alors qu'il s'agit d'un fait acquis et d'une réalité depuis plus d'une vingtaine d'années. Après une rapide introduction qui rappelle ce qu'à été la lente évolution de la féminisation au long du XXe siècle, la priorité est accordée aux photos, avec des textes d'accompagnement qui présentent les parcours individuels et les missions collectives.  Les femmes de l'armée de l'air sont très présentes, mais il faut aussi compter avec celles des forces spéciales, du renseignement, de l'armée de Terre et de la marine. On ne peut qu'apprécier la pertinence de la grande majorité des textes, la sobriété des présentations, la qualité de l'iconographie. Tout au plus peut-on regretter la persistance d'une sorte d'a priori selon lequel l'armée de Terre serait moins pro-active en la matière et mettrait moins en avant son personnel féminin. Si "tous les hommes sont égaux", pourquoi en "sur-privilégier" les un(e)s par rapport aux autres ? Et si la place des femmes dans les unités opérationnelles est devenue naturelle, pourquoi revenir sans cesse sur ces questions qui oublient de... laisser du temps au temps : en dépit de ses caractéristiques particulières, le métier des armes est très largement ouvert à toutes les candidatures et autorise toutes les évolutions de carrière, mais il faut aussi tenir compte du poids des réalités sociales. En quoi les armées devraient-elles être encore plus en avance sur le reste de la société ?

L'un des intérêts de l'ouvrage est bien sûr de faire un tour d'horizon très large de toutes les spécialités possibles, dans tous les domaines, pour toutes les armées. Il consitue en cela un "point de situation", marque une étape. En attendant un prochain bilan dans quelques années ? 

Editions Pierre de Taillac, Paris, 2016, 176 pages. 22,90.

ISBN : 978-2-36445-065-3.

Soldat(e)s
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14 février 2016 7 14 /02 /février /2016 06:00

Les soldats de l'Everest

Mallory, la Grande Guerre et la conquête de l'Himalaya

Wade Davis

Bluffant ! Une extraordinaire aventure humaine reconstituée, celle d'une poignée d'hommes qui, au lendemain de la Grande Guerre, partirent à la conquête du plus haut sommet du monde.

Le premier chapitre du livre raconte longuement la Première Guerre mondiale telle que la vécurent certains de ces alpinistes britanniques, parmi les meilleurs de leur génération, en particulier à travers les yeux du Service de santé militaire. C'est parfois proprement dantesque. Le second nous présente les Indes anglaises, son administration, son armée et ses Anglais si atypiques, ainsi que cet étrange "Etat" du Thibet, avec sa chaîne himalayenne au sommet de laquelle trône l'Everest. Dans ce Thibet encore bien mystérieux et non cartographié, objet de tant de fantasmes, s'opposent au tournant du XXe siècle les influences anglaise et russe et se manifestent les ambitions chinoises. C'est dans cet environnement physique et intellectuel particulier que sont lancées les premières expéditions, autant de découverte et de prestige que de pouvoir et de commerce. Avec le chapitre 3 commence l'aventure de l'Everest à proprement parler, en 1919, lorsque des hommes profondément marqué par la guerre qui vient de se terminer reprennent l'ancienne idée d'une ascension de la montagne mythique jusqu'à son sommet. Le rôle "politico-scientifique" de la Royal Geographical Society apparaît clairement et c'est en juin 1921 que la décision est annoncé de lancer ces expéditions. Elles vont se succéder rapidement jusqu'en 1924, marquant à chaque fois de nouveaux progrès technologiques, scientifiques et humains, mais aussi physiquement très éprouvantes. Réussir devient presque une obsession. Les chapitres 5 à 12 décrivent les préparatifs, les progressions, les cordées, les camps de base, avec un luxe de détails et de précisions, qu'il s'agisse de la personnalité des acteurs du drame ou de l'environnement (géographique, politique, culturel) au sein duquel ils agissent. Le dernier chapitre, raconte la fin, la disparition de Mallory et Irvine, le vétéran et le jeune alpiniste, après une marche d'approche épuisante dans tous les domaines, dans le brouillard, à quelques centaines de mètres du sommet, comme "aspirés" par le mirage de l'Everest. Quand sont-ils morts ? L'ont-ils atteint ? Nul ne le saura jamais, mais pour "la belle histoire", on veut se convaincre qu'ils ont disparu en redescendant, après avoir touché "le Graal". "Il n'y a guère de plus belle mort que mourir dans une aventure sublime, et l'Everest est le plus beau cénotaphe du monde".

Une extraordinaire aventure humaine, dans ses excès, ses passions et son héroïsme, dont le récit s'appuie sur une longue bibliographie annotée et un index complet. Un très bon livre de vacances mais aussi de réflexion sur ce qui pousse un homme à agir au-delà du raisonnable.

Les Belles Lettres, Paris, 2016, 547 pages. 26,50 euros.
ISBN : 978-2-251-44563-2.

Extraordinaire aventure
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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 06:00

La fabuleuse histoire du drapeau français

Raphaël Delpard

Déjà auteur d'une vingtaine d'ouvrages sur des sujets variés (dont la période de la Première guerre mondiale ou la guerre d'Algérie, ici et ici), Raphaël Delpard nous propose aujourd'hui une histoire présentée comme complète du drapeau français. L'objectif est noble et important, mais le résultat n'est pas tout-à-fait à la hauteur des espérances.

Le livre, en effet, remonte jusqu'au premiers "emblèmes" et "symboles" choisis dans les temps les plus anciens, et en particulier de la Gaule : "Tout commence dans la préhistoire de la Gaule" ? Même s'il est utile de remonter aussi loin que possible dans le temps, il y a des "ruptures historiques" dont il est nécessaire de tenir compte, et pour le drapeau français... L'ouvrage s'organise ensuite chronologiquement à travers l'Antiquité, le Moyen-âge et jusqu'à la fin du XIXe siècle, de Clovis à Saint-Denis et des Croisades à la Révolution française. Au fil des pages, l'auteur nous donne, ou nous rappelle, un très grand nombre d'informations ponctuelles sur l'évolution des symboles de la monarchie naissante, triomphante, enfin abattue, mais l'on hésite souvent entre la reprise d'anecdotes relevant du récit traditionnel bien connu et la recherche à proprement parler, même si régulièrement des phrases comme "Au fil de mes recherches" ou "Après des années de recherche" apparaissent. Le sentiment d'insuffisance vient sans doute en partie du style : des phrases très brèves, des paragraphes souvent très courts qui se succèdent rapidement, passant d'un sujet à l'autre sans que l'on ait une présentation de synthèse partielle. Le chapitre 18 consacré aux "Actes de bravoure" sous les plis du drapeau est à cet égard caractéristique : en trois ou quatre lignes les exemples s'enchainent rapidement, d'un régiment à l'autre, d'une période à l'autre, mais l'on attend toujours l'analyse globale. Certains chapitres sont aussi extrêmement brefs (chapitre 25, "Le drapeau noir"), sans que l'on voit bien la cohérence avec la question du drapeau tricolore, ni que l'on ait au final une idée complète de la question. De la même façon, pourquoi ces très nombreuses différences d'un souverain à l'autre listées page 114-115 ? Qu'est-ce qui justifie toutes ces évolutions sous la monarchie ? Pourquoi certaines s'imposent et pas d'autres? On ne le sait finalement pas. Bref, le drapeau est finalement bleu, blanc, rouge, comme la constitution de la Ve République le précise formellement, le bleu vient de..., etc. C'est un peu court.

On apprécie toutefois les annexes et textes complémentaires qui terminent le volume, en particulier les extraits de la "littérature patriotique" (essentiellement avant 1914). En résumé, beaucoup d'informations (y compris sur le "roman national" dans le temps long), mais un côté "aimable fouilli" qui dérange. Un livre qui aurait pu être beaucoup plus convaincant avec davantage de méthodologie et un côté moins "pointilliste".  

Editions Marie B, Clichy, 2016, 229 pages. 14,50 euros.

ISBN : 978-10-93576-07-7.

Drapeau, emblème, étendard, pavillon...
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Qui Suis-Je ?

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  • : Guerres et conflits XIXe-XXIe s. se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la « dictature des commémorations », nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.
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Cafés historiques de La Chouette

Prochaine séance : pour la rentrée de septembre. Le programme complet sera très prochainement mis en ligne.

Publications personnelles

Livres

 

doumenc-copie-1.jpgLa Direction des Services automobiles des armées et la motorisation des armées françaises (1914-1918), vues à travers l’action du commandant Doumenc

Lavauzelle, Panazol, 2004.

A partir de ma thèse de doctorat, la première étude d’ensemble sur la motorisation des armées pendant la Première Guerre mondiale, sous l’angle du service automobile du GQG, dans les domaines de l’organisation, de la gestion et de l’emploi, des ‘Taxis de la Marne’ aux offensives de l’automne 1918, en passant par la ‘Voie sacrée’ et la Somme.

 

La mobilisation industrielle, ‘premier front’ de la Grande Guerre ? mobil indus

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2005 (préface du professeur Jean-Jacques Becker).

En 302 pages (+ 42 pages d’annexes et de bibliographie), toute l’évolution industrielle de l’intérieur pendant la Première Guerre mondiale. Afin de produire toujours davantage pour les armées en campagne, l’organisation complète de la nation, dans tous les secteurs économiques et industriels. Accompagné de nombreux tableaux de synthèse.

 

colonies-allemandes.jpgLa conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2006 (préface du professeur Jacques Frémeaux).

Au début de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand est de création récente. Sans continuité territoriale, les différents territoires ultramarins du Reich sont difficilement défendables. De sa constitution à la fin du XIXe siècle à sa dévolution après le traité de Versailles, toutes les étapes de sa conquête entre 1914 et 1918 (388 pages, + 11 pages d’annexes, 15 pages de bibliographie, index et cartes).

 

 caire damasDu Caire à Damas. Français et Anglais au Proche-Orient (1914-1919)

 14/18 Editions, Saint-Cloud, 2008 (préface du professeur Jean-Charles Jauffret).

Du premier au dernier jour de la Grande Guerre, bien que la priorité soit accordée au front de France, Paris entretient en Orient plusieurs missions qui participent, avec les nombreux contingents britanniques, aux opérations du Sinaï, d’Arabie, de Palestine et de Syrie. Mais, dans ce cadre géographique, les oppositions diplomatiques entre ‘alliés’ sont au moins aussi importantes que les campagnes militaires elles-mêmes.

 

hte silesieHaute-Silésie (1920-1922). Laboratoire des ‘leçons oubliées’ de l’armée française et perceptions nationales

‘Etudes académiques », Riveneuve Editions, Paris, 2009.

Première étude d’ensemble en français sur la question, à partir du volume de mon habilitation à diriger des recherches. Le récit détaillé de la première opération civilo-militaire moderne d’interposition entre des factions en lutte (Allemands et Polonais) conduite par une coalition internationale (France, Grande-Bretagne, Italie), à partir des archives françaises et étrangères et de la presse de l’époque (381 pages + 53 pages d’annexes, index et bibliographie).

 

cdt armee allde Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général von Falkenhayn 

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Le texte original de l’édition française de 1921 des mémoires de l’ancien chef d’état-major général allemand, accompagné d’un dispositif complet de notes infrapaginales permettant de situer les lieux, de rappeler la carrière des personnages cités et surtout de comparer ses affirmations avec les documents d’archives et les témoignages des autres acteurs (339 pages + 34 pages d’annexes, cartes et index).

 

chrono commChronologie commentée de la Première Guerre mondiale

Perrin, Paris, 2011.

La Grande Guerre au jour le jour entre juin 1914 et juin 1919, dans tous les domaines (militaire, mais aussi politique, diplomatique, économique, financier, social, culturel) et sur tous les fronts. Environ 15.000 événements sur 607 pages (+ 36 pages de bibliographie et d’index).

 

 Les secrets de la Grande Guerrecouverture secrets

Librairie Vuibert, Paris, 2012.

Un volume grand public permettant, à partir d’une vingtaine de situations personnelles ou d’exemples concrets, de remettre en lumière quelques épisodes peu connus de la Première Guerre mondiale, de la question du « pantalon rouge » en août 1914 à l’acceptation de l’armistice par von Lettow-Vorbeck en Afrique orientale, après la fin des hostilités sur le théâtre ouest-européen.

 

Couverture de l'ouvrage 'Mon commandement en Orient'Mon commandement en Orient, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général Sarrail

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2012

Le texte intégral de l'édition originale, passé au crible des archives publiques, des fonds privés et des témoignages des acteurs. Le récit fait par Sarrail de son temps de commandement à Salonique (1915-1917) apparaît véritablement comme un exemple presque caricatural de mémoires d'autojustification a posteriori

 

 

Coordination et direction d’ouvrages

 

Destins d’exception. Les parrains de promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

SHAT, Vincennes, 2002.

Présentation (très largement illustrée, 139 pages) des 58 parrains qui ont donné leur nom à des promotions de Saint-Cyr, entre la promotion « du Prince Impérial » (1857-1858) et la promotion « chef d’escadrons Raffalli » (1998-2001).

 

fflLa France Libre. L’épopée des Français Libres au combat, 1940-1945

SHAT, Vincennes et LBM, Paris, 2004.

Album illustré présentant en 191 pages l’histoire et les parcours (individuels et collectifs) des volontaires de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.

 

marque courageLa marque du courage

SHD, Vincennes et LBM, Paris, 2005.

Album illustré présentant en 189 pages l’histoire des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire, à travers une succession de portraits, de la Première Guerre mondiale à la Bosnie en 1995. L’album comporte en annexe une étude sur la symbolique, les fourragères et la liste des unités d’active décorées.

 

  90e anniversaire de la Croix de guerre90-ANS-CROIX-DE-GUERRE.jpg

SHD, Vincennes, 2006.

Actes de la journée d’études tenue au Musée de l’Armée le 16 novembre 2005. Douze contributions d’officiers historiens et d’universitaires, français et étrangers, de la naissance de la Croix de guerre à sa perception dans la société française, en passant les décorations alliées similaires et ses évolutions ultérieures.

 

france grèceLes relations militaires franco-grecques. De la Restauration à la Seconde guerre mondiale 

SHD,Vincennes, 2007.

Durant cette période, les relations militaires franco-grecques ont été particulièrement intenses, portées à la fois par les sentiments philhellènes qui se développent dans l’hexagone (la France est l’une des ‘Puissances protectrices’ dès la renaissance du pays) et par la volonté de ne pas céder d’influence aux Anglais, aux Allemands ou aux Italiens. La campagne de Morée en 1828, l’intervention en Crète en 1897, les opérations en Russie du Sud  en 1919 constituent quelques uns des onze chapitres de ce volume, complété par un inventaire exhaustif des fonds conservés à Vincennes.

 

verdunLes 300 jours de Verdun

Editions Italiques, Triel-sur-Seine, 2006 (Jean-Pierre Turbergue, Dir.).

Exceptionnel album de 550 pages, très richement illustré, réalisé en partenariat entre les éditions Italiques et le Service historique de la Défense. Toutes les opérations sur le front de Verdun en 1916 au jour le jour.

 

DICO-14-18.jpgDictionnaire de la Grande Guerre

(avec François Cochet), 'Bouquins', R. Laffont, 2008.

Une cinquantaine de contributeurs parmi les meilleurs spécialistes de la Grande Guerre, 1.100 pages, 2.500 entrées : toute la Première Guerre mondiale de A à Z, les hommes, les lieux, les matériels, les opérations, les règlements, les doctrines, etc.

 

fochFerdinand Foch (1851-1929). Apprenez à penser

(avec François Cochet), 14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Actes du colloque international tenu à l’Ecole militaire les 6 et 7 novembre 2008. Vingt-quatre communications balayant tous les aspects de la carrière du maréchal Foch, de sa formation à son héritage dans les armées alliées par des historiens, civils et militaires, de neuf nations (461 pages + 16 pages de bibliographie).

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