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6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 07:05

Il existe une "Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale"

Mais pour quelle(s) mission(s) ?

WW-1-1.jpg

Alors que les annonces et les projets surgissent de tous côtés, dans tous les départements et dans toutes les régions comme à l'étranger, les instances nationales restent totalement absentes. Ce n'est plus de la discrétion, c'est une disparition pure et simple. Après une très laborieuse mise en place des structures (GIP et conseil scientifique en particulier), on pouvait espérer que "le taureau serait pris par les cornes", à désormais un an et demi de l'échéance. Dans la grande tradition du "village gaulois" (la France n'est-elle pas un "pays de présidents" où chacun doit avoir une belle carte de visite ?), après une dizaine de mois perdus à se partager les places et les titres (ou à neutraliser celui que l'on veut empêcher d'y accéder), est-ce trop demander que d'espérer connaître (bientôt ?) les choix stratégiques et l'architecture générale de ce centenaire ? Mais toujours rien, depuis le rapport initial. De savantes individualités participent à ces réunions, mais le "collectif" semble totalement paralysé.

Par ailleurs, on peut de plus en plus légitimement s'interroger sur la très faible participation de vrais spécialistes des dimensions proprement militaires de la guerre elle-même dans ces organismes. Les compétences les plus diverses sont représentées (ce qui est bien sûr une bonne chose), mais au détriment de la composante "militaire" des travaux. Toutes les chapelles, écoles, niches et sous-thématiques des spéculations sur le "phénomène guerrier" sont là, mais à 5 ou 6 exceptions  près (dont 1 Britannique et 1 Américain) on ne trouve pas d'historiens de référence sur les armées et leurs opérations. Organisation, entrainement, équipements, commandement, évolutions, doctrines, planification, conduite, enseignements tactiques, opératifs, stratégiques, interaction entre les fronts, comparaisons entre les pays, les hommes et leur(s) rôle(s) personnel(s) à tous les niveaux des hiérarchies, les causes et les conséquences immédiates et plus lointaines, etc. : ne s'agirait-il donc là que d'éléments tout-à-fait secondaires et mineurs au sujet de la Grande Guerre ?

Il y a là une question de fond, que le vide sidéral qui entoure aujourd'hui la programmation générale des manifestations invite à poser.

WW 1 2

 

Ayant toujours une approche globale de l'histoire militaire sous toutes ses facettes, ce n'est pas nous qui nierons aujourd'hui l'importance des innombrables facteurs exogènes, culturels, sociaux, économiques, politiques, diplomatiques, techniques et scientifiques, financiers et budgétaires, etc., qui interagissent peu ou prou et de façon variable dans le temps sur le déroulement d'un conflit de cette ampleur. Le Service de santé, les mines de charbon, la presse ou une brève "trêve" un soir de Noël, parmi de multiples autres paramètres, tiennent bien sûr une place importante dans la Première Guerre mondiale. Mais il ne faut pas confondre le coeur du sujet et sa périphérie, l'essentiel et l'accessoire. Il ne faut pas "inverser les proportions". C'est bien du centenaire de la Grande Guerre qu'il s'agit, et non pas de placer bout-à-bout quelques manifestations commémoratives sur les évolutions générales de la France au XXe siècle. Ne confondons pas l'objet et ses conséquences, surtout lorsque celles-ci ont été (et sont) re-travaillées au filtre du temps, des idéologies et des engagements personnels.

Que veut-on faire ? Veut-on d'ailleurs même, simplement, "faire" quelque chose ?

WW-1-3.jpg

Une fois de plus, ces questions doivent être posées avec d'autant plus d'insistance que les semaines s'écoulent, dans le silence assourdissant des autorités. Quelle est la volonté affichée par l'Etat ? On nous en parlera sans doute pendant 15 ou 20 mn. lors du prochain 11 novembre... Pour nous annoncer quoi ? Une vague "commémoration Potemkine", avec façade ripolinée dans les tons pastels pour "faire bien" au JT de 20 heures et l'immensité du néant derrière la porte ?

Nous regrettons parfois, car cela témoigne d'une faiblesse de l'université française, que l'histoire (notre histoire) soit si souvent écrite par les historiens anglo-saxons. Rappelons simplement ce que disait sur notre sujet du jour le chef du gouvernement britannique, dès octobre 2012, lorsqu'il a personnellement présenté à l'Impérial War Museum les principes et les objectifs qu'il fixait aux commémorations du Centenaire :

- "A truly national commemoration",

- Célébration de l'entrée en guerre et de l'armistice certes, mais aussi des "major battles in between" (Somme, Jutland, Gallipoli, Passchendaele),

- Programme pour les écoles, "including trips to the battlefields",

- Un comité directeur formé d'anciens Secrétaires à la Défense, "chiefs of staff and military specialists",

- Une commémoration qui doit, comme le Jubilé de diamant de la reine, "says something about who we are as people".

Trois rapides extraits de ce discours pour en terminer, avant de rougir de honte. Pour le Premier ministre, "ce fut l'extraordinaire sacrifice d'une génération. un sacrifice qu'ils ont fait pour nous, et il est bon que nous nous en souvenions" ... La guerre a contribué "à faire ce que nous sommes aujourd'hui" ... "Il y a quelque chose dans la Première Guerre mondiale qui en fait un élément fondamental de notre conscience nationale".

Ne rêvons pas, c'était à Londres. Et nous n'aurons pas l'outrecuidance de comparer les budgets annoncés de part et d'autre de la Manche... 

WW-1-4.png

Là où ne souffle pas un grand vent frais, dans les structures étriquées où les manoeuvres de couloir et les procédures routinières serviront demain d'alibi à l'inaction, peut-il naître quelque grand projet fédérateur (et je ne parle pas de "mise en scène") ? Plus le temps passe, plus les interrogations deviennent intimes convictions. Au risque de ne pas avoir l'air "à la mode" (mais, au fait, pourquoi faudrait-il être "à la mode" en Histoire ?), je vais retrousser mes manches, continuer à essayer de convaincre, et travailler sur le plus grand nombre de projets possibles. Revenons aux fondamentaux et prouvons que le "culturel" n'est pas l'apanage de quelques uns : il a toute sa place dans la réflexion militaire stricto sensu en replaçant le phénomène "Guerre" en tant que tel au coeur des dossiers, et du Centenaire. J'espère que nous serons nombreux à nous retrouver sur ce chemin et à nous "entre-aider", chacun dans son domaine, dans sa ville, avec ses moyens, pour essayer d'éviter ce qui pourrait devenir, au "rythme" où (ne) vont (pas) les choses, un fiasco national, dans le pays qui a compté plus de 5,6 millions de soldats morts et de blessés. 

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commentaires

P
Enfin le coup de gueule que seule une voix autorisée pouvez pousser. Il faut le relayer et lui donner le plus grand écho possible si notre participation au centenaire veut être à la hauteur de<br /> notre part dans le conflit.
Répondre
G
<br /> <br /> Merci pour cette réaction. C'est sympa. Si j'en crois la multiplication de la diffusion sur la toile depuis ce matin, nous ne sommes pas seuls à penser ainsi...<br /> <br /> <br /> Alors, en avant. Enesemble.<br /> <br /> <br /> Amicalement.<br /> <br /> <br /> REMY<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Guerres et conflits XIXe-XXIe s. se fixe pour objectif d’être à la fois (sans prétendre à une exhaustivité matériellement impossible) un carrefour, un miroir, un espace de discussions. Sans être jamais esclave de la « dictature des commémorations », nous nous efforcerons de traiter le plus largement possible de toutes les campagnes, de tous les théâtres, souvent dans une perspective comparatiste. C’est donc à une approche globale de l’histoire militaire que nous vous invitons.
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Cafés historiques de La Chouette

Prochaine séance : pour la rentrée de septembre. Le programme complet sera très prochainement mis en ligne.

Publications personnelles

Livres

 

doumenc-copie-1.jpgLa Direction des Services automobiles des armées et la motorisation des armées françaises (1914-1918), vues à travers l’action du commandant Doumenc

Lavauzelle, Panazol, 2004.

A partir de ma thèse de doctorat, la première étude d’ensemble sur la motorisation des armées pendant la Première Guerre mondiale, sous l’angle du service automobile du GQG, dans les domaines de l’organisation, de la gestion et de l’emploi, des ‘Taxis de la Marne’ aux offensives de l’automne 1918, en passant par la ‘Voie sacrée’ et la Somme.

 

La mobilisation industrielle, ‘premier front’ de la Grande Guerre ? mobil indus

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2005 (préface du professeur Jean-Jacques Becker).

En 302 pages (+ 42 pages d’annexes et de bibliographie), toute l’évolution industrielle de l’intérieur pendant la Première Guerre mondiale. Afin de produire toujours davantage pour les armées en campagne, l’organisation complète de la nation, dans tous les secteurs économiques et industriels. Accompagné de nombreux tableaux de synthèse.

 

colonies-allemandes.jpgLa conquête des colonies allemandes. Naissance et mort d’un rêve impérial

14/18 Editions, Saint-Cloud, 2006 (préface du professeur Jacques Frémeaux).

Au début de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand est de création récente. Sans continuité territoriale, les différents territoires ultramarins du Reich sont difficilement défendables. De sa constitution à la fin du XIXe siècle à sa dévolution après le traité de Versailles, toutes les étapes de sa conquête entre 1914 et 1918 (388 pages, + 11 pages d’annexes, 15 pages de bibliographie, index et cartes).

 

 caire damasDu Caire à Damas. Français et Anglais au Proche-Orient (1914-1919)

 14/18 Editions, Saint-Cloud, 2008 (préface du professeur Jean-Charles Jauffret).

Du premier au dernier jour de la Grande Guerre, bien que la priorité soit accordée au front de France, Paris entretient en Orient plusieurs missions qui participent, avec les nombreux contingents britanniques, aux opérations du Sinaï, d’Arabie, de Palestine et de Syrie. Mais, dans ce cadre géographique, les oppositions diplomatiques entre ‘alliés’ sont au moins aussi importantes que les campagnes militaires elles-mêmes.

 

hte silesieHaute-Silésie (1920-1922). Laboratoire des ‘leçons oubliées’ de l’armée française et perceptions nationales

‘Etudes académiques », Riveneuve Editions, Paris, 2009.

Première étude d’ensemble en français sur la question, à partir du volume de mon habilitation à diriger des recherches. Le récit détaillé de la première opération civilo-militaire moderne d’interposition entre des factions en lutte (Allemands et Polonais) conduite par une coalition internationale (France, Grande-Bretagne, Italie), à partir des archives françaises et étrangères et de la presse de l’époque (381 pages + 53 pages d’annexes, index et bibliographie).

 

cdt armee allde Le commandement suprême de l’armée allemande 1914-1916, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général von Falkenhayn 

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Le texte original de l’édition française de 1921 des mémoires de l’ancien chef d’état-major général allemand, accompagné d’un dispositif complet de notes infrapaginales permettant de situer les lieux, de rappeler la carrière des personnages cités et surtout de comparer ses affirmations avec les documents d’archives et les témoignages des autres acteurs (339 pages + 34 pages d’annexes, cartes et index).

 

chrono commChronologie commentée de la Première Guerre mondiale

Perrin, Paris, 2011.

La Grande Guerre au jour le jour entre juin 1914 et juin 1919, dans tous les domaines (militaire, mais aussi politique, diplomatique, économique, financier, social, culturel) et sur tous les fronts. Environ 15.000 événements sur 607 pages (+ 36 pages de bibliographie et d’index).

 

 Les secrets de la Grande Guerrecouverture secrets

Librairie Vuibert, Paris, 2012.

Un volume grand public permettant, à partir d’une vingtaine de situations personnelles ou d’exemples concrets, de remettre en lumière quelques épisodes peu connus de la Première Guerre mondiale, de la question du « pantalon rouge » en août 1914 à l’acceptation de l’armistice par von Lettow-Vorbeck en Afrique orientale, après la fin des hostilités sur le théâtre ouest-européen.

 

Couverture de l'ouvrage 'Mon commandement en Orient'Mon commandement en Orient, édition annotée et commentée des souvenirs de guerre du général Sarrail

14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2012

Le texte intégral de l'édition originale, passé au crible des archives publiques, des fonds privés et des témoignages des acteurs. Le récit fait par Sarrail de son temps de commandement à Salonique (1915-1917) apparaît véritablement comme un exemple presque caricatural de mémoires d'autojustification a posteriori

 

 

Coordination et direction d’ouvrages

 

Destins d’exception. Les parrains de promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

SHAT, Vincennes, 2002.

Présentation (très largement illustrée, 139 pages) des 58 parrains qui ont donné leur nom à des promotions de Saint-Cyr, entre la promotion « du Prince Impérial » (1857-1858) et la promotion « chef d’escadrons Raffalli » (1998-2001).

 

fflLa France Libre. L’épopée des Français Libres au combat, 1940-1945

SHAT, Vincennes et LBM, Paris, 2004.

Album illustré présentant en 191 pages l’histoire et les parcours (individuels et collectifs) des volontaires de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.

 

marque courageLa marque du courage

SHD, Vincennes et LBM, Paris, 2005.

Album illustré présentant en 189 pages l’histoire des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire, à travers une succession de portraits, de la Première Guerre mondiale à la Bosnie en 1995. L’album comporte en annexe une étude sur la symbolique, les fourragères et la liste des unités d’active décorées.

 

  90e anniversaire de la Croix de guerre90-ANS-CROIX-DE-GUERRE.jpg

SHD, Vincennes, 2006.

Actes de la journée d’études tenue au Musée de l’Armée le 16 novembre 2005. Douze contributions d’officiers historiens et d’universitaires, français et étrangers, de la naissance de la Croix de guerre à sa perception dans la société française, en passant les décorations alliées similaires et ses évolutions ultérieures.

 

france grèceLes relations militaires franco-grecques. De la Restauration à la Seconde guerre mondiale 

SHD,Vincennes, 2007.

Durant cette période, les relations militaires franco-grecques ont été particulièrement intenses, portées à la fois par les sentiments philhellènes qui se développent dans l’hexagone (la France est l’une des ‘Puissances protectrices’ dès la renaissance du pays) et par la volonté de ne pas céder d’influence aux Anglais, aux Allemands ou aux Italiens. La campagne de Morée en 1828, l’intervention en Crète en 1897, les opérations en Russie du Sud  en 1919 constituent quelques uns des onze chapitres de ce volume, complété par un inventaire exhaustif des fonds conservés à Vincennes.

 

verdunLes 300 jours de Verdun

Editions Italiques, Triel-sur-Seine, 2006 (Jean-Pierre Turbergue, Dir.).

Exceptionnel album de 550 pages, très richement illustré, réalisé en partenariat entre les éditions Italiques et le Service historique de la Défense. Toutes les opérations sur le front de Verdun en 1916 au jour le jour.

 

DICO-14-18.jpgDictionnaire de la Grande Guerre

(avec François Cochet), 'Bouquins', R. Laffont, 2008.

Une cinquantaine de contributeurs parmi les meilleurs spécialistes de la Grande Guerre, 1.100 pages, 2.500 entrées : toute la Première Guerre mondiale de A à Z, les hommes, les lieux, les matériels, les opérations, les règlements, les doctrines, etc.

 

fochFerdinand Foch (1851-1929). Apprenez à penser

(avec François Cochet), 14/18 Editions - SOTECA, Saint-Cloud, 2010.

Actes du colloque international tenu à l’Ecole militaire les 6 et 7 novembre 2008. Vingt-quatre communications balayant tous les aspects de la carrière du maréchal Foch, de sa formation à son héritage dans les armées alliées par des historiens, civils et militaires, de neuf nations (461 pages + 16 pages de bibliographie).

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