Les sociétés coloniales à l'âge des empires
Afrique, Antilles, Asie (années 1850 - années 1950)
Jean-François Klein et Claire Laux (dir.)
La question d’histoire contemporaine prévue au programme du concours externe de l’agrégation du CAPES et du CAFEP d’histoire et de géographie pour les deux années à venir portant sur « Les sociétés coloniales à l’âge des Empires, Afrique, Antilles, Asie, (1850-1950) », les premiers manuels et ouvrages de référence commencent à apparaître. Parmi ceux-ci, celui dirigé par Jean-François Klein et Claire Laux, tous deux maîtres de conférences en histoire contemporaine (respectivement à l’INALCO et à Bordeaux III) vient d’être publié par la maison Ellipses, spécialiste reconnu des livres de concours.
Collectif réunissant près de trente spécialistes, le manuel – avec des articles adossés à de très bonnes bibliographies mais aussi des dissertations et commentaires de textes corrigés – a pour ambition de répondre très étroitement à la problématique de la question du concours, à savoir l’analyse des sociétés coloniales elles-mêmes tout en respectant le jeu d’échelles entre les thématiques coloniales et celles plus proprement impériales. Par les textes qui reflètent le profond renouveau historiographique de ces dernières années, les auteurs invitent les étudiants préparant le concours à penser le fait colonial dans une dimension régionale ou locale, mais aussi dans une interaction constante avec les métropoles. En définitive, ces sociétés très hiérarchisées constituent des « laboratoires de bouillonnement social » où le « bricolage empirique » fait d’adaptation ou de réaction à la colonisation est la règle. Le champ géographique couvert par les auteurs est très vaste : aux aires culturelles étudiées (Afrique, Antilles, Asie), il faut ajouter une analyse des principaux empires coloniaux (britannique, français, allemand, mais aussi belge, néerlandais et japonais).
La première partie aborde les politiques et l’encadrement des sociétés en contexte colonial à travers une analyse des empires espagnols et portugais avec l’article d’Alexandre Fernandez sur "Empire espagnol, empire portugais à l’époque contemporaine : destins divergents des outre-mer ibériques" adossé à une dissertation ("Regard sur la construction de la nation cubaine à la fin du XIXe siècle") de Dominique Goncalvès. Ils sont suivis par les articles de William Guéraiche sur "La société philippine à l’épreuve de trois colonisations (1863-1956)", d’Olivier Sevin sur "La politique coloniale des Pays-Bas face à la surpopulation de Java", de M’hamed Oualdi sur "Les Ottomans dans les sociétés maghrébines de 1850 aux années 1910 : tentatives de réformes et héritages impériaux", de Pierre Vermeren sur "Les transformations sociales induites par la colonisation dans les pays du nord de l’Afrique" ; avant un déportement vers l’Orient asiatique avec un "Panorama du fait colonial moderne au Japon" de Laurent Nespoulos, une contribution commune de Dominique Barjot et Rang-Ri Park-Barjot sur "La société coréenne face à l’impérialisme japonais (1875-1945) : entre exploitation économique, modernisation forcée et assimilation". Jean-Luc Martineau nous fait revenir en Afrique avec son article sur la "Société et espace Yorùbá de 1851 à 1948 : entre singularité et banalité de l’Indirect Rule". Eric Jennings propose quant à lui une analyse sur "Le régime de Vichy sur cinq continents", la dernière partie étant ensuite close par deux dissertations et un dossier documentaire : "Ordre et maintien de l’ordre en situation coloniale" par Jean-Pierre Bat, "Loi portant création des troupes coloniales (5 juillet 1900)" par Julie d’Andurain et "Tamatave, les grands travaux et la société coloniale sur la Côte Est de Madagascar" par Frédéric Garan.
La deuxième partie du manuel s’intéresse davantage aux acteurs et aux groupes sociaux de façon à mettre en exergue les résistances ou les accommodements à la
colonisation dans les sociétés coloniales. Pierre Guillaume inaugure cette partie avec une analyse nuancée de "Portraits de colonisateurs". Son texte est suivi de la dissertation d’Isabelle
Tracol-Huynh traitant du "Genre et sociétés coloniales (Afrique, Asie, Antilles ; 1850-1950)". Ces deux textes précèdent un ensemble portant sur le monde du travail et ses modalités
d’adaptationen situation coloniale avec le long article de Jean-François Klein sur "Esclavages, engagismes et coolies, histoire des sociétés coloniales au travail, 1850-1950", l’analyse comparée
entre "Races et cultures d’entreprises" à travers l’étude des modes de promotion sociale chez Denis frères dans la Cochinchine des années 1930 par Delphine Boissarie. Ils sont suivis de l’article
de Myriam Cottias sur "La République dans les Antilles françaises et la Guyane (1850-1950)" qui donne une définition circonstanciée du mot Antilles, par celui de Julie
d’Andurain sur "Les militaires en situation coloniale (1850-1950)" où sont revisitées les circonstances de la naissance du concept de « force noire » par le général Mangin et enfin
celui de Jacques Pouchepadass et Anne Viguier sur "L’Inde des campagnes au dernier siècle de la colonisation britannique (1860-1950)". Chantal Verdeil clôt cet ensemble avec une dissertation sur
les "Transformations économiques et sociales au Proche-Orient dans l’Entre-deux-guerres".
La troisième partie du manuel, enfin, étudie les pratiques culturelles dans les sociétés coloniales. Claude Prudhomme propose un très bel article sur les "Religions et
stabilité politique dans les sociétés coloniale", suivi par celui, très dense, de Pascale Barthélémy sur "L’enseignement dans les sociétés coloniales (Afrique, Antilles, Asie). Fabrique du
consentement, genèse des contestations (années 1850-années 1950)". On retrouve ensuite un texte de Frédéric Garan sur "La promotion sociale des indigènes au sein de la société coloniale à
Madagascar. Itinéraire du premier évêque malgache, Mgr Ignace Ramarosandratana", suivi de celui de Laurence Monnais sur la "Médecine et santé en situation coloniale". Par la suite, le manuel
propose une série d’articles et de dissertations portant sur la question urbaine, avec Marie Gibert et "La ville coloniale : laboratoire de modernité en Asie du Sud-Est ? Un modèle indochinois",
suivie des dissertations de Marie Viguier sur "Les sociétés urbaines dans l’Inde coloniale (1857-1947)", celle de Caroline Herbelin sur "Bâtir des sociétés coloniales : architectures en
situation" et celle d’Aline Demay sur "Les enjeux des pratiques touristiques dans les sociétés coloniales". Eric Jennings propose encore un texte sur "Eaux chaudes et Olympes coloniaux :
thermalisme et climatisme à échelle impériale", tandis que les sociétés coloniales sont analysées au miroir de la littérature dans un texte d’Henri Copin ("Sociétés coloniales au miroir de la
littérature. L’exemple impérial français"). En guise de conclusion, et afin de servir de guide aux étudiants, l’ouvrage s’achève par la communication de Pierre-Éric Fageol et Frédéric Garan sur
"Cinéma et société coloniale".
Par le nombre et la diversité des sujets traités, par leur qualité, ce manuel deviendra rapidement, à l’évidence, un ouvrage de référence. Nous ne saurions que trop le conseiller aux étudiants.
J.A.