Les moutons noirs de Piron
La brigade Piron de la Normandie au coeur du Reich
Hugues Wenkin
Dans le droit fil de ses publications antérieures (le centenaire des chars ici et la chute du fort d'Eben Emael ici par exemple) nous propose désormais un (très) bel album sur ces Belges qui en 1940 refusèrent la défaite et la capitulation. Il dédie aussi son livre "à nos militaires. A tous, présents, passés ou à venir ! Qu'ils aient combattu sur l'Yser, la Lys, en Normandie, en Corée, en Afghanistan ou au Congo, nous leur devons depuis 1830 la persistance même de notre nation". Qu'il nous permette d'ajouter : et pas seulement en Belgique.
Voici donc l'histoire de ces soldats qui, en 1940, doivent "résister" et "se battre" au moins aux plans politique et administratif, aussi bien contre leur propre gouvernement qu'en Angleterre, pour avoir le droit de continuer la lutte contre l'occupant allemand : "On ne peut comprendre le professionnalisme et la rage de se battre de ces hommes sans décrire combien ils ont bataillé pour pouvoir simplement verser leur sang". Le livre est donc divisé en onze chapitres chronologiques, qui commencent avec la capitulation de l'armée belge au terme de la "campagne des 18 Jours" de mai 1940, pour se terminer par leur situation paradoxale, tue, de soldats oubliés, dès 1946. S'appuyant sur de nombreuses citations et références aussi bien aux archives qu'aux témoignages ultérieurs, le texte revient successivement sur les difficultés pour exister en tant que "Belges Libres" sur le sol anglais, sur les difficultés matérielles et administratives qui entourèrent la création de la brigade (les souvenirs de Piron lui-même et de bien de ses camarades au moins jusqu'en 1942 sont tout-à-fait éclairants) ; les crises morales (presque existentielles) qui se développent dans un contingent qui s'entraine mais reste divisé jusqu'à connaître des refus d'obéissance et même la grève pour pouvoir être engagé au combat avec les Alliés ; les difficultés du gouvernement belge en exil et ses rapports avec les autorités britanniques ; les débats qui entourent pendant de longs mois les réflexions sur le type d'unité à créer ; l'intégration de jeunes Luxembourgeois avec de faux papiers belges pour les préserver de l'accusation de trahison ; l'arrivée des compléments de matériels à la fin de l'année 1943 ; les derniers entraînements et le départ, enfin, au début du mois d'août, pour la Normandie où leur mobilité tactique doit faire merveille. En première ligne dès le 13 août avec la 1ère Armée canadienne, le First Belgian Group va se battre jusqu'aux faubourgs du Havre, puis en direction d'Amiens, d'Arras, remontant vers le nors-est parallèlement à la côte pour atteindre Rongy et la frontière belge au début du mois de septembre. Aussitôt, les hommes poussent sur Enghien, Bruxelles, Louvain et Anvers, où ils parviennent une semaine plus tard. Lorsque Montgomery lance l'opération Market Garden, les Belges contribuent à tenir la base du corridor utilisé par les blindés britanniques et les Belges se battent sur le canal de Wessem pour réduire les têtes de pont allemandes. Auparavant, "le manque de troupes pousse Piron à mettre en ligne ses blindés. Ils vont découvrir une faille dans le dispositif allemand et permettre de libérer le dernier morceau du sol belge". Le 16 décembre 1944, lorsque les Allemands lancent l'offensive des Ardennes, la brigade Piron est dissoute pour être refondue dans une nouvelle armée belge en cours de restauration, ce qui suscite entre camarades liés par des mois de combats côte à côte des mouvements d'humeur face à l'arrivée des "nouveaux", surtout lorsque ces derniers se voient confier les postes de commandement. La réorganisation va se poursuivre jusqu'à la fin du mois de mars 1945 et ce n'est qu'au début du mois d'avril que les soldats belges reprennent le chemin des opérations actives, en direction de la Hollande, où ils sont encore lors de la capitulation allemande, venant au secours de populations civiles affamées et épuisées.
Le récit est presque haletant, le livre-album se dévore, et il permet surtout de rappeler que quelques volontaires décidés permirent à la Belgique de tenir son rang parmi les vainqueurs, même si leur exemple ne fut pas toujours reconnu au lendemain du conflit.
Editions Weyrich, Neufchâteau (B), 2017, 242 pages, 34,- euros.
ISBN : 978-2-87489-408-4.
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